Auteur/autrice : Raymond Bonnaterre

  • Les cours du pétrole WTI américain à 10$ plus bas que le baril de Brent: une situation rare

    Les cours du pétrole WTI américain à 10$ plus bas que le baril de Brent: une situation rare

                          Depuis le début de cette année les marchés ont enregistré une divergence entre les cours du Brent à Londres et ceux du brut WTI coté à new York et échangé physiquement à Cushing, Oklahoma (FIG.).Coursbrentwti2009  Cette différence inhabituelle entre les deux cotations, généralement le Brent court derrière le WTI, apparaît lorsque les stocks à Cushing sont saturés. C’était par exemple le cas au printemps 2007 lorsque les stocks de brut de cette bourgade de l’Oklahoma avaient atteint la saturation, à l’époque, à 28 millions de barils (FIG.II). Depuis les traders ont investi dans des capacités de stockage supplémentaires, mais le niveau atteint vendredi dernier à 33 millions de barils ne doit pas être loin de la saturation de ces capacités.

    Ptrolecushing200901 Les stocks de Cushing sont saturés de pétrole vendu à terme. Contrairement à ce qui se raconte naïvement les Etats-Unis qui importent à tout-va du pétrole n’attendent pas un éventuel client. Ce pétrole est déjà vendu à terme avec un mark-up de 5, de 10 ou 14 dollars par baril à l’échéance de Mars, Avril ou Mai en raison de la situation de contango (FIG. III).Contango200901  Tout se passe comme si les Etats-Unis achetaient leur pétrole par avance pour profiter des soldes actuels. Inutile de préciser que cette divergence des cours entre Europe et Etats-Unis ne durera pas, les tankers chargés de bruts africains ou saoudiens iront livrer leur cargaison au terminal le plus offrant.

                    Le marché de New York est rongé par la spéculation, il faut espérer qu’après les aventures de cet été plus personne n’en doute et que la question ne fait plus débat. Les cours baissent parce que les professionnels stockent pour vendre à terme. Ceux qui ont joué la hausse trop tôt en achetant des futures sont en train de perdre leur culotte et sont obligés de vendre leur papier à perte. Tout le monde attend le signal du rallye à la hausse, mais les maîtres de la spéculation attendent les premiers effets des restrictions de quotas OPEP ou les prémices de la dévaluation du dollar, après le plan Obama.

                   Un autre fait marquant sur ce marché des produits pétroliers en début 2009 est la bonne tenue des cours de l’essence (FIG.I courbe rouge) qui montre l’effet des restrictions de raffinage et peut-être un démarrage de la consommation en carburants par les particuliers en raison des prix bradés à la pompe. Il sera intéressant de connaître les consommations durant ce week-end prolongé avec le Martin Luther King Day. La divergence des cours entre essence et brut profite aux raffineurs américains dont les marges de raffinage sur l’essence ont été négatives durant tout le quatrième trimestre 2008 (FIG IV).Margeessence2009_01

    Le 17 Janvier 2009.

  • Comparaison de l’inflation US à celle de la Zone Euro au mois de Décembre 2008

    Comparaison de l’inflation US à celle de la Zone Euro au mois de Décembre 2008

                         La comparaison des grands postes de l’inflation aux USA et en Zone euro pour le dernier mois de 2008 est très intéressante. On constate tout d’abord que les inflations sous-jacentes (hors énergie et alimentation) sont les mêmes à 1,8% (FIG. barres roses). A cette inflation de base ajoutons l’alimentation (barres jaunes) : le poste alimentation impacte d’avantage l’inflation US que celle de la Zone Euro. Les producteurs ou les distributeurs ou bien les deux, renâclent à passer les baisses de prix des matières premières agricoles dans les prix aux Etats-Unis. Effectivement le poste alimentation-boissons est encore en progression de 5,8% en cette fin d’année. Le consommateur américain se nourrit bien à Wal-Mart.  Enfin superposons l’énergie pour avoir l’inflation globale (barres vertes) on découvre le rôle décapant de l’énergie américaine qui avec ses -21% de variation annuelle en Décembre, ramène l’inflation au mois de Décembre quasiment à zéro par rapport à il y a un an.

