L'énergie du forçage climatique correspondant à l'accroissement de la fraction d'irradiance solaire absorbée par notre planète se retrouve essentiellement dans les océans. Ce surcroît d'énergie captée à un instant donné est le produit de l'irradiance solaire, éminemment variable, par la fraction supplémentaire absorbée qui est une fonction croissante dans le temps, en relation avec la variation de la teneur en GHG dans l'atmosphère par rapport à celle de 1750. Il est donc possible de prévoir que durant un espace de temps relativement bref de l'ordre de quelques années il sera possible d'observer successivement soit une synergie entre les deux phénomènes, durant laquelle l'irradiance solaire croît en même temps que le forçage, soit à une neutralisation réciproque durant laquelle l'irradiance solaire décroît tandis que l'absorption par les GHG continue sa progression inexorable, au rythme des rejets anthropiques. Le forçage climatique correspond à la superposition de deux effets majeurs, l'un variable, l'irradiance solaire, avec des périodicités décennales, ou sur 60 ans ou sur des siècles (LIRE) et l'autre de forme quadratique, liée à l'accumulation des GHG dans l'atmosphère. De telles phases, de façon amortie et retardée dans le temps, apparaissent dans l'étude du niveau moyen des mers. Les données publiées à ce jour sur les niveaux moyens des mers relevés par les satellites Topex jusqu'en 2002 puis par Jason 1 et 2 mettent en évidence de telles phases (FIG.I). Les relevés entre ceux de 1993 et les derniers publiés à mi-2009 permettent clairement d'identifier deux phases: la première, en bleu sur le graphique, allant jusqu'en 2003 montrant une progression quadratique de ces niveaux, la deuxième depuis cette date, en rouge, qui présente un net amortissement des phénomènes.
L'élévation des niveaux moyens des mers est donc la conséquence de phénomènes locaux, variables d'une mer à l'autre, d'une grande complexité et qui conduisent à des variations moyennes amorties et retardées, dont la vitesse de variation peut varier, et même pourquoi pas changer de signe. A l'accroissement des niveaux autour de 1996-2000 pourrait éventuellement succéder une baisse du niveau moyen après 2010.
Alors qu'en 1999 la pente de la courbe quadratique de corrélation affichait une pente de 3,7 mm/an en 2004 cette pente n'était plus que de 2,5 mm/an, puis 2 mm/an en 2006, puis 1,4 mm/an en 2008 et enfin les premières valeurs de 2009 indiqueraient un accroissement moyen des niveaux de 1,1 mm/an.
Ces phénomènes font l'objet d'études très actuelles d'un grand sérieux et d'une grande objectivité par des équipes françaises dont la chef de file incontesté est Anny Cazenave, membre de l'Académie des Sciences depuis 2004 et qui exerce ses talents dans le cadre du Laboratoire d'Etudes en Géophysique et Océanographiques Spatiales du CNES, à Toulouse.
Les variations de niveau des mers totales SLtotal se décomposent en deux termes la variation stérique SLsteric qui est lié à la densité moyenne qui dépend des températures (l'eau se dilate avec la température au dessus de 4°C) et des salinités (le volume décroît avec la teneur en sel) et la variation massique SLmass liée aux transferts de masses d'eau entre les mers et les réserves terrestres (glaciers, forêts, lacs, etc.). A partir de mesures des variations de la gravité ces équipes ont déterminé les masses d'eau libérées par la fonte des glaciers dans l'Arctique et l'Antarctique et expliquent, avec un apport des autres eaux terrestres, un accroissement des niveaux des mers de près de 10 mm en 5 ans, entre 2003 et 2008, soit une valeur moyenne annuelle de 1,9 mm/an. Les mesures de salinité et de températures sur la surface des océans, réalisées par les missions Argo, expliqueraient une variation stérique de 0,37 mm/an. La somme des deux composantes se rapproche de la variation de la hauteur des océans entre 2004 et 2008 qui est estimée à 2,5 mm/an. Pour Cazenave et Col. la hausse du niveau moyen des mers serait due à 80% aux apports d'eau dans les océans par la fonte des glaciers.
Une synthèse sur ces travaux et d'autres plus récents réalisée en Août 2009 par Eric Leuliette dans le cadre du NOAA et portant sur les variations entre Janvier 2004 et Mars 2009, vient confirmer qualitativement ces conclusions. Avec une augmentation moyenne des niveaux des mers de 1,8 mm/an durant cette période, l'auteur estime la partie stérique à 0,5 mm/an et la partie massique comprise selon les corrections de mesures à 0,9 à 1,8 mm/an. La part massique explique donc majoritairement la montée récente du niveau moyen des mers.
A partir de ces travaux il est possible d'imaginer qu'une réduction temporaire en cours de l'irradiance solaire va faire cesser la fonte des glaciers. De plus, pour de simples raisons géographiques, plus la glace va se trouver en altitude et moins elle aura de chances de fondre en abondance, en raison de la faible période de réchauffement. C'est cette même raison qui pourrait expliquer la baisse incessante actuelle de l'accroissement des niveaux moyens des mers et porter à faire le pronostic d'une inversion de tendance probable.
Mais, dans les faits l'abaissement du niveau des océans Pacifique et Atlantique vient d'être observé avec un maximum vers 2005 ou 2006 (FIG.II).

Cela veut-il dire que la montée du niveau des mers est à mettre aux oubliettes? Non, bien sûr. La superposition d'un phénomène variable à un phénomène à la croissance parabolique se traduit toujours par la victoire du second. Il est donc certain que les océans connaîtront dans le futur de nouvelles poussées d'élévation des niveaux, plus fortes encore que celle observée en 1999.
Il apparaît, à ce jour, que les études des variations du niveau moyen des mers par les observations des satellites, liées à la mesure des variations du volume des calottes glacières et aux mesures de salinité et de températures des eaux de surface des océans, conduisent à une compréhension expérimentale du changement climatique assez élaborée. Les résultats pertinents obtenus semblent éloignés des conclusions des multiples travaux de simulation conduits par ailleurs et qui, pour l'instant, ne cessent d'annoncer la catastrophe immédiate.
LIRE les travaux de Cazenave et Col.
LIRE la synthèse d'Eric Leuliette
Le 6 Décembre 2009
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