Catégorie : bio-carburants

  • Le grand défi agricole mondial: nourrir le monde et lui assurer une part de son énergie

    Le grand défi agricole mondial: nourrir le monde et lui assurer une part de son énergie

    Une littérature abondante et largement dominante, inspirée de théories altermondialistes, nous apprend qu’il existe une incompatibilité évidente entre l’obligation de nourrir la population mondiale, les animaux domestiques et la volonté d’élaborer des biocarburants destinés à se substituer en partie aux consommations de produits pétroliers onéreux. Cette impossibilité est devenue une évidence triviale que plus personne dans les milieux de l’information ne met en doute. Cette approche militante malthusienne du monde, particulièrement en vogue et souvent associée à une opposition au progrès, met à profit toute sécheresse occasionnelle locale, toute spéculation passagère sur les céréales, le sucre ou les oléagineux pour argumenter de l’évidence de ses théories prêchant la frugalité, seule réponse acceptable à une pénurie affirmée inéluctable. Or un examen quantitatif du monde agricole actuel nous montre que les objectifs économiques sont à ce jour globalement satisfaits sans qu’il n’y est une dégradation fondamentale de la fourniture de nourritures aux peuples des pays en développement dont une part d’entre eux connaît en ce moment un formidable embellie. Ces phénomènes s’accompagnent globalement d’une augmentation des prix payés aux paysans qui encouragent l’investissement et l’innovation.

    Je voudrais par quelques exemples simples souligner que la production agricole mondiale connaît de remarquables développements récents, en cours réalisation, et montrer que la demande de ressources pour élaborer les biocarburants n’est pas forcément la calamité annoncée par certains. Au contraire, l’existence de cette demande régulière et programmable en ressources agricoles constitue un formidable aiguillon pour stimuler, soutenir et réguler de nouvelles productions partout dans le monde…même dans les pays encore en développement.

    I – un exemple de développement « tous azimuts » : la production de maïs dans le monde

    Maïs-monde

    Entre le début des années soixante et la fin du siècle précédent la production mondiale de maïs nous dit FAO-Stat est passée de 205 mille tonnes en 1961 à 615 mille tonnes en 2001 (FIG.I, courbe rouge). Cette croissance de type linéaire sur 40 ans (avec de fortes fluctuations aux États-Unis) qui a conduit à un triplement des productions a répondu, pour le maïs examiné ici, aux attentes quantitatives de René Dumont exprimées dans « Nous allons à la famine » en 1966.

    Entre 2002 et 2010 la croissance des productions mondiales s’est brusquement accélérée pour atteindre 844 millions de tonnes (dont 316 aux États-Unis qui représentaient donc en 2010 plus de 37% des récoltes mondiales de maïs) sous l’influence combinée de l’amélioration des rendements et de l’accroissement des surfaces récoltées. Cette croissance récente que l’on peut attribuer à des prix soutenus par une demande croissante pour les biocarburants américains et pour la nourriture du milliard de cochons chinois s’est réalisée aux U.S.A. bien sûr mais s’est appliquée aussi à de nombreuses autres productions dans le monde (hors États-Unis, FIG.I, courbe verte).

    Illustrons ces progressions par celle remarquable des pays américains « latins » hors USA et Canada (FIG.II)

    Maïs-amériques hors us canada

    ou encore par celle tout aussi significative de l’Afrique, une des aires d’avenir du maïs mondial:

    Maïs-afrique

    Cette accélération toute récente est une conséquence de l’accroissement des surfaces récoltées au cours de la dernière décennie. Elles sont passées dans le monde de 137 millions d’hectares à 162 millions d’hectares (FIG.).

    Maïs-monde-surfaces

    Cette croissance représentant la moitié de la surface de la France, s’est appliquée aux États-Unis et à de nombreux pays producteurs. Citons quelques exemples significatifs tels que le triplement des surfaces destinées au maïs en Tanzanie, le doublement de ces surfaces récoltées en Ukraine ou en Angola, les 40% de croissance des surfaces de maïs en Chine entre 2000 et 2010.

    Mais à cet effet de l’accroissement des surfaces récoltées s’applique également l’accroissement continu des rendements des récoltes, résultant d’une plus grande maîtrise des procédures de culture et d’une sélection d’hybrides de plus en plus performants vis à vis des attaques parasitaires et des conditions climatiques (FIG.).

