La révolution électrique, une longue marche qui va en s’accélèrant

Michelinactivewheelb_2                      Pour quelle raison s’aperçoit-on subitement que l’électricité va être le vecteur énergétique majeur du XXIème siècle? Il me semble qu’il existe trois raisons essentielles qui répondent aux contraintes économiques et écologiques actuelles et futures. La première est la formidable liberté que l’électricité apporte dans le mix énergétique d’un pays isolé (le Japon) ou d’un groupe de pays (l’Europe, l’Amérique du Nord). Sous une forme standardisée, l’utilisateur dispose d’une source d’énergie qui provient d’une multitude de moyens de production fédérés entre eux par le réseau et les interconnexions. La politique énergétique de ce groupe de pays qu’est l’Europe par exemple, devrait définir quels seront à l’avenir les moyens de production standardisés à privilégier et ceux à faire disparaître. Elle devrait établir, après concertation, les plans définissant les volumes et les délais de construction de nouvelles centrales ou d’arrêt d’installations polluantes dans chacun des pays.

                     L’électricité est un vecteur énergétique fédérateur qui devrait être consolidé au niveau européen. Elle appelle la création d’une Politique Electrique Commune (PEC) qui permettrait, dans les faits, de bâtir par la suite une politique énergétique commune européenne. La deuxième raison est l’existence d’un formidable réseau de distribution qui peut arriver quasiment n’importe où et s’étendre peu à peu aux zones les plus démunies. L’arrivée de l’électricité formidable moyen de lutte contre la pauvreté et l’illettrisme. La puissance de ce réseau peut être décuplée par les moyens modernes de transfert à longue distance en courant continu et à faibles pertes en ligne (LIRE sur un réseau HVDC). Enfin la troisième raison est l’introduction de l’électricité dans toutes les formes du transport terrestre. Les transports ferroviaires et les transports de masse urbains l’avaient largement adoptée. Demain la voiture urbaine sera électrique et le véhicule destiné à parcourir de plus longues distances sera hybride et rechargeable. Les bus et les poids lourds seront également pourvus de moyens hybrides.

Le mix énergétique et l’interchangeabilité des sources d’énergie:

             Il semble tout d’abord nécessaire de briser une utopie: le XXIème siècle ne sera pas celui de l’Hydrogène trop difficile à produire, à stocker, à distribuer. Il introduit par rapport à la production et la distribution d’électricité un niveau de complexité et de rigidité supplémentaire dont on ne voit pas très bien les avantages. Cela ne doit pas empêcher les chercheurs d’évaluer les futurs moyens de réduction photochimiques et enzymatiques de l’eau pour les siècles suivants.

            La flexibilité dans le choix du mix énergétique est l’avantage majeur de l’électricité. De la centrale au lignite ou au charbon crachant ses tonnes de CO2 au subtil module solaire en couche mince, en passant par le gaz naturel, la biomasse, le nucléaire, l’éolien, la géothermie, l’hydroélectrique, le solaire thermique, les vagues, les courants, les marées…tout concourt vers une seule forme standardisée d’énergie: l’électricité. Ce tronc commun introduit une formidable flexibilité dans les choix, les politiques de mix énergétique et la nécessaire interchangeabilité des sources d’énergie. Il ne résout cependant pas tout et de loin, sur le choix des énergies primaires charbon, gaz naturel, pétrole, géothermie, biomasse et autres formes renouvelables. Voici quelques exemples:

              Les centrales au gaz en Europe peuvent être alimentées soit par du gaz russe (choix des allemands avec le futur pipe-line Nord Steam par exemple) ou par du GNL koweitien (choix des anglais avec leur nouveau terminal de regazéification de South Hook à Milford Haven) il y a là un choix politique évident entre un pays fondamentalement continental et celui d’un autre plus ouvert au grand large.

               Que la France décide de lancer deux ou trois EPR est sûrement une excellente décision, elle serait encore plus compréhensible si cette décision apparaissait dans le cadre d’une politique européenne de l’électricité qui aurait du mal à expliquer la fermeture programmée des centrales nucléaires allemandes (LIRE).

                 Cette démarche commune devrait permettre de standardiser les modes les plus efficaces et les moins polluants de conversion en énergie électrique pour chacune des énergies primaires. Quels doivent être les futurs standards de centrales au charbon, au gaz, nucléaires?

                  Par exemple, la production d’électricité à partir de charbon ou de lignite par la technique IGCC (Integrated Gasification Combined Cycle) couplée à la capture et séquestration du CO2 est le procédé qui présentant un rendement énergétique élevé et de faibles émissions de CO2 devra peu à peu s’imposer dans le monde (LIRE le projet RWE). Mais cela suppose une vraie politique d’investissements dans la construction de centrales électriques modernes et de démantèlement des vieilles unités polluantes (LIRE sur l’urgence de démanteler des centrales).

