Auteur/autrice : Raymond Bonnaterre

  • L’épuisement des champs de pétrole géants.

    L’épuisement des champs de pétrole géants.

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    Pour comprendre le futur se l’exploration pétrolière, de ses ressources et de notre futur mode de vie il faut lire la thèse de Fredrik Robelius de l’Université d’Uppsala en Suéde. Elle s’intitule :

     

    Giant Oil Fields – The Highway to Oil
    Giant Oil Fields and Their Importance for Future Oil Production

     

    Dans ce travail académique il étudie les projections de productions de 507 champs pétroliers géants, contenant plus de 500 millions de barils de pétrole récupérable.

    Ces champs en nombre représentent seulement 1% du nombre de champs exploités ou connus. Mais en 2005 ils représentaient 60% de la production pétrolière et 65% des Réserves Ultimes Récupérables (URR). La majorité de ces champs ont été découverts depuis plus de 50 ans et l’on en découvre de moins en moins et de tailles de plus en plus réduites.

    L’étude de la déplétion de ces champs, couplée avec des hypothèses de futures découvertes et de l’exploitation des sables bitumineux permettent à l’auteur de bâtir plusieurs scénarios qui prévoient un maximum de production au plus tard en 2018 avec 93 mbl/j. Ce résultat est bien plus en retrait que les conclusions de l’ EIA qui prédisaient un maximum vers 2030 à 123 mbl/j. Robelius attribue cette différence à la sous-estimation par l’EIA de la rapide déplétion des champs géants. Il est en contradiction également avec les travaux analytiques du CERA  qui prévoit un potentiel de production de 110 mbl/j en 2015. La confrontation critique des hypothèses de chacun serait captivante.

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    Le plus important dans cette étude n’est pas la date du maximum, c’est sa faible amplitude à 93 mbl/j. En 2007 le monde consomme 86 mbl/j. L’accroissement de consommation annuel moyen depuis dix ans est de 1,3 mbl/j. Avec les besoins croissants de l’Asie, du Moyen-Orient et de l’Amérique du Sud il n’y a pas de raison que ce rythme se ralentisse, au contraire. Une extrapolation linéaire simple montre que la demande en pétrole devrait atteindre 93 mbl/j dans cinq ans.


    Cette prévision montre que nous devrions entrer dans des périodes de réelle pénurie en pétrole dans trois à cinq ans en fonction des contraintes géopolitiques. C’est demain !

     

  • La Birmanie cachée.

    La Birmanie cachée.

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            Chevron et Total exploitent en Birmanie un gisement offshore  qui produit, annuellement, 630 millions de pieds cubes de gaz.  En France, les critiques portant sur Total sont nombreuses et souvent sans appel. Le 16 Octobre C. de Margerie, Directeur Général de Total, a été auditionné par la Commission des Affaires Etrangères au sujet de la présence de son Groupe en Birmanie. Voici un extrait de sa déposition:

    « Abordant la situation de la Birmanie, il a précisé que des investissements avaient été faits, depuis longtemps déjà, dans un projet de production de gaz naturel principalement demandé par la Thaïlande qui manquait de gaz et d’hydrocarbures. Dans ce programme, Total est l’opérateur et se trouve associé à plusieurs partenaires : la société américaine Chevron, la compagnie thaïlandaise PTTEP et la compagnie nationale birmane. Il a indiqué que, conformément aux contrats, 85 % de la production étaient destinés à la Thaïlande et 15 % à la Birmanie, tout en regrettant que la part birmane ne soit pas plus élevée. Bien avant les évènements survenus récemment, Total, après l’avoir évoqué notamment avec la Prix Nobel de la Paix à Rangoon, avait pris la décision de ne pas procéder à de nouveaux investissements afin de ne pas créer de provocations. Actuellement les seules dépenses mises en œuvre sont destinées à maintenir le niveau de production et à entretenir les équipements existants dans le cadre du projet Yadana, pour les maintenir au meilleur niveau de qualité opérationnelle, notamment pour éviter tout risque d’accident ou de pollution ».

                  Pour ce qui est de la Société Chevron aux Etats-Unis les critiques sont rares et les articles de Presse soulignent le plus souvent le rôle positif d’un Groupe étranger produisant en Birmanie. « Je pense que la Birmanie régresserait encore plus vite vers le Moyen-âge si toutes les compagnies étrangères quittaient le pays » dit un membre du Peterson Institute.

