La France dans le domaine de l’énergie a connu un binôme de génie, célèbre auprès de toutes et de tous, je veux parler de Chaffotaux & Maury dont la mémoire hante nos cuisines ou nos salles de bain. Maintenant il faut que notre Nation se familiarise avec un nouveau binôme parlementaire, attelage hors du commun d’un Socialiste et d’un UMP, Christian Bataille et Claude Birraux respectivement rapporteur et président de l’OPECST (Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques). MM Bataille & Birraux se sont attaqués à une tâche gigantesque et c’est tout à leur honneur, qui consiste à faire le point sur tous les travaux dans le domaine de l’énergie en France, de les comparer à ce qui se fait à l’étranger et d’en déduire des recommandations d’orientations des politiques, d’ordre parlementaire ou administratif concernant ces travaux. Leurs études se traduisent par des propositions sur les aides financières, les textes législatifs ou règlementaires, les choix d’organisations et d’actions des équipes reportant à des organismes relevant de l’Etat, comme les Laboratoires universitaires, le CNRS ou le CEA. Vaste programme!
Parmi les mille et un sujets traités les Députés abordent, dans une partie du rapport daté du 3 Mars 2009, celui du stockage et de la séquestration du CO2 avec un très fort a priori d’hostilité à ces projets.
Leur approche de Députés est bien sûr nationale. La France ne génère que très peu de CO2 avec son parc électronucléaire elle ne doit donc pas aider les recherches sur le CCS qui ne peut qu’encourager à brûler plus de charbon, telle est en substance la conclusion des auteurs. Par contre leur réflexion les conduit, par analogie lointaine avec les problèmes posés par les déchets radioactifs, à préconiser une recherche chimique de valorisation du CO2, ce qui vous l’avouerez est un peu en contradiction avec la première partie de la proposition.
Ce qui apparaît de plus étonnant dans leur approche logique, c’est qu’à aucun moment leur regard ne se soit porté au niveau de l’Europe. Ils auraient alors découvert que cet ensemble politique dont la France fait partie intégrante, émet annuellement des milliards de tonnes de CO2 et que cela pose problème. Ils auraient alors étudié le cas des entreprises qui travaillent dans le CCS, comme Alstom ou Total, comme des entreprises européennes et, j’en suis persuadé, auraient modulé leur message. Lorsque Alstom va moderniser la centrale de Belchatow en Pologne, une des centrales les plus polluantes d’Europe, et propose à la Direction de cette Unité de travailler à moyen terme sur le CCS avec Dow Chemical peut-on appeler cela de « l’exportation » terme utilisé par les auteurs?
Pour ma part, en tant que contribuable lambda, je suis tout à fait favorable à ce que mon pays aide les industries françaises à être plus performantes dans le traitement des rejets de CO2, même si l’essentiel de leurs actions doit par la suite se dérouler ailleurs qu’en France. Ce sentiment pourtant de bon sens, ne semble pas être partagé par ces parlementaires.
En fait il faudrait que Bataille et Birraux revoient simplement la partie de leur exposé sur ce sujet en structurant l’approche de façon fonctionnelle: la capture du CO2 puis le stockage et enfin la valorisation éventuelle.
