Après avoir précisé certains ordres de grandeurs, banni une utilisation abusive des puissances installées, envisagé certaines hypothèses d’évolution des prix des produits énergétiques, il semble utile de regarder l’impact d’une donnée de base de l’équation qui déterminera la future consommation d’énergie dans le monde: la démographie et son évolution quantitative et qualitative. Il a été déjà souligné ici combien était erronée la démarche d’un Exxon Mobil et de bien d’autres officines qui, prenant en compte les prévisions de croissance de la population mondiale d’ici à 2030, en déduisent une croissance inéluctable de la consommation de pétrole. Ces analyses à la serpe qui ont une apparente évidence, ne valent pas en fait grand-chose, car elles oublient de dire qu’en même temps la population des pays les plus riches de la planète va croître lentement et surtout vieillir (LIRE cette étude).
FIG.I : le parc automobile japonais va fortement décroître dans les décennies à venir en raison de la baisse de la population active.
Pour illustrer cette régression numérique de certains pays les plus riches il est intéressant d’examiner le cas du Japon qui est le pays le plus en avance démographiquement et sûrement un des plus avancés dans le phénomène mondial, appelé par certains « la deuxième transition démographique » et qui voit les comportements des nouvelles générations chambouler complètement la donne sociologique, politique et économique dont le témoignage le plus éclatant a été la récente et brillante élection du Président Obama.
Un sondage conduit l’an dernier pour le Nihon Keisai Shimbun auprès de 1700 jeunes japonais âgés de 20 à 30 ans avait révélé que 25% seulement d’entre eux désiraient posséder une voiture, ils étaient 48% en 2000. Le désintérêt des jeunes générations pour la bagnole est profond et son évolution a été très rapide. Ce n’est pas la crise qui délie le consommateur de l’obligation d’acheter ou de renouveler sa voiture mais l’inverse, c’est le désintérêt du consommateur pour son véhicule qui engendre la crise économique. C’est la conjonction d’une crise financière mondiale et d’un chamboulement profond des comportements économiques des nouvelles générations, plus sensibles aux menaces écologiques, plus attachées à leur bien-être, moins bling-bling dirait-on familièrement, qui est la cause du marasme économique actuel. L’offre de produits ne correspond plus a une demande qui a trop rapidement évolué. Il y a dans ce hors-jeu marketing et commercial une raison profonde de la crise actuelle. L’industrie de la voiture est la vitrine exemplaire de ce phénomène, le désamour du consommateur pour les marques, au profit de produits plus bruts, moins sophistiqués, supposés plus naturels, en est une autre illustration.
Les démographes des Nations Unies nous indiquent que la population nippone est passée par un maximum à 127 millions d’habitants autour de 2005 et qu’elle va régresser vers les 120 millions en 2025 et les 100 millions autour de 2050 (FIG.II). Mais de façon encore plus nette, la population active des 15-64 ans a déjà connu son maximum en 1995 à 87 millions d’habitants, elle est à 82 millions cette année et elle descendra à 70 millions un peu après 2025. La population active va baisser plus vite que la population globale en raison du vieillissement.
FIG.II : la population du Japon est passée par un maximum en 2005 et va décroître. La population active, en raison du vieillissement, a connu ce maximum dés 1995 et connait une forte décroissance.
Pour mesurer la propension à consommer du véhicule à moteur des Japonais il est intéressant de rapporter la taille du parc automobile publié chaque année par la JAMA (Japan Automobile Manufacturers Association) au nombre de personnes actives. La courbe obtenue depuis 1990 et en faisant une hypothèse raisonnable de baisse du parc auto en 2008 de 124 mille véhicules à 57,5 millions d’unités, montre que ce ratio tend à se stabiliser aux environs de 0,7 voiture par personne active. Un tel ratio dans une Société fondamentalement urbaine, dont la possession d’une voiture est fortement taxée, qui le plus souvent nécessite de justifier d’un garage, société endettée par des emprunts immobiliers à très longue échéance, ne possédant au mieux que d’une voiture par foyer est tout à fait justifié.
FIG.III : le nombre de voitures constituant le parc automobile japonais divisé par la population active se stabilise aux environs de 0,7.
En supposant que ce ratio va peu varier dans les années à venir, tiré vers le bas par l’arrivée des nouvelles générations et tiré vers le haut par les nouvelles offres marketing de voitures hybrides ou électriques de types « Smart and Green », il est possible d’évaluer une évolution moyenne du parc automobile japonais dans les décennies à venir. Ce parc auto proportionnel à la population active va donc régresser rapidement (FIG.I).
Il est donc possible de pronostiquer que les consommations de pétrole du Japon qui est de l’ordre de 4,8 millions de barils/jour, supérieur à celui de la France et de l’Allemagne réunies, va aller en décroissant. La baisse des consommations de pétrole du Japon qui a été de 700 mille barils par jour pour la décennie 1997 et 2007 devrait être encore plus forte pour la décennie 2008- 2018 en raison de la baisse de la taille du parc et des progrés d’efficacité énergétique des véhicules. Un pronostic d’une baisse comprise entre 1,2 et 1,4 million de barils/jour en dix ans (25% à 30%) semble raisonnable.
Cet exemple du Japon qui sera suivi par de nombreux autres pays développés comme l’Allemagne, le plus proche démographiquement de la situation japonaise, incite à penser que ces phénomènes de vieillissement de la population, se traduisant par à une baisse de la population active et une contraction du parc automobile, vont entraîner des baisses importantes de consommation de pétrole dans les pays les plus avancés. L’arrivée de nouvelles générations moins tentées par le prestige de posséder un beau et grand véhicule couvert de chromes, relayées par les constructeurs qui proposeront des modèles minimalistes en taille et en consommation va accentuer ce phénomène de retrait.
Il faut donc prévoir, malgré la hausse de la population mondiale, une stagnation des consommations mondiales de pétroles dans les dix à quinze ans à venir. Cela ne signifie pas que les cours vont stagner, l’industrie pétrolière devra poursuivre sa lutte sur les gisements exploités ou découverts contre les phénomènes de déplétion qui sont 4 fois plus importants que les croissances de demandes observées ces dernières années.
LIRE les cours précédents: premier, second, troisième.
LIRE un article intéressant du WSJ sur le comportement des nouvelles générations japonaises.
LIRE le scénario de stabilisation de la consommation de pétrole dans les 15 ans à venir
Le 23 Mai 2009
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