    Maïs-monde-rendements

    Les États-Unis ont vu les rendements des récoltes de maïs être multipliés par 2,5 en cinquante ans pour atteindre la zone des 10 tonnes de maïs à l’hectare (ou un kg au m2). L’arrivée de nouveaux hybrides plus résistants au manque d’eau devrait permettre à cette tendance de se poursuivre, tout en ouvrant la possibilité d’un accroissement efficace des surfaces cultivées vers les marges de la Corn-Belt américaine.

    Dans le reste du monde là aussi les rendements s’améliorent (courbe bleue) mais il faut noter qu’à 4 tonnes à l’hectare ce sont des valeurs observées aux États-Unis 50 ans auparavant. Il existe donc une formidable marge de progression pour les futures récoltes de maïs en dehors des U.S.A. même si les méthodes américaines ne sont pas transposables dans toutes les régions du monde.

    Ces données récentes illustrent l’impact de la montée des cours du maïs sur la réponse des cultivateurs dans le monde. Elles illustrent également le côté entraînant de l’existence d’usines agricoles locales où sont élaborés les biocarburants qui assure au paysan un débouché évident et qui l’incite à investir dans de nouvelles cultures.

    Il faut pour les décennies à venir, au sein des pays d’Afrique ou d’Amérique Latine, imaginer de nombreuses usines agricoles de bioéthanol alimentées par des cultures locales de maïs, de cane à sucre ou de manioc. Leurs productions remplaceront localement une part des produits pétroliers importés devenus hors de prix.

    Remarque: la production d’éthanol à partir de maïs aux U.S.A. en 2011 a consommé 5 milliards de boisseaux de maïs (125 millions de tonnes) ce qui correspond à 40% des récoltes de 2010. Mais il ne faut pas oublier que 30% de ces quantités sont remises sur le marché sous la forme d’aliments protéinés (DDGS) pour la nourriture des animaux. Le prélèvement réel pour la production d’alcool qui n’utilise que le seul amidon de la graine, représente donc dans les 28% de la récolte américaine de maïs.

    A suivre….

    LIRE la suite N° 1

    LIRE la suite N° 2

     

    Sur René Dumont lire le papier collectif de Marc Dufumier.

    Le 23 Janvier 2011

     

  • Biomasse: où l’on vient reparler de pyrolyse catalytique rapide en lit fluidisé

    Biomasse: où l’on vient reparler de pyrolyse catalytique rapide en lit fluidisé

    Dans un papier du mois d’Août 2009 j’avais attiré votre attention sur un scientifique américain créatif, le Dr George Huber de l’Université Amherst, Massachusetts qui veut transformer de la sciure de bois en un mélange de produits chimiques valorisable en une seule étape simple de pyrolyse catalytique en lit fluidisé.

    Pyrolyse-catalytique-rapide_Huber

    Un tel procédé qui transforme très rapidement en une étape physico-chimique unique les produits de dégradation thermique de la ligno-cellulose en produits chimiques présente un intérêt économique évident…à condition d’orienter les réactions, grâce aux choix de catalyseurs, vers des produits (BTX sur le Schéma) de fortes valeurs ajoutées.

    C’est ce sur quoi travaillent les équipes du Dr Huber qui viennent de publier le résultat d’un travail qui les oriente vers un catalyseur zéolite dopé au gallium permettant d’atteindre des mélanges très riches en produits aromatiques et autres oléfines avec des rendements proches du break-even économique.

    Nul doute qu’il y a là une des voies vers un apport partiel, d’origine végétale, de mélanges de base pour alimenter les process pétrochimiques existants. Une ou plusieurs boucles agricoles simples de biomasse to liquid (BTX) dans les environs qui viendraient alimenter en partie un complexe pétrochimique existant. Encore une petite poussée sur les prix du pétrole et le BTX sera bientôt le bienvenu dans la pétrochimie en remplacement partiel du naphta.

    LIRE le communiqué de l’Université Amherst sur le sujet.

    Le 13 Janvier 2012

     

  • Les biocarburants de deuxième génération passeront par des plants génétiquement optimisés

    Les biocarburants de deuxième génération passeront par des plants génétiquement optimisés

     Le développement des biocarburants de deuxième génération, utilisant des ressources végétales non utilisées pour l'alimentation des hommes, est pour l'instant un échec retentissant. Les autorités américaines, financièrement les plus impliquées dans cet objectif, découvrent que l'innovation est difficilement planifiable. La raison fondamentale de cet échec réside dans le fait que le bioéthanol obtenu par ces nouveaux procédés est hors de prix du marché en raison des contraintes logistiques de collecte de la ressource végétale, des investissements par m3 d'alcool nécessaires, des coûts des enzymes indispensables à la saccharification, du très faible degré d'alcool dans les bières obtenues qui implique une trop forte dépense d'énergie pour arriver à l'alcool pur. Assez paradoxalement seuls les producteurs de bioéthanol de première génération, comme Poet, vont pouvoir inclure une part de deuxième génération dans leur process en raison d'investissements marginaux et d'obtention par mélange de bières suffisamment concentrées.

