L'électricité est la forme élaborée d'énergie qui va s'imposer au cours d'un XXIème siècle de plus en plus urbanisé, dépendant de systèmes à fort rendements énergétiques comme les pompes à chaleur et asservi aux énergies renouvelables intermittentes. Dans les transports, les trains à grande vitesse se substitueront aux avions et autres ferries, les véhicules à traction électrique, le développement de l'industrie de l'Aluminium (métal léger et donc écologique, malheureusement de moins en moins produit dans une Europe qui n'a rien compris au match qui se joue) seront des évolutions qui vont accentuer encore et encore les consommations d'électricité. Mais je voudrais évoquer ici, pour agrémenter le tableau, une application encore marginale mais en très forte croissance qui participera de plus en plus à cet engouement pour l'énergie électrique: le dessalement de l'eau de mer et autres eaux saumâtres.

Le Fraunhofer estime qu'en 2011 la demande mondiale d'eau va s'élever à 4400 milliards de m3 et que le potentiel de dessalement des eaux de mers et autres eaux saumâtres installé dans le monde va atteindre en 2011 les 77 millions de m3 par jour soit un flux de production potentielle en fin d'année autour des 28 milliards de m3 par an. Important au Moyen-Orient, aux États-Unis, en Espagne, le dessalement des eaux est donc encore tout à fait marginal dans l'approvisionnement global mais sa croissance annuelle dépasse les 10%. Il faut donc prévoir un doublement des capacités installées environ d'ici à 6 ans. Dans ce cadre le Fraunhofer pronostique une capacité de dessalement autour des 130 millions de m3 par jour dès 2016 (48 milliards de m3 par an). Ceci correspondra alors à 1% environ de l'approvisionnement en eau des populations mondiales.
L'autre paramètre à prendre en compte est la nouvelle suprématie des techniques électriques de séparation sur les technologies thermiques classiques reposant sur l'évaporation et la condensation de l'eau. L'osmose inverse utilisant la compression de l'eau au travers d'une membrane est le procédé industriel le plus répandu aujourd'hui et les industriels comme Siemens (FIG.) travaillent activement sur l'électrodialyse qui repose sur la migration des ions au travers de membranes lors du passage du courant dans l'électrolyte naturel que constitue l'eau salée. Ces technologies "électriques" représentaient 64% de l'ensemble des unités installées en 2008, elles en représenteront 68% à fin 2011 et autour de 79% en 2016.
L'intérêt des techniques électriques réside dans le fait qu'elles évitent la combustion de fuel lourds ou de gaz au sein de gigantesques installations en charge d'évaporer et de condenser de l'eau. De plus les progrès réalisés dans les membranes sélectives abaissent de plus en plus l'énergie nécessaire à l'extraction des ions (Voir la remarque en fin de papier). Alors que l'osmose inverse consomme selon Siemens entre 3,4 et 4,8 kWh d'électricité par m3, l'électrodialyse devrait permettre de diviser par deux ces consommations d'énergie.
Compte tenu de ces hypothèses:
-de croissance forte du potentiel de dessalement de l'eau dans les années à venir,
– de la suprématie des techniques électriques: osmose inverse et électrodialyse,
– de la baisse continue des consommations d'énergie vers 2kWh par m3 d'eau
il apparaît que la consommation d'électricité dans le dessalement va poursuivre sa croissance et passer d'une consommation annuelle autour des 60 TWh en 2008 à une énergie autour des 170 TWh en 2020 (FIG.). Par la suite chaque milliard de m3 d'eau consommée de plus, demandera dans les deux TWh d'électricité pour le produire. Il faut ramener ces consommations aux trente mille TWh d'électricité qui seront environ produits annuellement en 2020 dans le monde.
Remarque: Siemens après des tests conduits sur un pilote de dessalement de 50 m3/jour depuis Décembre 2010, annonce vouloir installer une unité pilote industrielle d'électrodialyse en 2013 à Singapour. Cette unité sera équipée de trois unités d'électrodialyse en série permettant de traiter des eaux très salées et de trois unités d'électrodéionisation en parallèles.
Pour enlever par électrodialyse les sels contenus dans une eau de mer à 35 grammes de sels par litre il faut faire passer avec un rendement supposé de 100% et en tenant compte des concentrations et des charges des divers ions une quantité d'électricité autour de 0,6 Faraday soient 16,1 Ah. Pour estimer l'énergie nécessaire à cette opération de désolvatation des ions et de transfert au travers de membranes il faut connaître la tension Delta V, pour une densité de courant donnée, entre les deux compartiments riches en sel encadrant une des paires de membranes d'un réacteur. Pour un Delta V autour des 100 mV l'énergie de désolvatation et de transfert des ions est de 16,1 x 0.10 = 1,6 Wh par litre. Il faudra pour le bilan complet tenir compte la tension d'électrolyse aux deux extrémités du réacteur ramené au nombre N de paires de membranes. Par exemple pour n=50 et une tension totale de 7 Volts la tension moyenne par cellule est de 7/50 = 140 mV. Dans ce cas pour un rendement supposé à 100% l'énergie nécessaire sera de 16,1 x 0.14 = 2,3 Wh/litre. On le voit, la qualité des membranes et la pureté de l'eau floculée et ultra-filtrée permettant d'éviter le "fouling" des membranes entrant dans la cellule sont les points clés d'une électrodialyse économe en énergie.
LIRE le communiqué de Siemens sur le sujet.
CONSULTER une présentation récente du Fraunhofer sur le dessalement.
Le 15 Juillet 2011