                         Formidable gain de pouvoir d’achat libéré par la chute des cours de l’énergie en fin 2008 aux Etats-Unis. Les cours des carburants sur le NYMEX se répercutent en une semaine sur les prix à la pompe aux USA.Inflationusze200812

    Le 16 Janvier 2009.

  • L’AIE revoit les consommations mondiales de pétrole en 2009 : elles devraient être inférieures de 0,5 million de barils/jour à celles de 2008

    L’AIE revoit les consommations mondiales de pétrole en 2009 : elles devraient être inférieures de 0,5 million de barils/jour à celles de 2008

                        Aurait-on décidé de devenir sérieux à l’Agence Internationale de l’Energie? Cela semblerait être le cas. En effet cette curieuse institution qui parfois se croit en guerre (de cent ans) contre les membres de l’OPEP, seule puissance réelle de régulation des cours face à la spéculation, vient de revoir ses prévisions farfelues toujours en croissance en les abaissant d’un million de barils/jour pour 2009 (une paille!) à 85,3 millions de barils/jour (FIG. courbe violette). Ce chiffre correspond à une décroissance de consommation de 0,5 millions de barils/jour par rapport à la meilleure estimation de 2008 (courbe verte).

                    Mieux vaut passer pour un rigolo une bonne fois que de faire rire la galerie tous les mois ont du se dire ses analystes de la demande. Le changement de pied a tellement fait rire les traders du NYMEX que les cours du brut se sont retournés à la hausse, pour s’aligner sur la hausse des cours de l’essence et du gasoil.Aieconso200901

    Le 16 Janvier 2009.

  • Nouvelles énergétiques de la semaine du 16 Janvier 2009

    Nouvelles énergétiques de la semaine du 16 Janvier 2009

    Businessupdate                    Biocarburants de deuxième génération: Verenium se dit prêt à lancer la réalisation d’une unité de production de fuel éthanol de deuxième génération en Floride. Cette usine qui devrait être lancée au second semestre 2009 pour être opérationnelle en 2011 devrait pouvoir produire jusqu’à 36 millions de gallons ou 136 millions de litres d’éthanol par an. Pour approvisionner la charge de l’usine, Verenium a signé un accord avec une Société locale de l’agri business, la Lykes Brothers Inc.qui livrera la biomasse. Rappelons que Verenium est associé avec BP ce qui confère une certaine crédibilité à son projet. Le procédé est basé sur une transformation enzymatique de la biomasse.

                         Ventes de voitures hybrides en Europe: les ventes de voitures hybrides de Toyota et Lexus en Europe en 2008 se sont accrues de 18% à 57800 unités. Les ventes de la Prius ont atteint 41500 unités, en croissance de 29%.

                              Le New-Jersey va manquer d’énergie solaire: le New-Jersey oblige les compagnies qui distribuent l’électricité dans cet Etat à vendre au moins 2% de cette énergie d’origine solaire. Les droits qui sont négociés sur cette forme d’énergie ont plus que doublé par rapport à l’année précédente en passant à 675$/MWh. Les distributeurs qui n’auront pas réalisé leurs quotas paieront une pénalité de 711$ par MWh. Inutile de dire que de tels prix dynamisent le marché du solaire dans cet Etat où 39 MW de panneaux solaires seraient en cours de développement. La Pennsylvanie, le Maryland et le Delaware ont démarré la même politique de crédits sur leurs ressources en énergie solaire.

    Le 16 Janvier 2009.