    Plants modifiés Cg1

     L'obtention rentable de biocarburants de deuxième génération va donc nécessiter de développer de nouvelles ressources végétales plus riches en sucres ou en amidon qu'il faudra cultiver sur les terres disponibles. Leur culture devra être compétitive par rapport à celles du maïs, de la cane à sucre ou du manioc qui aujourd'hui constituent les ressources de base du bioéthanol industriel. Que la plante soit ressource alimentaire ou non n'a que bien peu d'importance, ce qui est essentiel est le rendement final d'éthanol par hectare cultivé.

     La Science doit donc poursuivre ses recherches pour tenter de développer la ressource végétale idéale qui pousserait sur des sols ingrats et conduirait à des degrés de bières élevés. Un exemple d'optimisation génétique de divers plants (maïs, arabidopsis, brachypodium, switchgrass représentés dans la FIG.) par transfert et sur-expression d'un gène Cg1 du maïs favorisant la formation d'amidon dans la plante est exemplaire pour illustrer cette recherche qui peut-être permettra de détrôner un jour les plants de première génération qui eux aussi progressent.

    LIRE un papier de George Chuck et col. sur ce sujet.

    Le 11 Octobre 2011

  • Bloomberg: l’Amérique regorge de maïs, les experts ont raconté des fables

    Bloomberg: l’Amérique regorge de maïs, les experts ont raconté des fables

    "Supplies of corn totaled 1.128 billion bushels as of Sept. 1, the U.S. Department of Agriculture said today in a report, 20 percent more than the average prediction of 24 analysts in a Bloomberg survey" déclarait hier en toute simplicité Bloomberg. Se gourer en moyenne de 20% cela veut dire que certains de ces soi-disant "analystes" racontaient n'importe quoi aux gogos de la place…et que Bloomberg relayait leurs fadaises. Y aurait-il du ménage à faire? L'agence ne le dit pas.

    Maïs-2010-2011

     Dans le cadre d'un repli général des prix des commodities, il faut reconnaître que les cours du maïs se sont particulièrement illustrés hier en revenant au-dessous de 6$ le boisseau.

    LIRE le papier de Bloomberg sur le sujet.

    Le 1er Octobre 2011

  • De l’éthanol à l’isoprène une question de biotechnologie et d’un peu de chimie

    De l’éthanol à l’isoprène une question de biotechnologie et d’un peu de chimie

    Amyris, partenaire du pétrolier Total, vient de signer un accord avec Michelin  pour développer ensemble un procédé d’obtention isoprène « bio » (C5) à partir du farnésène, sesquiterpène (C15) insaturé obtenu à partir de divers sucres par le procédé de biologie synthétique d’Amyris. L’objectif est de commercialiser ce produit à partir de 2015.

    Ce Farnésène constitue une formidable alternative à la synthèse de bioéthanol en aboutissant à des composés chimiques de fortes valeur ajoutée (médicaments, kérosène synthétique, additifs pharmaceutiques et produits terpéniques divers). Mais pour réussir cela suppose de poursuivre le développement de matières premières telles que la cane à sucre ou le manioc (LIRE). L’Afrique et l’Amérique du Sud disposent dans le cadre de leur futur développement de larges surfaces pour assurer ces nouvelles cultures et accueillir les usines agricoles associées.

    LIRE le communiqué d’Amyris sur le sujet ainsi qu’un précédent papier sur Amyris.

    Le 30 Septembre 2011.

  • La consommation d’huile: un indicateur du niveau de vie du terrien moyen

    La consommation d’huile: un indicateur du niveau de vie du terrien moyen

    La progression du niveau de vie des populations les plus défavorisées dans le monde va de pair avec leurs consommations en corps gras, ce qui n’est pas sans poser de graves problèmes de santé publique (explosion des cas de diabète). Les french fries et les hamburgers remplacent peu à peu les aliments traditionnels. Mais pourtant, nombreux sont ceux qui de façon sincère où par idéologie alternative annoncent la décroissance et la pénurie. « La Terre ne va plus pouvoir nourrir les populations annoncées par les démographes parce qu’elle n’aura plus d’eau (les terres seraient plus chaudes et les eaux plus froides allez comprendre les mystères de la climatologie moderne?), les terres deviendront arides, les charançons mangeront les récoltes…les plaies d’Égypte étaient à côté de ce qui nous attend, une vraie plaisanterie ». Alors une fois de plus observons les FAITS.