                     Mais il n’y a pas que les Sociétés Pétrolières qui sont en Birmanie. Il existe aussi des activités à la frontière avec la Thaïlande qui ne sont pas très orthodoxes.

                    Andrew Higgins, du Wall Street Journal, a réalisé un reportage remarquable sur l’utilisation de la main d’œuvre birmane en Thaïlande. En voici quelques extraits :

    La “connection” Birmane

                    Myawaddy, Myanmar. Au nord de cette ville frontière, six jours par semaine, une cohorte de jeunes femmes à peine levées, descend péniblement un chemin boueux  pour grimper à bord d’un bateau métallique qui va leur permettre une très courte traversée de la rivière Moei, étroite et boueuse frontière entre le Myanmar et la Thaïlande. Ces femmes, victimes de la ruine économique de leur pays, dirigé par le plus coriace des régimes dictatoriaux, sont sur leur trajet pour aller travailler dans une usine thaïlandaise, située de l’autre côté de la rivière. Le soir venu, très tard, elles feront le chemin inverse pour rentrer au Myanmar. Ce va et vient assure la main d’œuvre de l’ensemble d’une industrie textile dont les forces reposent à la fois sur la misère de cette nation, auparavant connue sous le nom de Birmanie, refuge de légions de travailleurs désespérées, et sur la passion de l’Amérique pour la lingerie à bas coût. Elles travaillent pour « Top Form Brassiere (Mae Sot) Co » une unité d’une compagnie de Hong Kong, la Top Form International Ltd. La plupart des six millions de soutiens-gorge commercialisés cette année sous des noms tels que Maidenform ou Vanity Fair,  proviennent   de cette usine située le long de la rivière Moei. L’étiquette mentionne « Made in Thaïland » bien que la plupart de la main d’œuvre soit birmane.

                    « Il n’y a rien autour d’ici pour elles » dit le directeur de l’usine Top Form. Cet américain de 32 ans, explique que ces boulots permettent aux affamés du Myanmar de ramener au foyer trois dollars par jour. « Ils n’ont aucun revenu, aucune nourriture, aucun rien » dit-il, en dehors de son usine, à quelques miles de la ville Thaï de Mae Sot.

                                    Le Myanmar isolé, où les dirigeants militaires ont écrasé les protestations pacifiques dirigées par des moines boudhistes, offre un exemple accablant de travail transfrontalier  imposé  par les pressions questionnables du commerce international.

                    La mondialisation se fourre dans tous les coins et recoins les plus reculés et les plus politiquement toxiques de l’économie mondiale. Les sanctions des USA et de l’Europe dissuadent la plupart des Compagnies occidentales de s’installer au Myanmar. Mais le long bras du commerce contourne ces barrières, en des lieux comme cette zone frontalière, en aspirant de la main d’œuvre dans les pays limitrophes.

                    Le Myanmar pose aussi une question d’éthique pour les Occidentaux préoccupés par le rôle que les Multinationales peuvent jouer en soutenant des régimes crapuleux.  Le Myanmar est comparable à une décharge « économique » dans laquelle nombreux de ses quelques 56 millions d’habitants auraient soif de boulots que peu auraient envie de faire. Les directeurs d’usines frontalières, à la recherche du coût optimum, non pas pour leur propre intérêt, finissent par offrir des emplois que à la fois les gens du Myanmar et leur gouvernement militaire désirent.

                    L’ancienne colonie britannique a été autrefois le premier exportateur de riz du monde, avec une économie prometteuse. Les militaires prirent le pouvoir en 1962 et lancèrent un mouvement d’indépendance en mettant la main sur les entreprises et en expulsant les hommes d’affaires indiens.

                    Les dirigeants militaires vers la fin des années quatre-vingts commencèrent à courtiser les investissements étrangers et le commerce qui se développa avec les voisins asiatiques. Mais la politique répressive continua à stigmatiser les relations avec l’Ouest. Dans les années récentes, les prix croissants de l’énergie accrurent les recettes du Myanmar, tirées du gaz naturel. Le régime utilisa alors une large partie de cet argent pour édifier une nouvelle capitale et subventionner les carburants.