  • L’inflation dans la Zone Euro tirée vers le bas par la baisse des prix de l’énergie et des matières premières

    L’inflation dans la Zone Euro tirée vers le bas par la baisse des prix de l’énergie et des matières premières

                          L‘inflation sous-jacente de la Zone Euro (hors énergie et alimentation) a été remarquablement stable en 2008, variant entre 1,7% et 2% (FIG. courbe orange). Ces chiffres confirment le caractère obsessionnel des craintes de notre banquier central d’une inflation de second tour (inflation par les salaires) durant une trop large partie de l’année. Ils nous informent également qu’il n’y a pas de phénomène déflationniste généralisé en Zone Euro.  L’arrêt de la spéculation massive sur tous les marchés de "commodities" au mois de Juillet qui a entraîné la chute des cours de l’énergie et des matières premières industrielles et agricoles à partir du mois d’Août, a alors massivement impacté à la baisse l’inflation générale. Le poste énergie est même devenu négatif au mois de décembre, le poste alimentation-alcools-tabac et passé de 6,1% en Juillet à 3.3% en Décembre (courbe verte). Tous ces mouvements à la baisse amènent l’inflation générale à 1,6% (courbe bleue), en dessous de l’inflation sous-jacente qui est à 1,8%.Inflationze200812_2

                          Une approche sectorielle nous montre qu’il y a trois postes économiques importants en difficulté: le système bancaire et ses errements, l’industrie automobile qui vit à crédit et enfin les industries des énergies renouvelables qui nécessitent des investissements lourds à rentabilité incertaine. Ces trois secteurs sont les protégés des Etats et vont être mis sous perfusion intensive. Cependant, c’est le secteur des énergies renouvelables qui devrait le plus pâtir des baisses de prix de l’énergie et des restrictions de crédit.

    Le 16 Janvier 2009.

  • Chute des ventes de voitures en 2008 de 8% en Europe et de 18% aux Etats-Unis

    Chute des ventes de voitures en 2008 de 8% en Europe et de 18% aux Etats-Unis

                        La crise des ventes de voitures en Europe (-8%) a été globalement moins dure qu’aux Etats-Unis (-18%). Seule, parmi les grands pays européens, l’Espagne (- 28%) et l’Irlande (-19%) ont fait pire. Il faut également noter la mauvaise performance de l’Italie (-13%) traditionnellement grosse consommatrice de voitures et celle de la Grande-Bretagne (-11%). A l’inverse il faut noter les bonnes ventes de la Finlande (+11%), du Portugal (+6%) et celles de la Belgique (+2%) dont les ventes rapportées à 1000 habitants dépassent celles des Etats-Unis. L’Allemagne, la France et les Pays-Bas avec des baisses comprises entre 1 et 2% ont sauvé les meubles.Ventesvoitures20082007

                    Mais comme aux Etats-Unis qui ont fait un score de ventes de -36% en Décembre par rapport au même mois de 2007, l’Europe des 25 se traîne avec un -18% des ventes pour ce même mois. Les performances annuelles ne traduisent pas l’aggravation de la crise de ces trois derniers mois.

    Le 15 Janvier 2009.

  • Total essaie de combler son absence dans les schistes bitumineux américains

    Total essaie de combler son absence dans les schistes bitumineux américains

    Oilshalemapgreenriver_2                     Les schistes bitumineux américains étaient totalement ignorés du pétrolier Total jusqu’à ces derniers mois. Le pétrolier français élaborait depuis des années de vastes plans d’importation aux USA de gaz naturel liquéfié et investissait dans les terminaux de stockage et de gazéification du GNL sur les côtes du Golfe du Mexique. Mais voila pendant ce temps, d’autres développaient de nouveaux modes de forage horizontaux qui en injectant de la vapeur d’eau sous pression dans les schistes bitumineux permettaient de récupérer des hydrocarbures présents dans ces schistes, dont essentiellement des gaz. Ces évolutions technologiques font du territoire américain une formidable réserve de gaz naturel, à tel point que les cours du gaz ne cessent de baisser devant l’ampleur de la ressource potentielle et cela malgré la fermeture de nombreux puits depuis l’été dernier. Le gaz naturel sur le NYMEX était à moins de 5$ le million de BTU hier, au plus bas depuis le crash financier d’Amaranth en Septembre 2006. Parmi les nombreux gisements il en est un remarquable d’après le Bureau of Land Management (BLM) c’est celui du Green River Basin à cheval sur le Colorado, le Wyoming et l’Utah (FIG.). Il contiendrait les plus grandes ressources de schistes bitumineux du monde.