    Huiles

    La production d’huile dans le monde (FIG., courbe violette) a été multipliée par plus de sept en 45 ans avec une production de 142 millions de tonnes en 2009 nous dit la FAO. Ramenées au nombre d’habitants sur Terre, ces productions annuelles correspondaient à 6,2 litres par terrien en 1961 et 22,6 litres en 2009 (FIG., courbe pointillée, échelle de droite), une multiplication par 3,7 en 45 ans, ce qui correspond à une croissance moyenne par habitant de 3% par an.

    Il faut noter le rôle tout particulier de l’huile de palme dans cette croissance dont la part est passée de 8% des huiles dans les années soixante à 32% en 2009 (FIG., courbe rouge). Sa croissance moyenne des productions sur la période a été de 8% par an. C’est une production affichant d’excellents rendements, économe en surfaces cultivées et donc très lucrative. Hors huile de palme, les productions des autres huiles se sont accrues en moyenne de 4% par an durant ces 45 dernières années.

    En conclusion: en dehors de l’apparition toujours possible de nouveaux conflits politiques, rien n’indique aujourd’hui, sur ce critère, que la population mondiale dans les années à venir devrait souffrir de pénuries alimentaires plus graves que celles observées à ce jour. Il me semble même que cela devrait aller en s’améliorant…n’est-ce pas Docteur Pangloss?

    Le 4 Juillet 2011

  • Gamelle revigorante des cours du maïs à Chicago

    Gamelle revigorante des cours du maïs à Chicago

    Maïs-2010-2011

     D'après la croyance populaire la plus répandue il y a pénurie en maïs dans le monde et les cours vont s'envoler parce que:

    – les biocarburants américains enlèvent les tortillas de la bouche des pauvres Mexicains,

    – le milliard de cochons chinois et les innombrables volatiles de ce pays ont faim, ils sont au régime jockey…communiste,

    – il a trop plu dans le Middle-West américain ce qui a retardé les semailles et ne laissera pas le temps nécessaire aux plants pour arriver à leur pleine maturité,

    -les stocks de grains sont au plus bas depuis des décennies,

    -le dollar en s'affaiblissant pousse les veuves de Floride à acheter du papier indexé sur des paniers de commodities pour se couvrir contre cette perte de pouvoir d'achat de la monnaie.

     Alors le boisseau de maïs qui cotait à Chicago autour des 4 dollars il ya un an, en Juillet 2010, s'est retrouvé à plus de 6 dollars en début 2011 pour aller friser les 8 dollars au mois de Juin (FIG.).

    Mais voila dans les faits tout le monde sait que:

    – les biocarburants n'utilisent que l'amidon des grains et un tiers environ du maïs utilisé se retrouve sous forme de granulés (DDGs) protéinés sur le marché mondial de l'alimentation animale,

    – les éleveurs font varier la composition de l'alimentation de leur bétail en fonction des cours relatifs entre céréales et autres tourteaux. Ils se sont reportés aux États-Unis sur le blé moins onéreux que le maïs. Phénomène de substitution compétitive identique à celui observé dans l'utilisation des énergies primaires.

    -il en est ressorti à fin Mai un niveau des stocks de maïs américain moins déprimé que prévu. Ces stocks avaient décru de 3,38 milliards de boisseaux entre Mars et fin Mai 2010, ils n'ont décru que de 2,85 milliards durant la même période en 2011, indiquant une certaine désaffection pour cette céréale jugée trop chère par les éleveurs.

    -les red-necks américains qui maîtrisent parfaitement les mécanismes boursiers sur les céréales ont bien profité de la hausse de leurs revenus et en ont décidé cette année de planter plus pour gagner plus. Ils auraient planté du maïs cette année sur plus de 373 mille km2, en progression de 16 500 km2 par rapport à l'an dernier (la surface de trois départements français en plus!) indique l'USDA américain.

    -enfin le dollar sponsorisé par le mélodrame grec a provisoirement interrompu sa dégringolade ce qui a fait chuter les cours des commodities: pétrole et maïs compris.

