Dès qu’une innovation se fait jour, dès qu’une nouvelle technologie veut prendre place il se trouve, spontanément, une minorité active pour condamner la nouveauté, pour trouver de pseudos points faibles tendant à démontrer la non viabilité de la nouvelle filière. Sans remonter aux Chemins de Fer ou aux découvertes de Pasteur, le nucléaire, les biocarburants, rencontrent une opposition virulente. Le photovoltaïque dont le retour sur énergie serait négatif (!) a lui aussi subi de violentes critiques. Pour ce qui est de la traction électrique terrestre la première opposition provient du mauvais rendement énergétique de la filière électrique, il a été montré ici que la consommation d’électricité resterait marginale (LIRE) et que de toute façon un jour, il n’y aura plus de carburant à la pompe, il n’y aura même plus de pompes. Mais voila un autre argument traîne sur les Blogs: il n’y aura pas assez de Lithium pour alimenter en batteries Li-Ion les nouveaux véhicules!
Bien sûr ce genre d’information catastrophique est largement repris malgré de multiples démentis de gens de la profession. Je voudrais ici expliquer pourquoi la pénurie en Lithium n’est ni pour demain ni pour après demain et qu’il en restera toujours assez pour assurer les soins psychiatriques de la cyclothymie de ses détracteurs.
Les hypothèses:
- supposons tous les véhicules électriques ou hybrides rechargeables équipés de batteries de 16 kWh (100 miles ou 160 km d’autonomie en version électrique),
- la tension nominale de chaque élément est de 3,6V, les accumulateurs de la batterie présente donc une capacité cumulée de 444 Ah,
- par rapport à la théorie, la quantité de lithium est majorée de 30% pour tenir compte de la partie irréversible ou de la non utilisation de la totalité de la matière active positive,
- l’électrolyte est un sel de Lithium (de type LiPF6 ou LiBF4) de normalité 1M et en quantité de 5 cm3 par Ah.
- les batteries après utilisation sont envoyées dans des unités de récupération spécialisées qui valorisent le Cuivre, l’Aluminium, les divers non ferreux et le Lithium. L’hypothèse retenue ici est une durée de vie de 11 ans des batteries et que le taux de recyclage est de 85%. Ce recyclage est facilité par le fait que ce sont de grosses batteries aisément identifiables.
- L’arrivée d’autres technologies de batteries n’est pas envisagée ici, bien que probable.
Les résultats:
- chaque batterie utilisera 1,5 kg de Lithium dans la matière active positive (LiMn2O4, LiFePO4 ou autre) et 0,15 kg dans l’électrolyte soit un total de 1,65 kg de Lithium par batterie.
- les consommations annuelles de Lithium croissent tout d’abord, puis passent par un maximum avec la réduction de la croissance des productions et la montée en puissance du recyclage (FIG.).
D’après un fumeux article « The trouble with Lithium » de Mai 2008 les auteurs prévoient une production de 308 mille tonnes de Li2CO3 à l’horizon 2020 (dont un très prudent 80 mille tonnes provenant de Chine!) ce qui fait une production mondiale annuelle de Lithium de 58 mille tonnes. Avec cette quantité de Lithium les auteurs concluent qu’on ne pourra produire que 8 millions de véhicules électriques par an. Leur hypothèse suppose donc que seulement 22% des productions de Lithium soient affectés aux batteries pour l’automobile en 2020. Les auteurs avancent en particulier comme argument , l’impossibilité de la Chine à fournir un produit de qualité acceptable pour les batteries!
Mais 8 millions de véhicules électriques par an en 2020, 10 ans après le démarrage des productions confidentielles, ce n’est pas si mal. Rappelons qu’il se vend chaque année 70 millions de véhicules dans le monde, dont 49 millions de voitures particulières. La vraie question est la suivante: que se passera-t-il après 2020 et à quelle vitesse voudra-t-on électrifier le parc automobile? Une électrification du parc en 50 ans, soit 100% du parc électrifié en 2060, suppose donc que durant 30 ans environ les consommations de Lithium soient intense en attendant une contribution plus importante du recyclage qui fera diminuer les consommations (FIG.).
Avec nos hypothèses nous arrivons à une consommation maximale de Lithium de 82000 tonnes entre 2040 et 2050 pour cette application. Rien ne permet de penser que de tels niveaux de productions supplémentaires ne seront pas atteignables à cette époque par l’apport des productions chinoises et si nécessaire la mise en production de mines de spodumène largement réparties dans le monde. Bien sûr les prix du carbonate de lithium s’aligneront sur les productions marginales les moins rentables. Par la suite, la part du recyclage croissant, les besoins en Lithium de « première précipitation » régresseront, rendant les productions moins pressantes.
Bien sûr ce scénario n’a aucune chance de se réaliser, de nouveaux types de batteries émergeront, elles utiliseront du Sodium, du Magnésium ou de l’Aluminium. L’inventivité des hommes rend la réalisation de tout pronostic au delà de quelques décennies bien peu probable. Mais en l’état actuel de nos connaissances rien ne permet de dire que la filière Li-Ion soit vouée à l’échec par manque de Lithium, bien au contraire. Les Chinois fortement impliqués dans la production de batteries au Lithium pour leurs besoins propres et pour l’exportation, feront le nécessaire pour assurer les productions de carbonate de Lithium de haute qualité qui leur seront nécessaires ou qu’ils exporteront. La mise en production des mines de spodumène dépendra de la demande et des prix de marché.
Le 11 Octobre 2008.
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