                    Ici à Myawaddy, une grosse ville frontière, les échoppes vendent de l’ail du pays et autres produits, mais ils elles sont approvisionnées presque entièrement en produits venant de Thaïlande ou de Chine. Myawaddy dispose d’une poignée de routes pavées et de peu de voitures. L’électricité est aléatoire. Les emplois sont encore rares.

                    Le principal employeur, un gros fabricant de vêtements, a plié boutique il y a plusieurs années, fautes de commandes, en partie en raison des sanctions US et européennes. La plus grosse entreprise est maintenant une distillerie, Grand Royal Whisky, qui produit à tout va un tord-boyaux alcoolisé à 1$ la bouteille. La contrebande avec l’autre côté de la rivière est la principale industrie florissante.

                    Le Myanmar « est en train de pourrir comme un poisson mort », dit Saw Sei un va-nu-pieds de 39 ans qui, la semaine dernière, est venu de Myawaddy à la ville Thaï de Mae Sot par le pont « de l’Amitié ». Pour démarrer ce qu’il espère être une nouvelle vie, il a emprunté l’équivalent de 15$ à des amis, à 10% d’intérêts mensuels, et affirme qu’il acceptera n’importe quel travail en Thaïlande pour 1,5$ par jour ou plus.

                                    Le désespoir économique du Myanmar qui s’est amplifié avec la montée des prix  des carburants et du gaz de chauffage, a été le catalyseur du mouvement de protestation. Il poussé au moins cent mille personnes, ou peut-être deux ou trois fois plus, à chercher du travail de l’autre côté de la frontière, dans la région de Mae Sot. Au total, plus de deux millions de gens du Myanmar sont supposés travailler en Thaïlande, avec peut-être un quart d’entre eux munis de documents de travail.

                        Alors, avant de vous prononcer sur la pertinence de la présence de Total en Birmanie, vérifiez si le soutien-gorge de votre petite amie n’est pas « Made in Thaïland ».

  • Champ géant du Kashagan: un accord difficile à trouver.

    Champ géant du Kashagan: un accord difficile à trouver.

                    Johnbull

                 A la demande de C. de Margerie, Directeur Général de Total, les discussions entre ENI et le gouvernement kazakh, sur la recherche d’un compromis au sujet des retards et des dépassements de devis, dans l’exploitation du gisement géant de Kashagan, sont allées bon train. La compagnie d’état KazMunaiGas devrait voir sa part doubler dans le consortium qui comprend ENI (opérateur), RDS, Total, Exxon Mobil, Conoco Phillips et Inpex. Un accord devrait être trouvé avant la fin de l’année.

                    Mais voila que Exxon Mobil ne serait pas d’accord avec la montée en puissance de KazMunaiGas dans le consortium. On connaît l’intransigeance de Exxon en face des nationalisations rampantes. Après s’être chamaillée avec les Russes sur le gisement de Sakhaline et elle a préféré quitter le Venezuela, plutôt que de céder à la nationalisation des sociétés pétrolières, par Hugo Chavez.

                    Alors la conclusion d’un accord pourrait encore traîner.

  • Le biobutanol un challenger idéal du fuel éthanol.

    Le biobutanol un challenger idéal du fuel éthanol.

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                L’éthanol est un solvant volatil qui provoque des atteintes au foie irréversibles et des malformations graves du fœtus. En vertu de la Charte de l’Environnement 2004, il devrait être simplement interdit comme additif à l’essence, pour assurer la protection des pompistes, des garagistes, des employés de raffineries et des conductrices. Au Brésil cette charte n’existe peut-être pas.

                De plus, l’éthanol, difficilement miscible à l’essence en présence d’humidité (démixtion) doit être incorporé au carburant juste avant sa distribution ce qui pose de nombreux problèmes de logistique.

                S’il fallait rédiger une spécification pour définir le futur remplaçant de l’éthanol comme additif à l’essence quelles seraient les grandes contraintes ?

    – Qu’il soit réalisé à partir de composés cellulosiques non alimentaires (sur ce point le rapport Syrota est inattaquable).

    – Que sa synthèse soit non polluante et peu émettrice de CO2.

    – Que son prix de revient soit compétitif avec celui de l’essence qui est à ce jour à 2,15$ le gallon, soit 90$/baril. Ce prix maximum pourra être revu largement à la hausse dans les années qui viennent.

    – Qu’il  soit non toxique et qu’il présente une tension de vapeur faible.

    – Qu’il soit miscible à l’essence en toutes proportions et peu hydrophile afin qu’on puisse le mélanger à l’essence dans la raffinerie.