                             Le BLM a accordé en fin 2006 des droits sur des parcelles de 64 hectares, pour une période de dix ans, à des Sociétés motivées pour valider un procédé d’exploitation de ces gisements, avec la possibilité d’étendre les droits à des surfaces de 2000 hectares en cas de décision d’exploitation commerciale par ces Sociétés. Total vient de décider d’acquérir 50% d’une de ces Sociétés, l’American Shale Oil (AMSO), pour mener à bien cette phase de validation d’un procédé et pour lancer ensuite la phase commerciale du projet. Les droits d’AMSO sont situés dans le bassin de Piceance dans le Colorado.

    Shalemapsmall_2                         L’exploitation des schistes bitumineux américains ne fait que commencer, pour l’instant c’est essentiellement du gaz qui est produit, mais avec de futures techniques en cours de développement il n’est pas impensable d’imaginer que les opérateurs pourront également récupérer des hydrocarbures plus lourds. La mise à disposition aux Etats-Unis de gaz naturel à des prix très abordables devrait permettre d’accroître son utilisation dans la génération de courant, couplée ou non avec des sources d’énergies renouvelables, mais aussi dans une chimie à inventer qui se substituerait à la pétrochimie.

                          L’autonomie énergétique en gaz naturel des Etats-Unis rendra le gaz naturel liquéfié du Moyen-Orient (Qatar, Iran), de l’Australie, de l’Afrique et de la Russie (Shtokman) disponible pour les besoins de l’Europe et de l’Asie. Le gaz naturel sera la source d’énergie primaire mondiale principale dans les décennies à venir.

    LIRE le communiqué de TOTAL

    Le 15 Janvier 2009.

  • Des Parlementaires américains présentent une prime à la casse des véhicules les plus pollueurs, pour une durée de quatre ans

    Des Parlementaires américains présentent une prime à la casse des véhicules les plus pollueurs, pour une durée de quatre ans

                          Des Sénateurs américains au Capitole et des Représentants à la Chambre, viennent de présenter un projet de prime à la casse l’Accelerated Retirement of Inefficient Vehicles Retirement Act ou ARIVA dont la durée sera étalée sur quatre ans (2009-2012). Le montant de la prime, compris entre 4500 et 1500 dollars, dépendra de l’âge du véhicule scrapé et du type d’achat envisagé: véhicule neuf, véhicule d’occasion ou d’une participation aux frais d’un mode de transport en commun (TAB.). Ariva2009 Les Parlementaires américains espèrent ainsi que 500 mille à un million de véhicules très pollueurs pourraient être ainsi retirés chaque année du parc automobile américain et remplacés par des véhicules peu polluants qualifiés pour ce programme. D’après l’ACEEE (American Council for en Energy Efficient Economy) il existe aux Etats-Unis 11 millions de véhicules qui ont une autonomie de moins de 18 miles/gallon (ou qui présentent une consommation de plus de 235/18= 13 litres aux cent kilomètres) éligibles pour ce programme de mise à la casse. Ce sont essentiellement des pick-up, des 4X4 et des SUV’s produits entre 1990 et 2006. Ils représentent 5 pourcents du parc automobile américain.

                       Ce programme permet à l’Etat de se substituer au vendeur pour assurer la reprise du vieux véhicule, il devrait donc accroître la fluidité du marché automobile aux Etats-Unis.

    LIRE le projet de l’ACEEE sur le sujet.

    Le 15 Janvier 2009.

