
L‘histoire de la découverte des carburants de synthèse est une histoire de réponse à la pénurie. C’est donc une aventure actuelle, qui va prendre tout son essor au cours des décennies à venir.
Les carburants de synthèse sont nés en Allemagne vers 1925 lorsque Fischer et Tropsch décidèrent de produire des hydrocarbures à partir de charbon. Ces produits furent très utilisés durant la Deuxième Guerre.
Nous allons montrer toute l’actualité de ce procédé générique et des possibilités d’évolutions futures. Elles permettront de transformer du charbon, du gaz ou du bois en n’importe quel carburant sous forme liquide de type essence, kérosène ou gasoil. Nous montrerons également certaines limites.
Le procédé Fischer-Tropsch part de la formation de "gaz à l’eau" à partir de charbon selon la réaction:
C + H2O —-> CO + H2 mélange de monoxyde de Carbone et d’Hydrogène. Ce mélange gazeux, enrichi en Hydrogène, est ensuite converti en hydrocarbures et en eau par réaction catalytique. Ces hydrocarbures peuvent ensuite subir diverses transformations, par les traitements classiques du raffinage. Ce procédé a été repris dans la deuxième partie du vingtème siècle par le Groupe Sasol en Afrique du Sud, en réaction aux sanctions internationales anti apartheid. Aujourd’hui Sasol est le leader mondial incontesté de ce procédé dit "Carbon to Liquid ou CTL". La Société Air Liquide est un de ses fournisseurs fidèles d’équipements destinés à produire l’Hydrogène qui lui manque. Sasol et Shell en concurrence, disposent de plusieurs contrats d’implantation d’usines CTL en Chine.
Pour obtenir un gaz de synthèse ou syngas il est possible de partir de gaz naturel en le faisant réagir avec de l’oxygène selon la réaction
CH4 + 1/2 O2 —-> CO + 2H2
puis le gaz subit la réaction catalytique pour conduire à de longues chaînes hydrocarbonées (cires) et de l’eau selon
n (CO + 2H2) —-> n (-CH2-) + n H2O
Ces cires sont ensuite transformées en carburants liquides par hydroreforming. C’est le procédé "Gas To Liquid ou GTL". Le Groupe RDShell est, parmi les pétroliers, un de ceux qui a le plus travaillé sur ce sujet, depuis la crise des années 70. Il dispose d’une petite unité de production (14700 bl/j) à Bintulu en Malaisie et il est en phase de construction d’une unité de 140000 bl/j au Qatar. C’est le projet Pearl.
Le Qatar dispose, d’autre part, depuis 2006 d’une unité de GTL de 34000 bl/j développée, dans le Nord du Qatar, par Qatar Petroleum (51%) et Sasol (49%) qui a apporté son procédé en "Slurry Phase Distillate" de formation des cires. Cette unité a été construite et mise au pont par Technip. Elle produit 24000 bl/j de diesel, 9000 bl/j de naphta et 1000 bl/j de liquides. Ce programme appelé ORYX sera poursuivi, avec l’arrivée de Chevron qui rejoint le consortium. Plusieurs extensions de 65000 bl/j sont programmées la première en 2009, une autre en 2011. Le Qatar est le leader mondial incontesté de la promotion du GTL et sa production pourrait arreindre 450000 bl/j en 2015.
D’autre part, l’association de Chevron-Sasol étudierait la faisabilité d’un projet GTL dans le Nord Ouest de l’ Australie.
Pour obtenir le gaz de synthèse, Il est également possible de partir de cellulose, -(CHOH)- n, qui par pyrolyse puis combustion incomplète va conduire à un mélange de CO et H2.
C’est le procédé dit "Biomass To Liquid" ou BTL qui n’a rien de "bio", c’est de la bonne chimie "de papa". Je lui préfèrerais une appellation moins pompeuse, du genre "Wood To Liquid" ou WTL, le C de cellulose étant déjà pris, ce serait plus clair et plus sobre à la fois. Il ne se dégage pas pour l’instant de grand leader mondial dans ce procédé, on peut cependant citer CHOREN Industries qui dispose d’une unité pilote, à Freiberg en Saxe et qui utilise les procédés catalytiques de Shell.
Les bases de la réussite économique et environnementale de tous ces procédés sont les suivantes:
– disposer de la ressource de base abondante et économique: on fera du CTL en Chine, du GTL au Qatar et du BTL dans les régions très boisées.
– disposer des meilleurs catalyseurs et du know-how pétrolier pour optimiser les rendements et fiabiliser les installations.
– capter et séquestrer toutes les impuretés inhérentes au procédé (CO, CO2, SO2, NOx…)
La pénurie en ressources pétrolières des années à venir, accompagnée d’un accroissement des prix du baril de pétrole et d’une demande accentuée, en raison de l’accroissement de la population mondiale et de son niveau de vie, vont rendre ces trois procédés de plus en plus répandus et indispensables. Les groupes pétroliers ont un rôle fondamental à jouer dans ce domaine. Notre leader national, Total, ne semble toujours pas être convaincu par le GTL en raison d’un rendement thermique global faible, de 60%. Il s’inscrirait cependant dans sa politique de développement de la filière Gaz Naturel.
Quand au procédé "biomasse"TL, on peut se poser des questions sur l’adéquation d’un procédé de taille forcément importante pour atteindre la rentabilité avec une collecte de bois ou de taillis très complexe. Par exemple, produire 100 mille bl/j c’est produire 13 mille tonnes de pétrole et c’est donc consommer quotidiennement 36 mille tonnes de bois sec. Attention au déboisement! Un ordre d’idée l’usine de Smurfit dans les Landes qui fait du papier kraft, reçoit 250 camions de rondins par jour, il en faudrait 10 fois plus pour une usine de gasoil.
Dans de nombreux raisonnements partant des ressources agricoles ou forestières le phénomène de taille est souvent sous estimé. On oublie trop souvent que le pétrole, le gaz et le charbon représentent plusieurs millions d’années de récoltes enfouies.