    – Qu’il  soit non corrosif dans les pipe-lines.

      Qu’il ait un indice d’octane proche de celui de l’essence.

    – etc.

                Devant ce cahier des charges de bon sens, le butanol est bien proche de répondre à la quasi-totalité des clauses. En particulier sa chaîne carbonée à quatre carbones, contre deux pour l’éthanol, le rend  six fois moins volatil que l’éthanol, moins polaire donc miscible à l’essence en toutes proportions, 30% plus énergétique en volume que l’éthanol et, de plus, il présente un indice d’octane raisonnable de 94, proche des 96 de celui de l’essence. Les mélanges butanol-essence seraient transportables par pipe-line sans crainte de phénomène de démixtion en présence de traces d’eau, comme c’est le cas pour les mélanges éthanol-essence.

                On comprend pourquoi de nombreux laboratoires ont travaillé à la recherche des conditions idéales de sa synthèse. Historiquement on sait faire du butanol par fermentation avec le Clostridium Acetobutylicum qui conduit à un mélange butanol – acétone – éthanol (ABE). La problématique est d’obtenir le butanol le plus pur possible. Cette synthèse a été tout particulièrement étudiée dans l’Ohio par D. Ramey et Shang-Tian dans le cadre d’un contrat pour le DOE américain (Contrat No.: DE-F-G02-00ER86106). Dans ce travail, ils proposent un procédé en deux étapes conduisant tout d’abord à l’acide butyrique qui est ensuite transformé en butanol. Depuis l’an dernier BP et DuPont ce sont associés pour développer une unité pilote de biobutanol sur le site de Hull. Cette usine, qui produira de l’éthanol dans un premier temps, devrait être opérationnelle à la fin à la fin 2009. En parallèle BP et DuPont veulent construire un pilote de biobutanol de capacité de 20000 litres/an. Pendant ce temps, les scientifiques de DuPont cherchent à développer un biocatalyseur, génétiquement modifié, de deuxième génération (Gen. 2), qui transformerait les composés cellulosiques non alimentaires en butanol.

                L’utilisation d’éthanol comme additif à l’essence est un contresens physique, économique et sanitaire. Le biobutanol constitue, aujourd’hui, son challenger le plus sérieux.


  • Principe de précaution ou de prévention?

    Principe de précaution ou de prévention?

    Braque1907 Pour une nouvelle rédaction de l’article 5 de la Charte de l’Environnement.

    Que dit cet article si vilipendé qu’il faut lire, parce que bref ?

    Article 5. – Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en oeuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage.

    Une réflexion sur ce thème et quelques exemples ne peuvent que faire avancer le débat.

    Je vois, personnellement quatre défauts majeurs à ce texte.

    1)      Il n’implique que les autorités publiques. Le secteur privé, le Marketing, les concepteurs,  les fabricants, les responsables Qualité n’ont pas d’avis, ni de rôle à jouer. Bizarre! Seuls les fonctionnaires ont les qualités requises, le citoyen éclairé est exclu.

    2)      Il invoque un nouveau concept « le principe de précaution » non défini, brumeux, ouvert à toutes les interprétations possibles, par une jurisprudence imprévisible et fantasque.

    3)      Il propose des « procédures d’évaluation ». Elles arrivent quand ces évaluations?

    ·        Durant les phases de recherches fondamentales et appliquées?

    ·        Pendant le développement (élaboration des cahiers des charges ou spécifications, étapes de faisabilité, choix des produits, des procédés, réalisations d’échantillons ou de pilotes)?

    ·        En cours d’industrialisation?

    ·        Après le lancement commercial? Mais oui, bien sûr. Catastrophe! Trop tard.

    4)      Il introduit des « mesures » on ne sait de quoi, Dieu soit loué « provisoires et proportionnées » !

    Je propose la rédaction alternative suivante basée sur la prévention et sur le fait que la sécurité à 100% ne peut pas exister. Deux évidences pour celui qui a fait un peu de recherche et de développement.

    Article 5 "révisé". – Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les acteurs économiques et les autorités publiques veillent, dans leurs domaines d’attributions respectifs, à la mise en oeuvre de procédures méthodologiques de prévention, en vue de l’obtention d’une réduction sensible des risques, afin de parer à la réalisation du dommage.

    Ainsi le rôle des acteurs économiques et industriels est reconnu.

