La substitution, durant les décennies à venir, de la combustion dans les centrales à flamme de ressources carbonées (lignite, charbon, gaz naturel et autres dérivés de la biomasse) par les énergies intermittentes non polluantes (éolien et solaire), associées à de copieux moyens de stockage, apparaît pour certains, proches des idéologies écologistes, comme inéluctable.
Ces affirmations récurrentes, basées sur des arguments qualitatifs d’épuisement des ressources ou de réchauffement à venir, souffrent malheureusement de l’absence d’une approche chiffrée du problème.
Rappelons, tout d’abord, en prenant l’exemple de l’Allemagne, que cette grande Nation, peu dépendante de centrales électronucléaires locales ou voisines, comme celle de Fessenheim, génère 60% de ses productions d’électricité dans des centrales à flamme (317 TWh sur un total de 520 TWh générés en 2014).
Le problème simplement posé est le suivant: combien une Nation ou un ensemble de Nations électriquement interconnectées devraient installer de puissance éolienne ou photovoltaïque pour assurer sans faille une fourniture de puissance adéquate au réseau électrique.
Pour approcher simplement ce problème il est possible de supposer une Puissance intermittente installée Pi (en GW) pour satisfaire de façon autonome, une puissance moyenne P (en GW) au réseau, soit de façon directe soit au travers de divers modes de stockages en tampon (électriques, chimiques réversibles ou mécaniques) nécessaires et suffisants pour répondre à toute demande instantanée de puissance électrique. Nous ne chiffrerons pas pour l’instant la taille et les investissements à réaliser dans ces énormes moyens de stockage.
La ressource de puissance disponible, durant un an par exemple, pour assurer le stockage va être proportionnelle, pour un facteur de charge moyen C (0<C<1) des installations intermittentes à (Pi-P)*C.
Le pompage d’énergie, à partir des moyens de stockage dont le rendement global moyen est R (0<R<1) durant la même période va être proportionnelle à (P/R) *(1- C)
Le facteur (1-C) quantifiant la fraction de temps durant laquelle les ressources intermittentes ne sont pas disponibles.
La continuité de la prestation implique l’égalité des deux termes (l’énergie stockée au rendement près, est égale à l’énergie consommée) d’où il est possible de déduire en fonction de P puissance moyenne désirée, la puissance intermittente à installer:
Pi = P * [1 + (1-C)/RC ]
La puissance intermittente installée va dépendre du facteur de charge moyen C des installations et du rendement moyen R des modes de stockage choisis.

Ce graphique vous donne une estimation des puissances intermittentes à installer pour une puissance P disponible à tout instant sur le réseau en fonction du rendement de stockage de l’énergie électrique. Prenez R=0,9 pour un stockage essentiellement à base de pompage turbinage alpin; prenez R=0,6 pour un stockage à base d’hydrogène.
Les points en haut du graphique, d’un facteur de charge de 10%, illustrent par exemple le solaire allemand qui nécessiterait avec un très bon rendement de stockage alpin d’installer une puissance nominale intermittente 11 fois supérieure à la puissance continue désirée et avec un stockage médiocre à base d’hydrogène par exemple nécessiterait une puissance intermittente de 16 fois la puissance continue désirée. Ceci illustre l’incompatibilité évidente entre une mièvre génération solaire allemande et un pauvre stockage d’énergie à l’hydrogène, même si par soucis d’économie l’hydrogène est envoyé dans le réseau de gaz naturel.
L’EIA vient de publier des statistiques relatives aux facteurs de charge mesurés dans diverses localisations et pour divers moyens de génération électrique.

Pour l’éolien les facteurs de charge raisonnables varient de 30% pour l’Australie et la Nouvelle Zélande, 27% pour les États-Unis et 22% pour l’Europe (OCDE). C=0,3 peut être généreusement choisi, soit un coefficient (1-C)/C = 2.33 . A ce jour, selon l’EIA, le facteur de charge éolien + solaire en Europe serait de 18% et donc un coefficient (1-C)/C de 4,5.
Quand aux rendements de stockage on sait qu’ils sont excellents pour les centrales de pompages turbinages, mais dont les sites d’implantation ne sont pas pléthoriques et qu’ils seront exécrables pour les solutions de type Power to Gas qui utilisent l’Hydrogène.
Supposons des électrolyseurs avec d’excellents rendement électriques de 60% et des Piles à Combustibles, en grands nombres, utilisées à faible régime avec des rendements eux-aussi de 60%, ceci conduit à un rendement de stockage électrique assez miteux autour des 30%. C’est la raison pour laquelle Siemens préconise d’injecter l’Hydrogène dans le réseau de gaz.
En conclusion avec un excellent facteur de charge moyen de 30% et un rendement moyen de stockage électrique de 60%, la puissance intermittente à installer devrait être 5 fois plus importante que la puissance moyenne désirée.
Il est possible d’en déduire que les investissements de génération et de stockage électriques nécessaires pour atteindre l’objectif d’autonomie des énergies intermittentes seraient absolument dissuasifs.
Du rêve à la réalité il est parfois utile que quelques chiffrages simples soient réalisés.
LIRE le papier récent de l’EIA américaine sur les facteurs de charge
Le 9 Septembre 2015, complété le 9 Mars 2016.