La baisse continue des taux longs met la pression sur la BCE

                          Un système bancaire en période de crise doit pouvoir se refinancer à des taux d’intérêts faibles pour pouvoir consentir à ses clients des taux attractifs. Bien sûr ces taux incluent la marge de la Banque déterminée par la prise en compte du type de crédit, de la durée, des garanties apportées par le client et de l’état de la concurrence. En ces périodes de peu d’inflation, il est donc nécessaire que le taux de refinancement auprès de la Banque Centrale soit faible. Il est en ce moment  de 1% aux Etats-Unis (1,25% pour le taux d’escompte), de 2% en Grande-Bretagne et de 2,5% auprès de la BCE. Le taux de refinancement, malgré la baisse de 75 points de base (0,75%) de la BCE cette semaine, est plus pénalisant pour les Banques et donc en final, pour les emprunteurs de la Zone Euro que pour les banques anglaises ou américaines. Un indicateur simple consiste à comparer les taux des bons du trésor de chacun des Etats, négociés sur le marché en fonction de l’offre et de la demande avec ces taux administrés (FIG.). Taux10ans200812

                     Tout au long du mois de Novembre et au tout début de ce mois nous avons assisté à une chute régulière des taux des bons à 10 ans américains de 130 points de base, avec un minimum Jeudi dernier à 2,55% pour le  10 ans. Le désintérêt des investisseurs pour les autres placements (bourse, immobilier, commodities) et le recul de l’inflation est tel que l’Etat américain arrive à placer du papier à échéance 10 ans à 2,55%. Cette baisse a entraîné dans son sillage celle des bons européens qui ont baissé de 110 points de base pour le britannique et de 87 points pour le bon allemand à 10 ans.

                       La comparaison du 10 ans allemand avec le taux de refinancement de la FED (FIG. courbe rouge) montre la course à la baisse des deux taux. Si la BCE ne veut pas se retrouver avec une courbe des taux inversée elle est obligée d’anticiper la baisse des taux du papier à 10 ans. Il est évident qu’avec la tendance actuelle la BCE aurait pu s’aligner avec la Bank of England à 2%. Mais J.C. Trichet qui  sera poussé à baisser encore son taux directeur au plus tard le mois prochain, veut faire croire que c’est encore lui qui décide. Totalement discrédité par sa vielle hantise d’une hypothétique inflation et des effets de second tour qui l’avaient amené à remonter le taux de la BCE le 9 Juillet, au maximum de pic de la spéculation qu’il avait lui même entretenue, il est le seul à partager cette conviction.

                       Notons en passant, que la baisse des taux va faire du bien au budget de notre pays trop fortement endetté. C’est peut-être celà qui agace le plus notre banquier central.

Le 6 Décembre 2008.

Commentaires

3 réponses à “La baisse continue des taux longs met la pression sur la BCE”

  1. Avatar de el gringo

    « Si la BCE ne veut pas se retrouver avec une courbe des taux inversée elle est obligée d’anticiper la baisse des taux du papier à 10 ans »
    Les courbes des taux en Europe et aux USA sont inversés depuis plus de 2 ans (Novembre 2006).
    Ce n’est pas la BCE qui décide des taux d’emprunt des états mais les banques via le marché obligataire qui est en effet très fortement souscrit actuellement sur les emprunts souverains. Depuis 1974, les états n’ont plus le droit de se financer directement auprès des banques centrales.
    Le taux de la BCE à 2.5% est le taux de l’argent prêté au jour le jour et non des taux longs. Le plan de recapitalisation des banques par l’état français prévoit des taux de 8% (Bruxelles préférerait 10%) ce qui ne les effraient pas car elles ne peuvent trouver moins cher sur le marché compte tenu des niveaux de primes de risque et de liquidité à payer actuellement. Au Royaume-Uni, le taux qui a été demandé par l’état pour le sauvetage des banques anglaises était de 12%.
    http://www.lesechos.fr/info/finance/4805194.htm
    Le principal taux de la BCE a baissé de 1.75% en 2 mois sans grand effet contre la crise ou le marché du crédit. Les banques ne prêtent plus ou seulement à des taux très élevés.
    Même si les taux longs baissent aujourd’hui, les spreads de crédit sur la dette souveraine des états augmentent très vite et risquent de poser de sérieux problèmes devant les besoins de financement des états l’année prochaine que le marché pourra difficilement pourvoir compte tenu des montants.
    http://www.lemonde.fr/la-crise-financiere/article/2008/11/28/les-etats-vont-devoir-emprunter-massivement_1124444_1101386.html
    Ces spreads de crédit sont déjà en forte hausse depuis le début de l’année et cette hausse s’est fortement accélérée le mois dernier. Devant les conséquences de la crise et le coût des plans de relance, nombre d’investisseurs cherchent maintenant aussi à se couvrir contre un éventuel défaut de paiement des états. L’Italie ou la Grèce doivent rénumérer leur obligations bien plus chères que d’autres pays européens.
    http://seekingalpha.com/article/109270-country-default-risk-rises-across-the-board

  2. Avatar de Raymond Bonnaterre

    Merci El Gringo, j’attendais votre commentaire savant pour expliquer que les taux montent, ce qui est évident quand plus personne n’investit. Je vous invite à vous rendre sur le site de la FED pour actualiser vos données sur la courbe des taux US.