    Le « Principe » fumeux n’est plus.

    C’est dès le développement, au niveau des spécifications de produits ou de procédés, que doit être introduite une « procédure méthodologique » de prévention des risques.

                Libres aux décrets d’applications de définir l’esprit et la forme de ces procédures, de leur actualisation et de leur validation tout au long des phases de développement et d’industrialisation qui peuvent durer plusieurs années. Les acteurs industriels que sont le Marketing qui définit et l’Assurance Qualité qui vérifie y joueraient un rôle éminent.

    Je prendrai quelques exemples simples, pour illustrer cette proposition.

                Le développement des piles alcalines sans mercure a été réalisé grâce à la découverte d’inhibiteurs de corrosion du Zinc par la recherche appliquée, à partir d’une spécification Marketing « sans Mercure ». Le Marketing connaissait la toxicité du mercure, savait que c’était attendu par les clients et que ce serait un puissant argument de vente.

                La toxicité de l’amiante était connue bien des années avant son interdiction légale en 1997, en France. Il y avait même des congrès sur le sujet, auxquels participaient des fonctionnaires français dans les années 70 (INSERM 1979). Les spécifications de nouveaux produits, de nouveaux immeubles ou de nouveaux procédés auraient proscrit l’amiante, 20 ans avant la loi, si des procédures préventives ad hoc avaient existé.

                Aurait-on adopté la norme GSM de téléphonie cellulaire et ses micro-ondes?

                Mettrait-on de l’éthanol volatil et toxique (foie, fœtus) dans l’essence?

  • Exxon ou  Total : combien de barils de pétrole?

    Exxon ou Total : combien de barils de pétrole?

       Bordeauxvue            

          Un analyste américain, Brett Steenbarger, s’est amusé à valoriser les cours de la Société Exxon-Mobil en barils de pétrole WTI (Exxon Mobil Stock Up Big, But Underperforming Crude – Seeking Alpha). Il montre ainsi, que depuis un plus haut en 1998, malgré la belle performance de l’action XOM, leader des Sociétés pétrolières cotées, cette valeur en équivalent baril, a tendance à décroître pour se stabiliser autour du prix d’une action XOM pour celui de 1,1 baril de pétrole.

                   Il m’a semblé intéressant de faire le même type d’exercice pour le cours de l’action Total et de comparer les comportements des deux actions. La valorisation des capitalisations boursières et leur comparaison aux stocks ou aux productions annuelles s’avère être instructive.

                 Afin d’être indépendant des cours de change euro/dollar j’ai étudié le cours hebdomadaire de l’ADR TOT coté à Wall-Street. Le résultat de ce calcul, comparé à celui d’Exxon, depuis deux ans est représenté FIG.I.Xom_et_tot2   

        On remarque tout d’abord l’inversion des valorisations relatives. L’action TOT qui valait un dixième de baril de plus que XOM en 2005 en vaut maintenant 1,5 dixième de moins.

         La direction de Total invoque le dollar comme cause de tous les maux. On voit là que l’explication est un peu juste. Le spin-off d’Arkema est à porter au crédit, mais ne suffit pas à expliquer cette inversion.

                 Le pic de Janvier 2007 correspond au prix anormalement bas du pétrole (50$/bl) atteint à l’entrée d’un hiver 2006/2007 exceptionnellement tardif en Amérique du Nord. Depuis les cours des deux actions, exprimés en barils, décroissent. Cela signifie que les cours de ces Sociétés ne suivent pas le prix de vente de leur production, ni la valorisation de leurs réserves.

                La capitalisation boursière de Total au 20/10/2007 correspond à la valeur de 2,14 milliards de barils (2395 millions d’actions à 0.893 barils). Il est intéressant de rapporter cette valeur aux réserves de pétrole et de gaz qui sont respectivement de 6,6 et 4,5 milliards de barils. Compte tenu des valorisations différentes du gaz et du pétrole (un baril de pétrole est valorisé à deux fois et demi celui de gaz) faire la somme n’est pas économiquement correct. Une approche plus rigoureuse est d’ajouter 40% des réserves de gaz à celles de pétrole. On obtient ainsi  des réserves « valorisées » de 8,4 mds de barils. La capitalisation boursière de Total correspond donc à 25% de la valeur de ses réserves. Celle d’Exxon, selon le même mode de calcul est de 5,77 milliards de barils, c’est 35% de ses réserves valorisées.