    Les analystes de Goldman-Sachs, faisant semblant de tomber de l'échelle, viennent d'annoncer à leurs gogos clients que le cours du boisseau de maïs dans trois mois ce ne serait plus 8 dollars comme initialement prévu mais 5,9 dollars…une paille. Le maïs cotait 5,97 dollars Vendredi affichant un plongeon de 1,9 dollar en trois semaines (FIG.).

    De tels évènements boursiers qui reposent sur d'hypothétiques et futurs déséquilibres entre l'offre et la demande, largement intoxiqués par les  "nouvelles" diffusées par les acteurs de premier rang sur les marchés, ne peuvent que réjouir l'honnête homme et rendre prudent le pauvre laboureur.

    CONSULTER les rapports de fin Juin de l'USDA sur les stocks et sur les surfaces emblavées.

    L'article Boomberg sur les prévisions de Goldman-Sachs.

    Le 2 Juillet 2011

     

  • Les récoltes de céréales dans le monde défient les prévisions malthusiennes en vogue

    Les récoltes de céréales dans le monde défient les prévisions malthusiennes en vogue

     Qu'il se dise de grosses bêtises sur les ressources énergétiques de notre planète peut paraître compréhensible, compte tenu de l'incapacité de l'imagination des hommes à quantifier la formidable accumulation de ressources fossiles dans les profondeurs du sol sous les formes les plus diverses durant les 500 millions d'années de vie qui nous ont précédé. Il est beaucoup plus choquant d'entendre proférer, de-ci de-là, de formidables contre-vérités sur la soi-disant inaptitude des paysans du monde à nourrir à l'avenir les populations dans des conditions au moins identiques et sinon meilleures qu'elles ne le sont aujourd'hui, en quantité et en qualité. La croissance des populations sur Terre ne date pas d'hier et elle a même tendance à se réduire.

    Céréales FAOb 

     Je voudrais ici prendre un exemple simple: les productions de céréales dans le monde. Les céréales servent à la fois à nourrir les hommes, les animaux domestiques et d'élevages mais aussi à produire divers produits chimiques, des boissons alcoolisées et des biocarburants. Leur production constitue donc un des grands paramètres déterminants de l'avenir de notre civilisation mondialisée.

     Entre 1965 et 2009 la FAO nous enseigne que les récoltes annuelles de céréales dans le monde ont été multipliées par 2,5 pour atteindre 2,5 milliards de tonnes (FIG., courbe rouge) alors que la population mondiale a été multipliée par 2,05 durant la même période. La progression des récoltes de céréales durant ces 45 années a dépassé la croissance de la population, même après avoir défalqué les 81 000 tonnes nettes de maïs américain utilisé à produire du bioéthanol.

     Ces récoltes sont le produit des surfaces de terres emblavées et récoltées par les rendements de céréales à l'hectare. Les données de la FAO montrent que les rendements des récoltes mondiales de céréales (FIG., courbe verte) sont passées de 1,5 tonnes à l'hectare en 1965 à plus de 3,5 tonnes à l'hectare en 2009. Affichant une croissance moyenne linéaire de 44 kg/hectare/an, cette progression des rendements, multipliés par 2,38 durant la période, est la raison principale de l'accroissement des récoltes. Les connaissances cumulées du monde paysan, la mise à disposition de nouvelles semences plus adaptées aux conditions locales sont les deux principaux moteurs de la progression des récoltes.

     Ces rendements moyens mondiaux sont à rapprocher de ceux des États-Unis ou à ceux de la France qui vers les 3 tonnes à l'hectare en 1965 et vers les 7,3 tonnes à l'hectare en 2009 sont toujours deux fois supérieurs à ceux de la moyenne mondiale. Cela signifie qu'il reste toujours une formidable marge de progression sur ce paramètre déterminant.

     Les surfaces cultivées ont peu varié durant la période, entre 6,6 millions de km2 au plus bas en 2002 et 7,1 millions de km2 au plus haut en 2008. Mais ceci ne signifie pas qu'elles ne pourront pas continuer à croître à l'avenir en raison d'immenses surfaces encore disponibles (Amérique du Sud, Afrique et Asie) et de l'excellente rentabilité retrouvée des cultures.