  3. Avatar de el gringo

    Il faut comprendre le fonctionnement des banques aux USA et le role de la FED avant la crise (car tout est en train de changer) qui est assez différent de ce qu’on connaît en Europe.
    Après la crise de 1929, la loi a séparé les banques américaines en 2 grandes catégories bien distinctes et avec des rôles bien définies pour protéger les économies des déposants. Les banques commerciales (dont le champ d’action était limité à un seul état jusqu’à la fin des années 90) et les banques d’affaires (« investment bank ») qui agissent dans tous les Etats-Unis.
    Les banques commerciales (comme Bank Of America, Wells Fargo) s’adressent aux particuliers et aux petites entreprises et peuvent emprunter à la FED.
    Les banques d’affaire (Morgan Stanley, Merrill Lynch, Goldman Sachs, Bear Stearn, Lehman Brothers) s’occupent du financement des grandes entreprises mais ne peuvent pas emprunter auprès de la FED.
    Les banques d’affaires dépendent uniquement pour se financer du marché bancaire où elles empruntent aux autres établissements du même type et n’avaient pas le droit d’emprunter à la FED (jusqu’à une date très récente).
    Les banques de détail (et les institutions de crédit comme Fannie Mae ou Freddie Mac) peuvent par contre emprunter à la FED et transformer les dépôts des particuliers en crédits.
    Il faut aussi savoir que contrairement à la BCE, la FED ne rénumère pas les provisions obligatoires des banques et des autres institutions de crédit. Il en résulte un marché secondaire au jour-le-jour des réserves non utilisées, dit marché des Federal Funds, ou Fed Funds, qui forme le marché directeur des taux à très court terme du marché monétaire domestique américain mais qui ne concerne pas les banques d’affaire. Bien que les marché des Fed Funds joue un rôle important dans la fixation des taux, la grande partie des transactions sur le marché monétaire est réalisée en dehors de la FED.
    Pour financer les entreprises, il y a 2 grands moyens pour une banque d’affaire : créer des produits financiers que les investisseurs souscriront comme des obligations d’entreprise par exemple ou agir pour son propre compte et emprunter sur le marché bancaire pour prêter aux entreprises.
    La crise est passée par là et bien que l’activité pour compte propre ait connu beaucoup de pertes avec les subprimes, c’est surtout elle qui survit actuellement. Le placement des produits financiers est en effet devenu très difficile devant le faible nombre d’investisseurs restants qui demandent en plus des taux très élevés et les banques d’affaire agissent souvent pour compte propre en empruntant sur le marché et cette situation (pertes banques + illiquidité du marché) a entrainé l’explosion des primes de risque des banques d’affaires.
    Résultat, les banques d’affaire refusent de prêter aux entreprises sauf avec des primes encore plus élevées car elle doivent en plus se couvrir contre la possible défaillance de ces emprunteurs et donc émettre des produits comme des CDS (qui mesurent le degré de couverture demandé par le marché pour couvrir le risque inhérent à chaque entreprise cotée) avec des primes aussi très élevées aujourd’hui. Les entreprises américaines sont donc doublement pénalisées à la fois par la crise et par la déconvenue des banques d’affaire. L’Europe est à cet égard beaucoup mieux loti pou l’instant.
    Il est donc devenu très difficile pour les entreprises américaines d’obtenir un crédit sans une augmentation très importante des taux, car ceux ci sont de plus en plus souvent basés sur les spreads CDS. Ces taux CDS sont aujourd’hui entre 10 et 22%. Les coûts de financement pour les entreprises sont en forte augmentation et malheur à celles qui dépendent trop du crédit. Aujourd’hui, il n’y en a en effet plus que pour les obligations d’état, sensées offrir la sécurité absolue pour les investisseurs ayant encore des liquidités.
    Pour sortir de cet impasse, la FED et le gouvernement américains ont autorisé au mois de septembre les banques d’affaire à changer de statut et a pouvoir emprunter directement à la FED à certaines conditions mais le mal était fait et la confiance des investisseurs mettra longtemps à revenir surtout quand on connaît leur situation financière.
    http://www.lesechos.fr/info/finance/300294872.htm
    Dans cette situation, les taux de la BCE ne peuvent plus changer grand chose sauf à limiter un peu les conséquences (surtout financières) de la crise en Europe. La question est de savoir si le système financier américain est cassé, seulement en panne ou a seulement calé et est prêt à redémarrer rapidement.
    La FED qui a usé une grande partie de ses réserves lors de la crise pour essayer de sauver les banques d’affaires en refinançant leurs mauvaises créances n’a pas les moyens de financer les entreprises américaines sur le long terme (même si elle l’envisage de le faire directement désormais) sauf à prendre des risques inconsidérés pour sa propre survie. Le gouvernement américain envisage de s’endetter pour refinancer la FED.

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