  • La consommation d’énergie des Etats-Unis, tirée vers le bas par celle de pétrole, devrait décroître en 2009

    La consommation d’énergie des Etats-Unis, tirée vers le bas par celle de pétrole, devrait décroître en 2009

                         L‘Energy Information Administration, suivant les prévisions des économistes, revoit chaque mois les consommations d’énergie des Etats-Unis pour 2009 à la baisse. Ces consommations baisseraient globalement d’un pourcent, tirées à la baisse par les consommations de pétrole qui chuteraient de 2% à 19,1 millions de barils/jour venant de 19,5 en 2008. Les consommations de gaz baisseraient d’un pourcent en raison d’une demande stable d’électricité et de la baisse de la demande industrielle. Les consommations de charbon seraient également en baisse de quelques fractions de points. Mais l’EIA attire fort justement l’attention du lecteur sur la fragilité de ses prévisions de consommations en produits pétroliers (FIG.) qui vont dépendre dans une large mesure du comportement des consommateurs américains. En particulier l’EIA doute de la pérennité de l’engouement des citoyens américains pour les transports en commun, observé durant l’été 2008, avec les nouveaux prix cassés des carburants. La possibilité d’une reprise des consommations avec la baisse des prix à la pompe ne peut pas être négligée.Eiaconsommationusa2009

                       Ces prévisions à la baisse couplées à des approvisionnements généreux en gaz et en pétrole participent à la chute inexorable des cours, animée par une spéculation qui attend patiemment le signal de départ d’un rallye à la hausse, comme le démontre la hausse continue des stocks en produits pétroliers aux Etats-Unis. (FIG.II)Stockshedous200901

                        On notera, entre autres, les stupides déclarations guerrières de Richard Jones, sous-directeur à l’Agence Internationale de l’Energie, parlant des membres de l’OPEP: "Ils annoncent qu’ils vont réduire leurs productions dans l’espoir de voir les cours se réévaluer, mais ils doivent comprendre que l’économie mondiale a besoin d’une pose après la période de prix élevés du pétrole". Ce que dit ce Monsieur est sûrement vrai, mais ce ne sont pas ses déclarations guerrières qui vont calmer la spéculation qui est aussi meurtrière pour l’économie, à la baisse comme à la hausse. Dans tous les cas, cela ne met pas l’OPEP, seule institution capable de réguler un peu les cours du brut, dans une position de force. Il existe encore au sein de l’AIE des anciens adeptes de Mandil qui prêchent pour un pétrole à 20 dollars le baril.

    Le 15 Janvier 2009.

  • Pour une politique progressive vers des biocarburants utilisant la quasi totalité de la ressource

    Pour une politique progressive vers des biocarburants utilisant la quasi totalité de la ressource

    Poet1                       L’utilisation d’un hectare de sol pour faire pousser du maïs, du switchgrass, du manioc, de la patate douce ou du miscanthus dans le but de produire des biocarburants doit être posée non pas en terme de denrée alimentaire ou non alimentaire comme on le lit trop souvent, mais en terme de rendement global en biocarburant obtenu pour cette surface et en tenant compte des ressources utilisées pour assurer cette transformation de A à Z (eau, engrais, main d’oeuvre, énergie, rejets, déchets valorisables ou non, etc.). Chaque culture a ses avantages et ses inconvénients, mais si les Etats-Unis utilisaient toutes les surfaces plantées de maïs pour biocarburant par du miscanthus avantageusement arrosé d’engrais, cela ne libèrerait aucun boisseau de maïs supplémentaire aux spéculateurs qui décident des cours de cette ressource alimentaire mondiale. La notion de biocarburant de première ou de deuxième génération n’a, d’autre part, que peu de sens d’un point de vue économique. D’un côté, il existe des procédés, sûrement perfectibles, d’un autre côté il existe des ressources de biomasse elles aussi perfectibles qui pourraient par exemple, utiliser moins d’eau et moins d’engrais pour croître. La question est alors la suivante: que doit-on faire pour que le rendement global de la transformation soit optimal. Tel semble être la bonne façon de poser scientifiquement le problème.