     Cette expérience passée récente, l'existence de cours des céréales très attrayants, la demande de matières premières pour les biocarburants assurant aux paysans des débouchés sans risques à prix déterminés pour la totalité de la plante, les progrès attendus dans les semences hybrides adaptées, la vogue des investissements bien souvent injustement décriés dans les exploitations agricoles (accaparement, land use change), …tout milite pour que cette croissance des récoltes se poursuive et accompagne la croissance des populations dans les années à venir. Koffi Anan s'insurge devant les investissements étrangers dans l'agriculture des pays africains, mais c'est sûrement grâce à eux que les récoltes mondiales vont poursuivre leur croissance et dépasser les 70% attendus d'ici à 2050. Aux dirigeants africains d'élaborer des règles de répartition acceptables par tous et non entachées de pots de vin.

    LIRE le résumé des déclarations de Kofi Anan à l'ouverture de la Conférence de la FAO sur le sujet.

    Remarque: je persiste à croire qu'il n'est pas dans les attributions de la FAO de prédire une augmentation des cours des produits agricoles au cours des dix prochaines années, pour une raison simple…c'est que l'auteur de ces déclarations n'en sait rien, mais que ses déclarations alimentent à cours terme la spéculation.

    Le 26 Juin 2011

     

  • L’USDA prévoit une campagne record pour l’offre et la demande de maïs dans le monde

    L’USDA prévoit une campagne record pour l’offre et la demande de maïs dans le monde

     S'il existe une demande soutenue pour une matière agricole donnée, l'histoire nous apprend que les prix, s'ils sont librement établis, ont tendance à monter incitant les paysans à favoriser cette culture pour améliorer leurs revenus. L'offre par une progression monotone des rendements et une modulation ou un accroissement des surfaces plantées s'adapte ainsi à la demande.

    Récoltes maïs et blé

     Un exemple simple consiste à comparer les récoltes mondiales depuis 50 ans de blé et de maïs. Sensiblement identiques entre 1960 et 2000 où elles avaient l'une et l'autre triplé durant la période, le monde a vu durant les années 2000 les récoltes de maïs s'accroitre plus rapidement que celles observées durant les décennies précédentes. Ce phénomène s'est déroulé en particulier aux États-Unis, tiré par la demande des distilleries de biocarburants qui vont utiliser en 2011 dans les 120 millions de tonnes de maïs (4,8 milliards de boisseaux) mais restitueront au marché des nourritures animales, sous forme de protéines humides ou sèches, pour près d'un tiers de ce maïs utilisé (DDGs). Les prévisions de l'USDA américaine pour la campagne 2011-2012 confirment cette tendance à la croissance des récoltes puisqu'elle prévoit aujourd'hui la meilleure récolte mondiale de maïs à 866 millions de tonnes (335 aux USA) ce qui correspond à une croissance de 5,5% par rapports aux 821 millions de tonnes de l'année précédente.

     En parallèle l'USDA prévoit une forte augmentation de la demande de maïs à 872 millions de tonnes (+3%) tirée en particulier par la demande chinoise qui doit nourrir ses milliards d'animaux d'élevage.

     Ces données de production et de consommation seront naturellement sujettes à de nombreuses corrections futures en fonction des conditions climatiques et des possibilités de substitutions d'un type d'aliment animal par un autre en fonction des prix de marché. Mais ceci n'empêche pas les Goldman Sachs et autres Morgan Stanley d'agiter le drapeau rouge de la pénurie et de prédire un maïs à 9$ le boisseau, alors qu'il est retombé dernièrement, en phase avec le pétrole et le redressement du dollar, vers les 7$ à Chicago. Les charognards sont toujours là et faire peur au gogo pour qu'il apporte son fric leur est toujours profitable.

    LIRE les prévisions de l'USDA américaine du mois de Juin. LIRE dans Bloomberg les magouilles des Banques citées.

    Le 21 Juin 2010

  • Réflexions sur un avenir énergétique incertain et complexe

    Réflexions sur un avenir énergétique incertain et complexe

     Il est une évidence: si l’espèce humaine n’a pas entre-temps disparu, les énergies fossiles seront un jour épuisées. Mais il en est également une autre qui nuance l’affirmation précédente: nul ne sait, pour chacune d’entre ces sources d'énergies, jusqu’à quelle date et à quel rythme se déroulera cette fin annoncée. En effet entre abondance et épuisement quasi-total, le monde passera durant les décennies et les siècles prochains par diverses phases de pénurie et de tensions plus ou moins vives qui agiront sur les prix et pèseront sur la demande. Elles induiront des progrès dans l’efficacité énergétique des processus, des phénomènes de substitution compétitive entre les diverses formes d’énergie, elles pousseront les industriels à une meilleure exploitation des ressources existantes identifiées, les inciteront à accroître leurs efforts de prospection dans des zones hostiles (Arctique) ou interdites à ce jour (grande part de l'offshore américain) et de mise en valeur de ressources « non conventionnelles » par des technologies innovantes. L’utilisation intensive de la biomasse devenue largement rentable soulagera avec ses ersatz (bioéthanol, biodiésel, biogaz, bio-oil, pellets et autres) la demande finale en énergies fossile.

