Un analyste américain, Brett Steenbarger, s’est amusé à valoriser les cours de la Société Exxon-Mobil en barils de pétrole WTI (Exxon Mobil Stock Up Big, But Underperforming Crude – Seeking Alpha). Il montre ainsi, que depuis un plus haut en 1998, malgré la belle performance de l’action XOM, leader des Sociétés pétrolières cotées, cette valeur en équivalent baril, a tendance à décroître pour se stabiliser autour du prix d’une action XOM pour celui de 1,1 baril de pétrole.
Il m’a semblé intéressant de faire le même type d’exercice pour le cours de l’action Total et de comparer les comportements des deux actions. La valorisation des capitalisations boursières et leur comparaison aux stocks ou aux productions annuelles s’avère être instructive.
Afin d’être indépendant des cours de change euro/dollar j’ai étudié le cours hebdomadaire de l’ADR TOT coté à Wall-Street. Le résultat de ce calcul, comparé à celui d’Exxon, depuis deux ans est représenté FIG.I.
On remarque tout d’abord l’inversion des valorisations relatives. L’action TOT qui valait un dixième de baril de plus que XOM en 2005 en vaut maintenant 1,5 dixième de moins.
La direction de Total invoque le dollar comme cause de tous les maux. On voit là que l’explication est un peu juste. Le spin-off d’Arkema est à porter au crédit, mais ne suffit pas à expliquer cette inversion.
Le pic de Janvier 2007 correspond au prix anormalement bas du pétrole (50$/bl) atteint à l’entrée d’un hiver 2006/2007 exceptionnellement tardif en Amérique du Nord. Depuis les cours des deux actions, exprimés en barils, décroissent. Cela signifie que les cours de ces Sociétés ne suivent pas le prix de vente de leur production, ni la valorisation de leurs réserves.
La capitalisation boursière de Total au 20/10/2007 correspond à la valeur de 2,14 milliards de barils (2395 millions d’actions à 0.893 barils). Il est intéressant de rapporter cette valeur aux réserves de pétrole et de gaz qui sont respectivement de 6,6 et 4,5 milliards de barils. Compte tenu des valorisations différentes du gaz et du pétrole (un baril de pétrole est valorisé à deux fois et demi celui de gaz) faire la somme n’est pas économiquement correct. Une approche plus rigoureuse est d’ajouter 40% des réserves de gaz à celles de pétrole. On obtient ainsi des réserves « valorisées » de 8,4 mds de barils. La capitalisation boursière de Total correspond donc à 25% de la valeur de ses réserves. Celle d’Exxon, selon le même mode de calcul est de 5,77 milliards de barils, c’est 35% de ses réserves valorisées.
Un calcul analogue en comparaison avec les productions annuelles de Total, qui s’élèvent sur les quatre derniers trimestres connus à 0,55 mds de barils de liquides et à 0,31 mds de barils équivalents de gaz, montre que la valorisation de Total est égale à 3,2 ans de production. En comparaison, la capitalisation d’Exxon est de 4,8 ans de production.
On mesure là, la formidable sous valorisation de l’action Total. Un peu plus de trois ans de production c’est la juste valeur de ses droits sur les champs pétroliers et gaziers actuellement exploités. Tout se passe comme si les futures productions et la totalité de l’aval (chimie, raffinage et distribution), n’étaient pas valorisées dans le cours l’action Total.
A qui la faute ? Une image dégradée ? Un marché CAC trop étroit ? Une communication peu fiable qui annonce un volume de production en croissance annuelle de 4% en Septembre et de 1,5 à 2% en Octobre ? Une gestion historiquement « pépère » illustrée par les progrès réalisés par Arkema depuis son spin-off ? Des structures onéreuses, complexes et surdimensionnées ? Une gestion bizarre du cash qui fait de Total un groupe endetté et en même temps un gros actionnaire « quasi institutionnel » possédant 13% de Sanofi? Sûrement chacune de ces causes participe, pour partie, à cette décote.
En conclusion, la valorisation de l’action Total, cotée en dollars à Wall-Street et exprimée en « unité baril de pétrole », montre une décroissance au cours de l’année 2007 à partir d’un plus haut à 1,3 barils en Janvier, pour atteindre 0.9 barils aujourd’hui. Figure peu commune, son cours en dollars semble donc être très peu sensible à la valeur de vente de ses productions. La capitalisation boursière représente 25% de la valorisation des réserves ou 3,2 ans de production. Les valeurs absolues de ces ratios et leur comparaison avec ceux d’Exxon montrent, de façon évidente, que cette action est anormalement sous valorisée.


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