1) – La capture du CO2
Allons messieurs B&B que vous vouliez stocker ou valoriser ce CO2 il faut bien le capter et l’isoler! C’est une fonction incontournable quel que soit votre choix ultérieur. Pensez-vous, par ailleurs, qu’à partir de 2020 Alstom pourra vendre la moindre centrale dans le monde, qu’elle soit au charbon ou au gaz, si elle n’est pas équipée d’une unité de capture de CO2? Ne pas accompagner cette mutation technologique c’est condamner une entreprise qui, vous le savez M Birraux, est très chère à notre bien-aimé Président et à un certain nombre de personnes qui y travaillent. Enfin parmi les contre-vérités inévitables que contient votre rapport on peut lire à propos de l’encouragement au progrès technique: « Le contenu technologique du dispositif de captage et de stockage du gaz carbonique est limité, puisqu’il repose en partie déjà sur des procédés bien maîtrisés« ! Etes-vous bien sérieux en écrivant de telles âneries? Le DOE estime que la technologie sera maîtrisée en 2020! Le procédé d’Alstom à l’ammoniac n’en est qu’à ses balbutiements préindustriels, de nouveaux solvants du CO2 restent à définir et à valider en tenant compte de l’optimisation énergétique et de leur stabilité chimique. Vous avouez avec une grande naïveté que lors de votre voyage au Japon: » Ce qui était frappant dans les échanges sur le sujet avec nos interlocuteur japonais, c’est qu’ils étaient plus diserts sur le captage que sur le stockage. Tout se passait pour eux comme si le stockage n’était pas une question à l’ordre du jour. » Effectivement Mitsubishi Heavy Industries est un leader mondial du captage du CO2, mis au point dans ses unités de production d’urée, et il vendra ses centrales thermiques à flamme avec la fonction capture, quand à la séquestration ce sera le problème local de son client et des géologues. La capture du CO2 est la part la plus délicate et la plus chère. Celui qui la maîtrisera à moindre coût, sera incontournable comme acteur au sein du procédé global.
2) – La séquestration
C’est sûrement, aujourd’hui, le moyen le moins cher pour se débarrasser du CO2 une fois qu’on l’a produit et isolé. On pourra l’utiliser pour extraire plus de pétrole et de gaz des gisements (Enhanced Oil Recovery ou EOR), on pourra l’enfouir dans diverses formations géologiques ou le faire réagir de façon irréversibles sur des roches alcalines ultramafiques (olivine, serpentine). Les premiers essais d’enfouissement en vraie grandeur sur plusieurs années, comme à Sleipner dans une nappe acquifère, semblent bien se passer. Je ne vois pas ce que vient faire dans le débat l’accident du lac Nyos au Cameroun qui est évoqué, sinon par une certaine volonté de filer la pétoche au lecteur. Je pense que le vrai danger vient d’ailleurs, de la Chine par exemple dont les auteurs ne parlent pas dans leur rapport et dont les émissions de CO2 sont largement supérieures à celles du Cameroun.
3) La valorisation:
Le CO2 est malheureusement la forme oxydée la plus stable du Carbone et vouloir le réduire coûtera très cher. Certains proposent d’aller jusqu’au méthanol ou au DME, mais il faut 6 électrons ou 3 molécules d’hydrogène pour y arriver (TAB.). Il faut avoir de l’hydrogène en trop. La chimie du CO2 peut amuser beaucoup de laboratoires, mais il n’est pas certain que ce soit un axe à prioriser de nos jours.
Il est certain que quel que soit le chemin choisi pour éliminer le CO2, le coût du GWh produit à partir de charbon sera plus cher: « …le DOE estime qu’en l’état de l’art, le prix de de l’électricité produite à partir de charbon serait doublé. … le financement de la recherche puis de l’implantation des systèmes de captage et stockage aura un effet de restriction du pouvoir d’achat freinant la demande. » Tiens, c’était l’opinion du Président Bush et de son Vice-president Cheney! Comme quoi les poncifs ont la vie dure.
Mais, Messieurs les Parlementaires studieux, ne faut-il pas inscrire ce mouvement dans un renchérissement global des diverses formes d’énergies qui sera largement compensé par la réduction des gaspillages, surtout sur le territoire américain évoqué ici? La donne d’une énergie peu chère ne sera plus de mode, alors l’économie en gaspillera moins. Le gisement du gaspillage de l’énergie est immense.
Remarque sur les droits d’émissions de CO2: les auteurs émettent une prévision qui semble de bon sens sur l’évolution des cours du CO2 dans le futur. Moins l’industrie produira de CO2 et moins elle aura à acheter de droits d’émissions. Donc les cours du CO2 doivent structurellement baisser. Oui bien sûr, mais dans plusieurs siècles. Entre temps ce système débile de cotation, largement ouvert à la spéculation, aura été abandonné au profit d’un système à prix fixe ou encadré. Quel que soit le système, émettre du CO2 devra avoir un coût et le plus probable est que ce coût ira en croissant dans les décennies à venir.
LIRE le rapport parlementaire du 3 Mars 2009.
LIRE une approche du marché mondial du CCS
Le 18 Avril 2009.
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