                Un calcul analogue en comparaison avec les productions annuelles de Total, qui s’élèvent sur les quatre derniers trimestres connus à 0,55 mds de barils de liquides et à 0,31 mds de barils équivalents de gaz, montre que la valorisation de Total est égale à 3,2 ans de production. En comparaison, la capitalisation d’Exxon est de 4,8 ans de production.

               On mesure là, la formidable sous valorisation de l’action Total. Un peu plus de trois ans de production c’est la juste valeur de ses droits sur les champs pétroliers et gaziers actuellement exploités. Tout se passe comme si les futures productions et la totalité de l’aval (chimie, raffinage et distribution), n’étaient pas valorisées dans le cours l’action Total.

                A qui la faute ? Une image dégradée ? Un marché CAC trop étroit ? Une communication peu fiable qui annonce un volume de production en croissance annuelle de 4%  en Septembre et de 1,5 à 2% en Octobre ? Une gestion historiquement « pépère » illustrée par les progrès réalisés par Arkema depuis son spin-off ? Des structures onéreuses, complexes et surdimensionnées ? Une gestion bizarre du cash qui fait de Total un groupe endetté et en même temps un gros actionnaire « quasi institutionnel » possédant 13% de Sanofi? Sûrement chacune de ces causes participe, pour partie, à cette décote.

                En conclusion, la valorisation de l’action Total, cotée en dollars à Wall-Street et exprimée en « unité baril de pétrole », montre une décroissance au cours de l’année 2007 à partir d’un plus haut à 1,3 barils en Janvier, pour atteindre 0.9 barils aujourd’hui. Figure peu commune, son cours en dollars semble donc être très peu sensible à la valeur de vente de ses productions. La capitalisation boursière représente 25% de la valorisation des réserves ou 3,2 ans de production. Les valeurs absolues de ces ratios et leur comparaison avec ceux d’Exxon montrent, de façon évidente, que cette action est anormalement sous valorisée.

  • L’électricité européenne hors de prix

    L’électricité européenne hors de prix

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             Les cours de l’électricité allemande, pour l’an prochain, ont atteint leur plus haut historique en franchissant les 60euros/MWh. La faute aux prix du charbon qui a augmenté de 45% depuis le premier Juillet à plus de 112$/Tonne et à celui du pétrole. Mais également en raison de cinq centrales nucléaires allemandes qui seraient arrêtées pour maintenance. En particulier deux centrales de Wattenfall seraient indisponibles jusqu’à l’an prochain, privant le réseau de plus de 2000 MW (1260 et 771 MW).

             Morgan Stanley avait anticipé cette hausse et surpondéré l’action RWE avec un objectif de cours de 101 euros. De toute façon il est à prévoir un mouvement de hausse généralisé des cours des Groupes énergétiques européens et des droits d’émissions de carbone, en particulier si l’hiver s’avérait être précoce.

  • La Norvège arrête le programme d’expansion de Troll par StatoilHydro

    La Norvège arrête le programme d’expansion de Troll par StatoilHydro

    Popova10_2             StatoilHydro et ses partenaires (RDS, Conoco, Total, Petoro) voulaient accélérer le programme d’exploitation du grand gisement de Troll en Mer du Nord, par la construction d’un gazoduc relié au réseau européen. Cette décision sacrifiait une partie de pétrole associé à ce champ et réduisait les possibilités futures d’extraction de pétrole. Le Norvegian Petroleum Directorate (NPD) a jugé que ce projet aurait sacrifié, en l’état, au moins 65 millions de barils de brut et rendu plus difficiles les exploitations futures. Le gouvernement travailliste norvégien a donc bloqué le projet.

                StatoilHydro et ses camarades doivent revoir leur copie, et présenter un nouveau projet plus attaché à l’exploitation optimale des réserves de pétrole et de gaz.

  • Un baril de gaz ne vaut pas un baril de pétrole !

    Un baril de gaz ne vaut pas un baril de pétrole !

            Rousseau12

    Le pétrole et le gaz sont des sources d’énergies chimiquement très proches mais, pour des raisons de mise en œuvre, les marchés sur lesquels ils sont commercialisés se recoupent peu et les zones où ils sont en concurrence, ne sont encore que  marginales.

                L’étude des prix relatifs du gaz et du pétrole met en évidence ce phénomène.

