Du gaz au liquide par la méthode japonaise: un exemple de management de projet sur plus d’une décennie

                      Les personnalités éminentes en charge de la rénovation de la recherche et de l’innovation en France sont tous à la recherche de modèles d’organisations et de méthodologies qui permettraient de sortir notre pays de sa somnolence intellectuelle et de son indolence créatrice. Bien sûr il y a l’exemple japonais mais qui est généralement rejeté parce que « trop éloigné de notre culture »! Comme s’il y avait plusieurs méthodes pour élaborer un bon cahier des charges, pour imaginer les solutions, étudier et valider leur faisabilité, réaliser des pilotes ou des maquettes et pour passer en phase d’industrialisation. Dans les faits il n’y a qu’une méthode, utilisée par ceux qui réussissent, japonais ou monégasques, elle repose sur la bonne formulation des problèmes, de la persévérance dans l’action, du travail en équipe et d’une planification réaliste.

                      Je voudrais prendre ici un exemple qui peut sembler trivial puisque déjà largement traité par des industriels prestigieux somme Sasol, Shell, Exxon Mobil, Conoco-Phillips et BP. Cet exemple mené à bien par l’Industrie japonaise est le suivant: comment transformer du gaz naturel sorti du puits de forage en produits pétroliers (carburants) de la façon la plus simple et donc la plus économique possible?

Japan-syngas-FT-plant 

Le cahier des charges:

                      En 1998 la Japan National Oil Corporation est partie d’un problème pratique simple: comment réaliser un « syngas » mélange de base des réactions de Fischer-Tropsch (FT) à partir de gaz naturels riches en CO2 qui sont largement disponibles en Indonésie par exemple. Pour valoriser ces gaz il ne faut pas éliminer le CO2, utiliser l’oxygène qu’il contient et se dispenser donc de produire de l’oxygène et à y être ne pas être obligé de rajouter d’hydrogène pour obtenir un syngas de composition exacte CO + 2H2 qui permettra lors de la synthèse FT de créer les chaines aliphatiques -CH2-CH2-CH2- avec formation d’une molécule d’eau pour chaque maille élémentaire  -CH2- formée. Le cahier des charges est donc clairement défini dès 1998:

Développer un procédé GTL utilisant des gaz naturels riches en CO2  1) sans éliminer le CO2, 2) sans ajout d’oxygène, 3) sans ajout d’hydrogène, avec formation directe de syngas, puis réaction de Fischer Tropsch suivie d’une étape d’hydrocracking qui conduira au mélange de produits désirés (FIG.II).

Japan-syngas-FT-flow 

                   La théorie montrant que la combinaison de deux réactions l’une de réduction du CO2, forme la plus oxydée du carbone, par du CH4, forme la plus réduite, en monoxyde de carbone et hydrogène (FIG.III, réaction a) et l’autre qui est la réaction classique de réduction de l’eau par le CH4 (FIG.III, réaction b) peuvent conduire avec les catalyseurs qui vont bien et sous faible pression, au mélange de monoxyde de carbone et d’hydrogène dans les proportions voulues, à savoir 2 moles d’hydrogène pour une mole de CO.

Japan-syngas-FT-reaction 

Cette réaction demande au moins 25% de CO2 dans le gaz naturel utilisé, dans les faits l’optimum, avec un léger excès de CO2, est aux environs de 30%.

L’organisation japonaise:

                    Les Japonais ont créé un pool d’entreprises intéressées par ce projet constitué de Japan Petroleum Exploration, Chiyoda (pour les catalyseurs), Cosmo Oil, Nippon Steel et Inpex côté entreprises privées ainsi que du JOGMEC (Japan Oil Gas and Metal National Corporation) côté  organisation d’Etat qui a pris en compte le pilotage du projet. Chaque grande étape du projet a été réalisée soit de façon concertée, soit avec l’un ou l’autre des membres du pool en fonction de ses compétences. Inpex a étudié les possibilités de développement de certains champs gaziers, Chiyoda a formulé et optimisé les catalyseurs, Japex a réalisé certains essais, etc. Chacun à amené son expertise dans un domaine de compétence.

Les grandes étapes du déroulement du projet:

                 Les études de faisabilité, outre les études économiques, ont beaucoup porté sur la mise au point des catalyseurs de production de syngas et sur leur validation sur un réacteur pilote jusqu’en 2004.

                 A partir de 2005 une usine de démonstration a été mise en étude et lancée en réalisation (FIG.I) Elle vient d’être inaugurée en grandes pompes à Niigata. Cette unité est capable de produire 500 barils par jour de produits pétroliers. Elle peut utiliser des gaz naturels comprenant entre 20% et 40% de CO2. C’est avec elle que le consortium va pouvoir valider des solutions industrielles.

                   Le prochain objectif est de réaliser une grande unité industrielle de 30 mille barils par jour à proximité d’un gisement de gaz riche en CO2. Mais pour cela ce seront les industriels du pool qui prendront la main.

