Devant la débâcle industrielle et financière déclenchée par la crise, les grands Groupes japonais, après avoir rajeuni leur management, sont en train de remettre en cause en profondeur leurs choix industriels et parfois même leurs modèles économiques. Les informations de la semaine nous présentent deux exemples marquants de ces types de remises en questions fondamentales: l’un venant de Toyota et l’autre concernant Sharp.
Toyota veut produire en petites séries des produits économiques et adaptables:
Un des grands patrons industriels de Toyota, Shoji Ikawa, a présenté au salon Intermold 2009 à Tokyo un papier intitulé « Time of drastic changes » dans lequel il place les actions de conception de produits, d’industrialisation, de logistique et de production dans le cadre d’un marché mondial globalement en récession, éminemment fluctuant et privilégiant les modèles économiques. Ikawa en déduit que Toyota va devoir concevoir des outils de production et des produits modifiables, anticipant les besoins du marché ou s’adaptant très rapidement à une nouvelle mode, produits en petites séries et à faibles coûts. Bien sûr tout cela dans le cadre d’une politique de lancement « simultané et global » sur les grands marchés mondiaux. Cela suppose de repenser l’architecture des produits, sortes de puzzle industriel acceptant de très nombreuses variantes au gré des besoins du Marché. Cela suppose également une grande adaptabilité de la part des sous-traitants. Vaste programme!
Sharp veut créer des JV de production dans les écrans plats et les modules solaires:
Le second exemple nous vient de Sharp et s’avère encore plus révolutionnaire. Pour Sharp le modèle de conception et de production intégrée des écrans plats LCD ou des modules photovoltaïques « made in Japan » et exportés n’est plus viable car trop sensible aux risques de changes monétaires et aux charges salariales japonaises. Sharp envisage donc de changer radicalement de business model. Il veut s’orienter vers un business d’ingénierie à destination de joint-ventures locales, le partenaire local apportant l’essentiel des capitaux et Sharp apportant la définition du produit, la technologie et la façon de faire. Dans ce schéma, Sharp se rétribue sur les royalties et les profits de la filiale. Cette nouvelle stratégie industrielle suppose que Sharp conserve un centre névralgique japonais d’innovation, de conception et de développement de nouveaux produits leaders, mais que les usines sont en Chine, en Corée, en Europe ou aux Etats-Unis en joint venture avec des acteurs locaux.
Le grand projet de Sharp de production de modules photovoltaïques, en technologie couches minces, en Italie avec Enel pourrait correspondre exactement à ce nouveau schéma.
Le Japon qui va être confronté dans les années qui viennent à une forte réduction de sa population active (LIRE) va devoir consacrer plus d’énergie au service des personnes âgées et va donc se retrouver en pénurie de main d’oeuvre peu qualifiée pour faire tourner ses usines. Une délocalisation de ses productions semble donc inéluctable. Tout le jeu consiste à conserver localement les activités d’innovation et de développement à forte valeur ajoutée.
Le 11 Avril 2009.
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