                Pour cela j’ai entrepris de comparer les prix de vente des deux produits, depuis 2003, par le Groupe Total. Les résultats pourront surprendre.

             Total publie, à la fin de chaque trimestre, les prix de vente des liquides, généralement  inférieurs de 2 à 3$ aux cours moyens du Brent pour le trimestre, et les prix de vente du gaz commercialisé, par cette Société dans le monde (TAB. I).

                Les prix de vente des liquides présentent une croissance quasi continue, à l’exception des deux trimestres de l’hiver 2006/2007 qui avaient vu les cours du baril chuter en raison d’une saison hivernale anormalement douce et tardive. La droite de régression de cette courbe présente une pente de 10$ par an, ce qui est mieux que la tendance des prix du WTI  qui n’est que de 8$ par an. On peut en déduire que Total vend de mieux en mieux ses liquides, en raison soit de leurs qualités, soit de la sagacité des négociateurs, soit des deux à la fois.   

    Gaz_pr1_4           La marge de raffinage, représentée par la différence entre la courbe rouge et la courbe verte, ne représente qu’une faible partie de valeur ajoutée à celle du brut. Cette marge oscille entre 3 et 6$/bl depuis quatre ans. Ce peu de valorisation explique que certains Groupes se désengagent du raffinage (BP, RDS par exemple) ou que d’autres, comme Total, recherchent à accroître la profitabilité de ces opérations par l’utilisation de la conversion profonde. Ce procédé catalytique utilise comme matières premières les « fonds de baril » dont les prix ne sont pas liés à ceux du pétrole. Il produit du gasoil et autres dérivés, eux indexés sur les cours. On parle alors de « marge de conversion », beaucoup plus lucrative (30 à 40$/bl) que celle de pur raffinage. La mise en place d’unités de désulfuration, par hydrogénation des produits aromatiques sulfurés, participe à cette recherche d’optimisation du profit par utilisation de bruts très riches en Soufre et donc moins onéreux. De plus, ces diverses technologies ouvrent l’éventail des possibilités de trading de pétrole pour un groupe intégré comme Total. C’est une intéressante source de profit, rattachée au Directeur Financier, dont les résultats demeurent confidentiels.

                Les prix de vente du gaz sont quand à eux bien plus faibles que ceux des liquides. Ils représentaient environ 70% des prix des liquides en 2003, ils ne représentent plus que 40% au T3 2007 (FIG. II)

                

                 Gazht1_4  La première remarque est la suivante : la manie des pétroliers d’ajouter des barils de gaz à ceux de pétrole est peut être énergétiquement admissible, mais elle est économiquement totalement incorrecte. Quand une Société Pétrolière dit qu’elle va accroître ses productions de 1% sans préciser la part relative des gaz et des liquides, il n’est pas possible de savoir si elle va perdre ou gagner de l’argent. Par exemple, si ses productions de liquides baissent de 2% et celles de gaz augmentent de 3% elle est définitivement perdante en chiffre d’affaire et encore plus en marge.

                La deuxième remarque concerne la valorisation des stocks. Les groupes pétroliers ajoutent les barils de gaz à ceux de pétrole et parlent de réserves en années de production. La aussi  ce ratio approximatif est fortement critiquable. Il vaut mieux parler de valorisation des stocks en « équivalent baril de pétrole » en pondérant les réserves de gaz,  à la moitié de leur quantité par exemple. Total déclarait avoir à fin 2005 des réserves probables et possibles de 6,6 milliards de barils en liquides et de 4,5 milliards de barils en gaz. Il est plus correct de dire qu’elles sont équivalentes aujourd’hui à 8,8 milliards de barils (6,6 + 4,5/2) de pétrole que de 11,1 milliards de barils (6,6 + 4,5) dont on ne sait pas de quoi.

                La troisième remarque est une série de questions : pourquoi cette baisse relative des cours du gaz, observée depuis quatre ans ? Quelle sera, dans l’avenir, l’évolution relative des prix du gaz et du pétrole ?