    Peak-oil  La généralisation au monde du concept régional de «Peak-oil», par ailleurs formidable outil de Marketing, est une représentation naïvement simplifiée et figée d’une réalité beaucoup plus complexe et évolutive qui ne cessera de s’adapter grâce aux progrès technologiques, à des conditions d’un marché de l’énergie en constante évolution. Depuis que le concept de peak-oil a été avancé le bioéthanol et le biodiesel ont prouvé leur complémentarité avec les carburants classiques dont les prix ont quintuplé en dollars courants, des ressources d’huiles non conventionnelles au Venezuela puis dans l’Alberta on été mises en valeur, de nouvelles ressources de pétrole offshore ont été découvertes dans le Golfe du Mexique, en Afrique puis au Brésil à des profondeurs inattendues, les techniques de forage horizontal avec ou sans fracking, parfois couplées à l’injection de CO2 (EOR) a fait faire un pas décisif dans le taux d’extraction de ressources classiques (Californie) et non conventionnelles (gaz et huiles de schistes), les véhicules hybrides et électriques sont produits industriellement, la conversion du gaz naturel en produits pétroliers (GTL du Qatar) est devenue une activité hautement lucrative. La liste n’est pas exhaustive et pendant cette lecture les innovations et les adaptations se poursuivent.

     La notion de «transition énergétique» manipulée par la vision écologique actuellement en vogue, laisse accroire que le monde va passer en quelques décennies d’un temps diabolique de mauvaises pratiques polluantes à une ère de pureté écologique faite d’eaux courantes, de vents bienveillants et de soleil. Cette nouvelle forme de croyance réinvente le Ciel et l’Enfer, elle dit ce qui est bon et ce qui ne l’est pas, elle prédit des apocalypses climatiques qui viendront punir les impies qui ont abimé la Nature, elle utilise toutes les formes de propagande et d’intimidations, rappelant parfois de temps plus obscurs, pour imposer son idéologie romantique, vision schématique et dangereuse du monde.

     Dans la réalité cette soi-disant transition miraculeuse n’aura pas lieu. Le monde va vivre sous la contrainte économique et politique de longues phases successives d’adaptation de l’efficacité énergétique des processus et de son mix énergétique, avec des solutions différentes selon la démographie, la géographie et le climat des régions examinées. Ce futur mix évoluant au cours du temps, nul ne sait le prédire en détail mais il va être composé d’un cocktail de lignite, de charbon, de gaz conventionnels ou non (jusqu’aux hydrates de méthane), de pétrole conventionnel ou non, de nucléaire de diverses génération à base de fission ou de fusion, de biomasse, d’hydraulique, d’éolien de plus en plus offshore, de solaire photovoltaïque ou thermique et autres formes d’énergie extirpées des entrailles de la Terre, des vagues et des courants marins.

     La proportion au sein du mix de chacune des formes dépendra de l’accès aux ressources locales, des prix de marché, des applications évolutives à satisfaire et marginalement des choix politiques (interdictions, règlements, quotas, subventions, taxes, tarifs préférentiels, etc.) qui favoriseront telle ressource et défavoriseront telle autre. Pour d’évidentes raisons, les choix dans la composition du cocktail de la Norvège, de l’Arabie Saoudite ou de la Chine ne seront pas identiques.

    Ces évolutions du bouquet énergétique de chacune des nations se dérouleront selon des processus qui ne pourront guère s’éloigner d’un optimum économique local. Il est une chose de vouloir alimenter un réseau électrique avec 90% d’énergies intermittentes, il en est une autre que de le financer (subventions, tarifs préférentiels, etc.) accompagné d’une multitude de dispositifs redondants (stockages onéreux, gestion aléatoire des puissances appelées au travers de Smart-Grids, ressources traditionnelles sous-utilisées en secours pour éviter les délestages intempestifs, etc.) destinés à pallier l’instabilité intrinsèque d’un tel réseau. En raison de ces contraintes économiques il faudra toujours assurer un minimum de puissance de base à ces réseaux électriques. Cette base fait appel aujourd’hui au charbon, au gaz naturel, au nucléaire, à l’hydraulique au fil de l’eau et marginalement à la géothermie. Elle s’enrichira peut-être un jour de fission nucléaire ou beaucoup plus tard encore de possibles exploitations de l’énergie solaire en orbite géostationnaire… là où il fait toujours soleil.

