Un gaz naturel aux prix bradés à mois de 3.5 dollars par MMBTU, des méthaniers géants en manque de clients en Europe qui viennent vider leur chargement de GNL dans les terminaux de regazéification de Louisiane ou du Texas, un Qatar qui a surinvesti en moyens de liquéfaction et de transport, en ces périodes de crise. Tout milite pour que le gaz naturel devienne la ressource énergétique de base des centrales électriques américaines. C’est l’analyse qu’en fait l’analyste Michael Zenckler, de Barclay’s Capital, qui prévoit que 6000 MW de puissance électrique vont basculer cette année, du charbon vers le gaz. Sur le papier ce sont 16000 MW qui pourraient basculer, le principal frein étant les contrats à long terme d’approvisionnement en charbon établis entre les grands électriciens et les Groupes miniers.
Mais la politique de « Cap and Trade » des émissions de CO2 souhaitée par le Président et en préparation au Congrès américain va venir tôt ou tard pénaliser le charbon américain et donc avantager les énergies primaires concurrentes. Pour Guy Caruso, l’ancien patron de l’Energy Information Administration, fraîchement débarqué avec l’arrivée d’Obama, la mise en place d’un dispositif de taxe des émissions de CO2 pourrait faire passer la part du charbon dans la génération d’électricité américaine de 50% à moins de 40%. Cette baisse de génération d’électricité par le charbon serait essentiellement remplacée par le gaz et le nucléaire, les énergies renouvelables n’ayant pas la capacité de prendre le relai.
Que faut-il penser de ce point de vue qui a été largement repris par les médias américains?
Tout d’abord il faut souligner que le principal handicap des énergies renouvelables aux Etats-Unis c’est l’acheminement du courant des zones de productions vers les zones urbaines de consommation. Des milliers de MW éoliens ou solaires en projets attendent la mise en place d’une ligne électrique qui permettra d’évacuer la puissance électrique produite. Or la mise en place des infrastructures ad’ hoc va demander de promulguer de nouvelles lois fédérales adaptées à ce problème, elle va se heurter à des oppositions les plus diverses et des conflits d’intérêts, ce sont donc des années qui seront nécessaires pour instruire les projets, les financer et lancer leur réalisation. Ce point milite donc pour conforter le point de vue de Caruso.
En ce qui concerne l’énergie nucléaire, c’est le silence radio le plus complet de la part de l’Administration en place. Le sujet semble être tabou. Le Président est contre, l’opinion publique est majoritairement pour, alors on la ferme! C’est le Sénateur Lamar Alexander du Tennessee qui vient mettre les pieds dans le plat: « Si les Démocrates veulent parler d’énergie, de changement climatique et de la qualité de l’air ils devraient promouvoir l’énergie nucléaire américaine en la mettant au centre, en première ligne…mais au lieu de cela, ils répondent au problème en termes de milliards de subventions pour les énergies renouvelables…Quand les Républicains préconisent de construire 100 nouvelles centrales nucléaires dans les 20 ans à venir, leur réponse est qu’il n’y a pas la place pour stocker les déchets…Nous répondons mais recyclez donc les déchets, comme cela se fait en France! La réponse est alors: « Non, nous ne pouvons pas »! ». L’avenir de l’énergie nucléaire américaine semble pour l’instant très incertain. Il est cependant une évidence, les Etats-Unis ne peuvent pas se laisser distancer dans le nucléaire par le Japon ou l’Europe. Il faudra bien qu’Obama promulgue, tôt ou tard, un programme minimum de survie de cette industrie.
Au nucléaire près, l’opinion de Caruso semble donc évidente: l’abandon d’une partie de la génération de l’électricité au charbon aux Etats-Unis se fera au profit du gaz. Les nouvelles centrales à cycles combinés avec des rendements frisant les 60% sont de formidables outils pour réduire par trois les émanations de CO2 des vieilles centrales au charbon des années 50. Elles permettent de supprimer également les rejets en divers polluants et les cendres toxiques des centrales au charbon. Heureux américains!
Vouloir faire la révolution dans un domaine aussi complexe que l’énergie dans un Etat Fedéral complexe est sûrement une erreur fondamentale que sont en train de commettre Obama et ses conseillers. Mais quel que soit le nouveau métier que l’on entreprend dans la vie, de l’artisan à l’ingénieur ou au Président des Etats-Unis, ne faut-il pas quatre ou cinq ans de pratique et d’échecs pour en posséder toutes les ficelles?
Le 3 Mai 2009.
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