La puissance d’un réseau au maillage complexe:

                  La force d’un réseau moderne qui relie les sites de production aux métropoles utilisatrices, qui interconnecte et rendent solidaires les Etats illustre la puissance de ce vecteur énergétique. Mais ce réseau possède d’autres vertus. Il peut permettre par exemple à une maison équipée de modules solaires et d’une batterie en tampon de devenir à la fois consommatrice et productrice d’énergie. Cette nouvelle fonction associée aux progrès dans l’isolation thermique et le conditionnement d’air actif ou passif implique une généralisation progressive du chauffage et du rafraîchissement électrique des habitations. La prime à la cuve de mazout, mesure démagogique d’un autre âge, n’aura alors plus de sens. Le chauffage au gaz, source de tant d’accidents mortels par explosion ou par intoxication au monoxyde de carbone, sera remisé dans les traditions d’antan avec le bec de gaz qui éclairait nos villes. Des compteurs électriques intelligents (smart mettering) reliés à la gestion des réseaux permettront de mettre en charge le véhicule électrique dans le garage au moment le plus opportun ou demanderont à la batterie en tampon de prendre le relais de fourniture de puissance électrique durant quelques dizaines de minutes pour effacer une pointe locale d’appel de puissance.

L’électricité source d’énergie du transport terrestre:

                  Ce thème est largement débattu sur ce Blog. Ce qui est le plus étonnant c’est l’ignorance de ceux qui nous gouvernent en face de ce phénomène de grande ampleur. Ils voient que des dinosaures comme General Motors ou Ford ou Chrysler complètement largués vont disparaître. En face des ces catastrophes industrielles annoncées apparaissent des Toyota, des Honda mais aussi des Nissan, des Mitsubishi Motors, des BYD, des Hyundai qui elles ont compris l’apparition de la nouvelle ère électrique des transports. C’est bien sûr une révolution puisque les connaissances dans les moteurs et la chaîne de transmission ne servent plus à rien. Il faut être expert en batteries, en électronique de puissance, en logique de gestion des diverses fonctions, en intégration de l’ensemble et en recherche incessante de l’optimisation énergétique. L’intégration de modules solaires sur le véhicule, la récupération de l’énergie thermique sur les modèles hybrides par effet thermoélectrique sont d’autres exemples de recherche d’amélioration de l’efficacité énergétique. L’Active Wheel de Michelin (FIG.) qui intègre le roulement, le freinage, le moteur électrique et la fonction amortisseur illustre parfaitement le niveau d’innovation attendu (LIRE).

                  La révolution électrique ne se fait pas aux réunions du G20 ni dans les grandes messes du style Grenelle de l’Environnement, hauts lieux d’incompétence. Elle se fait dans les bureaux d’études asiatiques où des ingénieurs, travaillant 60 heures par semaine, imaginent l’avenir, ou des millions d’heures d’essais, de recherches, d’optimisation des paramètres, de discussions avec les sous-traitants font apparaître une nouvelle filière technologique, totalement différente de l’ancienne.

                  Alors Monsieur Luc Chatel parle de coordination, de « consortiums » pour travailler sur les batteries et les motorisations des futurs véhicules électriques. Ce n’est pas de cela dont notre pays à besoin. C’est de lui redonner la liberté d’innover et de créer. Peugeot va aller acheter ses voitures électriques au Japon, Monsieur Chatel, demandez donc à Peugeot d’analyser et de vous expliquer les causes de ses échecs successifs sur le véhicule électrique depuis 20 ans. Il y en a eu cependant des organismes et des consortiums d’Etat en charge du sponsoring de ces programmes avortés. Alors que peut apporter un programme de plus si le constructeur de véhicules, par définition leader du programme, ne veut pas prendre son avenir en mains et désire en rester à l’économique batterie au plomb et au moteur diésel?

Le 9 avril 2009

Commentaires

4 réponses à “La révolution électrique, une longue marche qui va en s’accélèrant”

  1. Avatar de Olivier
    Olivier

    Bel article, qui résume évidement ce que seront les voitures de demain et l’Asie qui y travaille.

  2. Avatar de JP
    JP

    Bonne synthèse.
    je rajouterai un point dans la liste des avantages de la standardisation de l’énergie réalisée avec l’électricité:
    du fait de la substituabilité des sources d’énergie, la concurrence entre fournisseurs sera bien plus effective qu’elle ne peut l’être entre, par exemple, les quelques membres de l’oligopole qui distribue le pétrole en France.

  3. Avatar de Abdel
    Abdel

    vous allez vous présenter aux européennes ou vous avez déjà signer avec une autre administration 🙂

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