                Pour répondre à ces deux questions il faut, tout d’abord, se pencher sur les Marchés respectifs du pétrole et du gaz. Le marché de prédilection du pétrole, avec l’essence, le kérosène et une large partie du gasoil, est celui des transports. Prenons l’exemple des USA, la consommation d’essence représentait en moyenne, en 2005, 9.3 mbl/d, celle de gasoil pour le transport  2,4mbl/d et celle du kérosène 1,6 mbl/d pour une consommation globale de 20,6 mbl/d. Avec la consommation d’huiles lourdes par le transport maritime, ce sont près des deux tiers du pétrole US qui sont consommés par les transports. L’accroissement de la demande de carburants dans le monde est le principal moteur de la demande globale de pétrole. C’est cette demande vigoureuse, couplée avec des productions politiquement entravées qui explique le "dynamisme" des cours du pétrole.

                Les marchés du gaz sont essentiellement de trois sortes : le chauffage, la génération d’électricité, les applications industrielles. C’est un marché mondial en croissance d’un peu plus de 3% par an, mais avec un fléchissement en 2006 (FIG. III).Gaz_mondial

                Mais, alors que la demande de gaz croît dans la majeure partie des régions du monde, elle décroît aux USA de 0,6% par an depuis six ans. La seule application en croissance aux USA est la génération d’électricité ; les deux autres sont en forte décroissance.

               Cette relative stagnation de la demande, en face de ressources abondantes, explique la modération des variations de cours du gaz. En quatre ans et demi, les prix de ventes des liquides par Total  se sont accrus de 132% (71,4/32,8) alors que ceux du gaz ne se sont accrus que de 42% (28,4/19,9)

                Le gaz est en compétition, à la fois, avec les produits pétroliers (huiles lourdes pour la génération d’électricité, gasoil et kérosène pour le chauffage) et aussi avec le charbon pour la génération d’électricité et le chauffage.

                La montée inexorable des cours du brut et la contrainte écologique sur le charbon vont cependant militer pour une plus grande utilisation du gaz et donc pour un rééquilibrage des cours relatifs entre gaz et pétrole.

                Il est possible de citer un certain nombre de nouveaux débouchés potentiels pour les gaz.

                Tout d’abord la synthèse de produits liquides par les procédés de type « Gas To Liquid » qui deviendra hautement rentable en période de pénurie de carburants liquides. Il faut mentionner également la synthèse du DME (diméthyl éther) qui pourrait remplacer le gasoil dans les transports et  le chauffage sous forme de gaz comprimé comparable au butane. Plus tard, la synthèse de l’hydrogène, couplée à la capture et la séquestration du CO2, en fera une matière de base prisée des nations les plus riches. Enfin, dans la génération d’électricité, sa souplesse d’utilisation et son caractère moins polluant que le charbon devraient lui permettre d’accroître ses parts de marché, en réduisant les dépenses en achats de droits d’émissions de carbone dont les cours, pour rester dissuasifs, devront suivre ceux des produits carbo-polluants.

                En conclusion, le prix relatif du gaz à celui du pétrole a décru ces dernières années, conséquence d’une demande forte en produits pétroliers dans le secteur des transports et d’une ressource en gaz abondante. Cette situation devrait se stabiliser, en raison de la future pénurie en produits liquides qui fera appel à des produits de synthèse de substitution pour lesquels le gaz sera une des matières premières de base. Par la suite les variations des prix du gaz devraient suivre celles des cours du pétrole, conduisant à un ratio prix du gaz / prix du pétrole en augmentation, la différence restant entre 30 et 50 $ par baril.

  • BP fait le ménage aux U.S.A.

    BP fait le ménage aux U.S.A.

             Thunderhorsebp

             Chez BP, avec le nouveau CEO Tony Hayward, la saison des petites fleurs et de la gestion élégante, mais approximative, de son prédécesseur semble terminée. Après une réunion interne mémorable ou il avait qualifié les résultats de « dreadful » (épouvantables) les actions de rationalisations sont lancées.

                  La priorité semble être focalisée sur les activités nord-américaines qui ont connu tant de déboires dans les années précédentes  (explosion dans la raffinerie de Texas-City, fuites de pétrole à Prudhoé-Bay, plateforme Thunder Horse endommagée en 2005, projet Atlantis retardé, accusations de manipulations de cours, etc.). La première mesure annoncée est la suppression du Siège de la banlieue de Chicago qui compte 3300 employés. Certains seront mutés vers Houston, autre Siège de la Compagnie, d’autres rejoindront des bureaux plus modestes en ville et les derniers seront licenciés.

                 Les cours de l’action BP après un plus bas en début de mois ont repris plus de 10% de leur valeur.