                          Le conflit entre cultures vivrières et cultures destinées à élaborer des biocarburants n’est pas un problème scientifique. Il est politique. Un Etat a tout à fait le droit d’interdire ou de limiter les cultures destinées à l’élaboration des biocarburants, mais la technologie à le devoir de lui indiquer quel type de biomasse et quel type de procédé, compte tenu des données géographiques du lieu considéré, sont à ce jour envisageables et optimales. Le Brésil considère que la meilleure voie aujourd’hui est la culture de la canne à sucre, pourtant le sucre est une denrée alimentaire, mais elle est abondante. Les Etats-Unis considèrent que leur meilleur procédé est basé à ce jour sur la culture du maïs. Ceci est fortement critiqué, mais rien n’empêche la nouvelle administration américaine de limiter les surfaces cultivables de maïs destiné aux biocarburants, afin de ménager des ressources vivrières suffisantes pour son pays et pour l’exportation. Le responsable n’est pas le procédé, mais c’est le politique qui ne dit rien.

                          La filière qui va du maïs au fuel éthanol est  par contre éminemment perfectible. Les plants de maïs de nouvelle génération vont être plus résistants au manque d’eau, ils demanderont moins d’engrais pour se développer, les rendements à l’hectare vont croître tout en nécessitant moins d’apports (LIRE). Côté procédé des progrès d’optimisation sont possibles et le plus important à ce jour est l’adjonction des procédés de deuxième génération permettant d’utiliser les rafles et les déchets cellulosiques du maïs, couplés dans la même usine avec le procédé traditionnel de transformation de l’amidon en alcool. Le plus grand producteur de fuel éthanol américain, Poet qui produit 1,54 milliards de gallons d’éthanol ( 2,45 milliards d’hectolitres) par an travaille activement à ce procédé. Il vient de démarrer une unité pilote à Scotland, dans le Sud Dakota qui a une capacité de 20 mille gallons par an d’alcool obtenu à partir des rafles de maïs (cob). Poet va être sûrement un des premiers industriels en 2011 à transformer des déchets cellulosiques en alcool de façon industrielle et rentable, puisqu’il va peu à peu convertir ses 26 usines agricoles afin qu’elles puissent valoriser, par une modification du process, les rafles de maïs que les paysans producteurs de maïs livreront également à l’usine, que ce soit des rafles de maïs alimentaire ou de maïs pour biocarburants. L’objectif de Poet est qu’une usine puisse produire 1/4 de l’éthanol par ce procédé en parallèle au précédent, grâce à des investissements limités. Par la suite selon les régions, selon les opportunités les parts relatives de l’un et de l’autre seront modulées.

                           Cet exemple simple montre que la dissociation entre procédé de première génération forcément mauvais et de deuxième génération bien sûr vertueux n’a que peu de sens. Le problème pour Poet et les paysans qui le fournissent est de produire pour chaque hectare cultivé le maximum de biomasse transformable à moindre coût. L’amidon, la cellulose et l’hémicellulose de la plante seront tous transformés en alcool. Il apparaît cependant qu’il est moins onéreux d’industrialiser un procédé parallèle à la voie amidon que de partir de zéro. Un certain nombre d’équipements, chaudières, pompes, filtres, cuves, station d’épuration peuvent être mis en pool, les équipes sont les mêmes à quelques opérateurs près, la logistique qui fait entrer les matières premières et sortir le fuel éthanol est en place. Formidable opportunité.

                             Un jour, peut-être, une nouvelle culture que celle du maïs la supplantera dans les grandes plaines américaines, ce sera parce qu’elle permettra de produire plus d’éthanol (ou de butanol) à l’hectare par des procédés simples. Pour l’instant les procédés de deuxième génération qui rejettent 40% de la plante ou du bois sous forme de résidus ligneux ont peu de chance d’atteindre cet objectif. Quand aux raffineries gigantesques issues de l’imagination de doux rêveurs faisant appel au procédé Fischer-Tropsch, elles ont pour l’instant 200 ou 300 ans d’avance le temps qu’il n’y ait plus de gaz naturel et de charbon accessible sur terre. Tout au plus pourrait-on les envisager auprès des très grandes industries du bois pour valoriser les déchets (LIRE un précédent article), mais les rustiques granulés de biomasse sont de sévères concurrents.

                            La canne à sucre et le maïs ont des propriétés naturelles toutes particulières, un vieux Rhum vieilli en fût ou un Bourbon de 20 ans d’âge témoigneront toujours de cette évidence.

    Le 13 Janvier 2009.