                  Cet exemple qui mériterait d’être approfondi, montre comment à partir d’un concept réputé largement étudié, en partant de données du terrain (certains gaz naturels sont riches en CO2) une équipe d’industriels rassemblés autour d’un organisme ad’hoc peuvent remettre en cause les données établies et conduire à un procédé beaucoup plus épuré que ses prédecesseurs. Nul doute que le procédé GTL japonais va intéresser de nombreux propriétaires de gisements de gaz riches en CO2. 

                  Et pourtant, Messieurs les députés Bataille & Birraux les Japonais n’ont pas dans leur sol de gisements de cette sorte. Mais ils ont des idées et leur zone d’action c’est le monde entier!

                  Remarque pour nos deux députés en recherche de compréhension de la science: mélanger du CO2 et de l’eau, même dans un four solaire des Sandia Labs, n’a jamais conduit à un mélange CO + H2, il est nécessaire de rajouter autre chose, plutôt réducteur. Vous en avez un exemple ici!

Le 19 Avril 2009

Commentaires

9 réponses à “Du gaz au liquide par la méthode japonaise: un exemple de management de projet sur plus d’une décennie”

  1. Avatar de JP
    JP

    Je suis consterné.
    Encore une fois, voila un projet qui aboutira à construire une vraie usine à gaz.

  2. Avatar de ray
    ray

    Ce sont des procédés qui vont favoriser la substituabilité des sources d’énergies et qui fera prendre dans la hiérachie des sources primaires d’énergie, la première place au gaz naturel aux dépens du pétrole, dans une décennie ou deux. L’évolution du mix énergétique mondial ira vers plus de gaz et moins de pétrole et, il faut l’espérer, à besoin énergétique constant ou légèrement décroissant. Si vous voyez une autre issue JP faites la vite connaître!

  3. Avatar de JP
    JP

    Je suis réellement consterné, pour de vrai cette fois.
    Je n’avais fait rien d’autre qu’un jeu de mot énorme, limite stupide, et vous l’avez lu au premier degré.

  4. Avatar de Arlie jean-pierre
    Arlie jean-pierre

    Avant de consulter la biblio japonaise, je vous conseille de mieux consulter les données françaises et d’ arrêter de critiquer sans savoir la recherche européenne.L’ Institut Français du Pétrole s’est associé à l’ ENI(Italie) en 2001 pour développer un procédé commun GTL(Gas to liquid)via la réaction Fischer -Tropsch.Ce développement industiel a reçu le soutien d’ Eureka.Ce projet débouche actuellment sur l’ industrialisation.Consultez pour plus d’ infos: Oil and Gas Science and Technology-Rev.IFP,vol.64(2009)

  5. Avatar de ray
    ray

    Je n’ai cité que les procédés largement reconnus. Plein d’autres industries ou laboratoires pétrochimiques dans le monde ont des connaissances sur le procédé Fischer-Tropsch. Je ne doute pas qu’ENI est très compétente sur le sujet, surtout avec l’aide d’IFP/Axens. Mais l’objectif n’était pas de faire un exposé exhaustif sur le procédé F-T que je suis incapable de faire.
    Par contre je ne pense pas que le procédé dont vous parlez ait pensé à valoriser le CO2 présent dans le gaz naturel, ce que font les Japonais et qui a motivé ce papier. Mais peut-être ne l’avez-vous pas bien lu?

  6. Avatar de Arlie jean-pierre
    Arlie jean-pierre

    J’ ai très bien lu .L’ industrialisation de ce procédé FT ex gaz nat a été réalisée il y a plus de 10 ans par Shell à Bintulu(Malaysie).L’ économie de cette techno dépend du prix du gaz nat.qui doit tourner autour de 0,5€MMBTU,donc du gaz dit « remote area ».ENI/IFP ont bien pensé CO2 mais il y a mieux à faire que l’ usine à gaz japonaise.

  7. Avatar de ray
    ray

    Utiliser le CO2 me semble être un point clé pour un procédé moderne GTL de type Fischer-Tropsch. Les solutions actuelles d’exploitation des gisements de gaz qui larguent le CO2 dans l’azur ne sont pas des solutions d’avenir. L’autre alternative comme à Sleipner, In Salah ou autres Snohvit repose sur la capture et la séquestration qui ne sont pas gratuites.
    En ce qui concerne le procédé Shell, que ce soit en Malaisie ou au Qatar, je n’ai lu nulle part qu’il utilisait le CO2 des gaz. Mais son procédé est bien décrit de façon traditionnelle avec une unité de production d’oxygène.
    Je demeure donc persuadé, malgré vos arguments peu convaincants, que le procédé japonais décrit ici constitue un progrès technologique important. Je n’imagine pas une telle équipe japonaise ne faire qu’une pâle copie de procédés existants et recopiés à plusieurs exemplaires par diverses équipes dans le monde.

  8. […] de nature à valoriser des gisements de gaz naturel riches en CO2 comme le montrent des essais sur équipements pilotes au Japon. Le CO2 combiné au méthane, pourra devenir un part des ressources de procédés […]

  9. Avatar de Raymond Bonnaterre
    Raymond Bonnaterre

    Tiens, voilà Linde qui s’y met aussi, grande tradition allemande que le gaz à l’eau.

    Auraient-ils enfin décelé l’intérêt du procédé?

    http://www.greencarcongress.com/2015/10/20151016-lpr.html

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