La taille des camions collectant la canne à sucre en vrac et leur noria pour alimenter la production de fuel éthanol au Brésil sont impressionnantes. Il faut en effet alimenter, par milliers de tonnes, ces grandes usines de fermentation et de distillation, produisant leur énergie et leur électricité à partir de la bagasse. Monstres autarciques, crachant leur vapeur d’eau et leurs émanations d’alcool.
La question que nous allons aborder concerne la taille et l’impact sur l’environnement des futures et hypothétiques unités de production de carburants, à partir de la biomasse, en fonction des caractéristiques de base des procédés. Cette réflexion devrait permettre de rendre plus réalistes et tangibles certains rêves écologiques.
Nous avons un exemple industriel similaire en France, c’est la production de papier. Elle produit 90% de son énergie thermique et 35% de son électricité à partir de la liqueur noire, obtenue lors de la cuisson du bois. Une machine à papier produit 1000 tonnes/jour et il y en a plusieurs dans une usine. L’usine de production de papier Kraft dans les Landes est alimentée par 250 camions par jour.
Plus les opérations seront simples et plus les tailles des unités de production pourront être déclinées en fonction des contraintes locales. Inversement, un procédé complexe et dangereux, de type pétrochimique, nécessitera une grande usine qui devra être implantée au coeur de la zone de culture intensive. Voici quelques exemples.
Le procédé le plus complexe est le BTL (Biomass To Liquid) qui n’existe, pour l’instant, qu’à l’état de pilote industriel. Une unité industrielle ressemblerait à une raffinerie de pétrole complexe. La rentabilité et la sécurité imposeraient la taille de l’unité de production qui devrait produire 50 à 100 mille barils par jour de carburant. Cette contrainte nécessiterait d’alimenter l’usine de 25 à 50 mille tonnes de bois sec par jour. Un tel complexe n’est imaginable que dans un environnement fortement boisé à croissance rapide, organisée et gérée. On touche ainsi du doigt les limites de l’exercice « biomasse ». Faire des calculs globaux annuels est une chose, imaginer une usine dans son environnement en est une autre.
Une usine américaine de production de fuel éthanol à partir de maïs va consommer 100 millions de boisseaux par an (2,5 millions de tonnes). Pour produire cette récolte (avec un rendement de 149 boisseaux/acre ou 37/m2 soit 37 millions/km2) il faut près de 3 km2 de cultures. On a donc une taille d’usine raisonnable, au niveau du Comté, ce qui explique le très grand nombre d’usines qui ont été construites en peu de temps au US. Le procédé est simple, peu dangereux. Certaines usines, plus petites, sont la propriété de quelques agriculteurs organisés en coopérative. Sacrés bouilleurs de crus. La production de fuel éthanol ne pose donc pas de problème industriel local, par contre elle pose des problèmes de ressources, de santé et de logistique. La conversion de ces usines à la production de butanol à partir de cultures non vivrières serait la bien venue.
Un autre exemple intéressant est la solution offerte par la Société suédoise AGERATEC qui propose, clés en main, des équipements de production de biodiesel, à celui qui dispose de corps gras (huiles ou graisses) à traiter. Le plus petit de ses équipements peut produire sur 40 m2, 700000 litres de biodiesel par an. D’autres équipements modulaires peuvent produire jusqu’à 100 mille tonnes par an de carburant. La société fournit les réactifs (solution de potasse et méthanol) ainsi que les additifs « grand froid ». Une Société de Transport espagnole s’est équipée de ce type d’équipement pour produire 16000 litres quotidiens de biocarburants pour alimenter sa flotte de camions. Bien sûr vous ne pourriez pas faire celà en France, arriverait immédiatement, dans les locaux, un bataillon de douaniers qui viendrait vous redresser les comptes.
Ces exemples montrent que la réflexion autour des biocarburants doit s’accompagner d’une réflexion autour du maillage géographique, des choix de procédés, de la taille des unités de production et des législations associèes. Les micro brasseries américaines produisent d’excellentes bières, les micro usines de transestérification pourraient produire un biodiesel de premier choix.

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