     Un autre exemple schématique est donné par les hypothèses d’utilisation de l’hydrogène «propre» (non issu du gaz ou du charbon) qui apparaissent aux yeux de certains comme la solution pour demain. Un certain grand Ayatollah moustachu de l’écologie française nous prédit des poids lourds mus par l’hydrogène d’ici à quelques années. Il oublie, s’il l’a un jour appris, que cet hydrogène pour être propre ne pourra provenir que de la dissociation d’un corps composé parmi les plus stables sur notre planète: l’eau. Il faudra donc fournir beaucoup d’énergie pour dissocier l’eau puis pour isoler, laver, comprimer, stocker et transporter le gaz dihydrogène si volatil. Lors de son utilisation, la thermodynamique nous apprend qu’une part de l’énergie récupérée se retrouvera sous forme thermique, difficilement valorisable sur un véhicule. Pour ces raisons physiques et thermodynamiques l’hydrogène s’avère être un très mauvais vecteur énergétique (dans les 30% de rendement s’il est «propre», 40% s’il est produit à partir de gaz naturel) en comparaison avec les lignes électriques couplées à des batteries (autour des 75% de rendement)…pas de bol! Il faut donc prévoir, avant ces hypothétiques camions bouffeurs d'hydrogène, de futurs poids lourds et autres bus hybrides alimentés au gasoil, au gaz naturel ou avec des mélanges essence-éthanol présentant des consommations de l’ordre de 20 litres de gasoil aux cent kilomètres ou équivalent, cela semble beaucoup plus réaliste.

     En contrepartie il est possible d’attribuer un avenir majeur au vecteur électrique dans un monde qui va s’urbaniser et dont la population va vieillir. Aujourd’hui la moitié de la population mondiale (3,5 mrds) est urbaine, en 2045 les spécialistes démographes estiment que les deux-tiers des terriens (6 mrds) seront urbanisés le plus souvent dans de grandes agglomérations. Les transports de masse (métro, train, tramway) seront largement électrifiés, le conditionnement d’air et la maîtrise de l'humidité des appartements fera appel à des pompes à chaleur réversibles, les équipements de communication et de loisirs consommeront cette énergie, les équipements de transport individuels (vélo, scooter, voiture) seront le plus souvent électriques, les infrastructures urbaines (éclairage, balisage, feux, publicité, etc.) feront appel à l’électricité. Il faut donc imaginer un monde futur aux consommations énergétiques quasi constantes puis décroissantes, mais avec une part d’énergie électrique distribuée croissante. Une telle évolution sera favorable à la nécessaire substitution compétitive des sources d’énergies. Citons par exemple l’abandon du pétrole dans l’alimentation des centrales électriques, l’arrivée massive du gaz naturel abondant (gaz de schistes) et donc peu onéreux qui percutera la domination du charbon dans certains grands pays asiatiques (Chine sûrement, Inde peut-être), la valorisation des déchets lignocellulosiques comme combustibles ou transformés en biogaz, l’arrivée de nouvelles centrales nucléaires économes en matières fissiles, plus modulables et plus sûres.

     Dans le domaine des transports, ce qui ne sera pas électrique fera de plus en plus appel à des biocarburants devenus moins onéreux que les dérivés du pétrole. Ceci suppose des investissements massifs dans le développement agricole et le financement d’usines rurales de valorisation de la ressource des pays les plus pauvres (Amérique du Sud, Afrique, Asie). Selon les climats la cane à sucre, le maïs ou le manioc pourront par exemple mener au bioéthanol en utilisant la totalité de la plante (amidon et lignocellulose) dans des conditions économiques raisonnables.

    Il n’y aura pas de transition énergétique, mais adaptation continue du mix énergétique intégrant les contraintes économiques et parfois politiques du moment. L’Europe va vivre en temps réel une telle expérience avec l'Allemagne qui veut quitter le nucléaire, ressource énergétique de base précieuse. Il sera utile de voir combien de lignite, de charbon, de gaz supplémentaires vont être mobilisés pour compenser cette disparition à ce jour désirée. L'exemple japonais d'adaptation sera également instructif à suivre.

    Le 19 Mai 2011