Le mode de cotation des droits d’émissions de CO2 en Europe est incompatible avec une politique écologique responsable

                      La très libérale Commission Européenne, d’avant la crise bancaire que nous traversons et qui remet en cause bien des certitudes, a fait le choix de sous-traiter la valorisation de la tonne de CO2 à des marchés dédiés, chargés théoriquement de rapprocher l’offre et la demande et de déterminer ainsi un cours d’équilibre. Mais un tel marché sur des droits d’émissions réels ne paye pas son trader, alors, tout naturellement, ces marchés ont sécrété ses produits dérivés et autres futures qui permettent d’accueillir les spéculateurs de tous poils et de multiplier le nombre de transactions, et donc les commissions, par 10 ou 20 ou parfois plus. Le CO2 est donc coté, sur l’European Climate Exchange à Londres par exemple (ECX) comme n’importe quelle commodity (matière première et énergie).  Son cours, fortement corrélé aux cours du pétrole, suit donc les modes spéculatives du moment (FIG.). Par exemple, à la fin de la semaine dernière le cours de la tonne de CO2, vers les 12 euros, se retrouvait à un plus bas depuis près de deux ans.Ecx200901

                     Cela veut dire qu’en ce moment, où les prix du charbon ont fortement baissé et où les droits d’émissions de CO2 sont bradés, il faut être masochiste pour brûler autre chose que du charbon dans les centrales électriques à flamme. Quand aux abrutis qui ont choisi l’option nucléaire, ils feraient mieux de revenir au bon vieux charbon, quelques centaines de millions de tonnes de CO2 de plus ou de moins dans l’Azur, ce n’est plus un problème. Voila schématiquement, à traits forcés, où nous en sommes en Europe.

                  Laisser au Marché et donc à la spéculation, le souci de la régulation des droits d’émissions du CO2 est une formidable bêtise. L’Europe politique doit reprendre en main cette recherche d’un juste prix. Qui interdirait à la Commission de mettre aux enchères tous les mois par exemple, à l’achat comme à la vente, avec des cours planchers de 20 ou 25 euros la tonne, des droits d’émissions de CO2. Les opérateurs industriels pourraient prendre ces cours planchers, réévalués raisonnablement tous les ans, comme base de calcul de rentabilité de leurs investissements écologiques.

                 D’après Nicholas Stern les techniques de capture et séquestration du CO2 (CCS) nécessiteraient un cours de 50 dollars la tonne ce CO2 pour être viables. Si les politiques veulent voir un jour émerger ces technologies sans puiser de nouvelles subventions dans les caisses il faudra bien un jour donner un prix au CO2 qui s’affranchira de toute spéculation.

Le 20 Janvier 2009.

Commentaires

6 réponses à “Le mode de cotation des droits d’émissions de CO2 en Europe est incompatible avec une politique écologique responsable”

  1. Avatar de Frans Grunchard
    Frans Grunchard

    Il faudrait d’autres références que ce fameux rapport Stern, la seule étude citée ici et ailleurs, alors que ses choix économiques (notamment l’utilisation d’un taux d’actualisation extrêmement bas de 1,4 % , choisi pour des raisons éthiques et non rationnelles) ont été fort contestés.
    Voir par exemple l’analyse du Rapport Stern par C Desjarlais, page 13 « Commentaires de Tol et Nordhaus » http://www.ouranos.ca/media/publication/11_Rapport_Desjarlais_economie_2007.pdf et le résumé EurActiv http://www.euractiv.com/fr/changement-climatique/aspects-economiques-changement-climatique/article-163129

  2. Avatar de Raymond Bonnaterre

    Je ne vois pas très bien comment rentrer dans des subtilités de calculs financiers alors qu’on ne sait même pas définir un procédé complexe qui, opérationnel dans 10 ou 20 ans, dépendra de la nature des gaz à purifier, des procédés de capture du CO2 utilisés, de l’éloignement et de la nature du lieu de séquestration choisi qui détermineront le montant des investissements.
    50 dollars ou 50 euros par tonne de CO2 me semblent réalistes. Ce procédé en sortie d’une centrale électrique consommera 10 à 20 % de l’énergie produite, les prix de cette énergie seront donc un paramètre du premier ordre. Que seront-ils alors?
    Ce que l’on sait c’est que StatoilHydro a installé la plateforme Sleipner de capture du CO2 du gaz naturel sous la pression d’une menace de payer 50$ la tonne de CO2 de la part du gouvernement norvégien.LIRE:
    http://www.leblogenergie.com/2008/04/statoilhydro-la.html
    Dans le gisement de gaz de la Sonatrach, de Salah en Algérie le coût de la capture et de la séquestration serait de 14 dollars la tonne de CO2. Mais à combien est évalué le prix du gaz local consommé qui fournit l’énergie au procédé?

  3. Avatar de atryu

    Le cour suit l’offre et la demande.
    C’est l’Europe qui fixe les quotas de CO2 par pays, et fixe donc la demande, puisque les industriels qui font trop de CO2, par rapport à ces quotas doivent acheter des tickets sur les marchés, des « droits à émettre », tandis que ceux qui ont produit moins de CO2 que leur quotas peuvent les vendre.
    Donc si le cour du CO2 chute c’est tout simplement parce que de plus en plus d’industriel sont en dessous de leur quotas (ce qui est positif)
    Ce qu’il faut revoir, ce n’est pas le cour du CO2, mais les quotas justement, qu’ils soient de nouveau ambitieux pour les industriels, de sorte que naturellement le prix de la tonne réaugmente et pousse les industriels à investir dans des technologies de réduction.
    Mais intervenir sur le cour de la tonne directement, ce n’est pas directement possible, dans le cadre actuel, tel qu’il a été défini.

  4. Avatar de Raymond Bonnaterre

    Je suis tout à fait d’accord et c’est bien pour ça que je condamne le système en place. Il faut remplacer ce marché du CO2 européen bancal et trop étroit par des enchères publiques avec des cours planchers. Un marché qui s’effondre quand la spéculation s’éloigne (exemple celui du WTI à New York) n’est pas un marché sain, il conduit aux pires idioties.

  5. Avatar de Phil02
    Phil02

    Cependant des pénalités existent en cas d’émissions excédentaires :
    40 euros/ tonne de dioyde de carbone (émissions 2005 à 2007)
    100 euros/tonne de dioyde de carbone (émissions 2008 à 2012). Cela devrait faire réfléchir les pollueurs si ceux-ci sont contrôlés et mis en demeure de payer immédiatement ces pénalités.
    Source filiale de la CDC Sagacarbon
    http://www.sagacarbon.com/marchefr.aspx

  6. Avatar de Raymond Bonnaterre

    Ces pénalités sont prévues si le pollueur n’achète pas les quotas nécessaires. Et nous parlons ici du prix DERISOIRE de ces quotas que tout pollueur émérite achète sans état d’âme.

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