Les idées et concepts écologiques semblent être électoralement porteurs, il va donc être nécessaire à tout Parti Politique qui se respecte, d’avancer des idées originales et populaires dans le domaine de l’écologie, du mode de consommation de l’énergie et des divers modes de gestion de cette énergie. Nous allons donc assister à une course à l’échalote effrénée vers des idées et propositions les plus farfelues, venant d’hommes et de femmes politiques pour lesquels l’approximation est un des socles de leur argumentation. Il va être difficile de canaliser la déferlante, mais à titre préventif il semble utile de rappeler un certain nombre de vérités aux Etats-Majors de ces partis politiques et par la même occasion de leur suggérer certaines idées simples qui pourraient agrémenter leur catalogue « écolo » à la Prévert.
1) Chasser les embouteillages sur le réseau routier:
C’est peut-être le domaine où les plus grandes bêtises sont dites. Ce ne sont pas les autoroutes et les déviations qui créent la pollution: ce sont les embouteillages. Un camion moderne et optimisé qui consomme sur autoroute à vitesse constante et limitée aux environs de 25 litres de carburant aux cent kilomètres, va en consommer trois fois plus dans un bouchon routier. Tous les jours, des milliers de poids lourds, circulant sur l’axe Nord-Sud européen qui traverse la France, viennent déverser leurs gaz à effet de serre dans les embouteillages à l’approche des grandes agglomérations. Le Japon mène une politique très active contre les embouteillages et suit année après année les progrès accomplis (LIRE cette très intéressante étude). Messieurs les politiques renseignez-vous, faites du benchmarking et ayez le courage de construire des déviations, même si elles doivent traverser le Médoc! En parallèle, aidez et incitez vigoureusement les constructeurs de poids lourds à lancer également un grand programme d’hybridation des poids lourds avec un objectif très simple: 20 litres de gasoil aux cent km! Je suis certain qu’ils sauraient atteindre l’objectif et que leurs clients transporteurs seraient séduits par ces progrès (LIRE les essais de Mercedes).
Remarque: si ces nouveaux poids lourds hybrides ne consommaient plus d’urée pour éliminer les NOx, ce serait un plus certain!
2) Diviser par trois les importations de charbon:
La France a consommé 21 millions de tonnes de charbon et de coke métallurgique en 2007. C’est définitivement trop. Une partie de ce charbon est utilisé dans la métallurgie, mais une large part est brûlée dans des centrales électriques d’EDF ou des anciens Charbonnages de France. Les plus grandes entreprises polluantes de la France sont soit des usines métallurgiques (Sollac Dunkerque, Arcelor Méditerranée, Sollac Lorraine) soit des centrales électriques (EDF Cordemais, Le Havre, La SNET de Provence, etc.). Les 18 centrales électriques françaises les plus polluantes qui produisent moins de 25 TWh d’énergie électrique par an, sont déclarées comme émettant annuellement 76 millions de tonnes équivalent CO2 de GHG (VOIR la liste sur Community Independent Transaction Log de la CE, table Excel 2007). Même si ces chiffres apparaissent artificiellement gonflés, l’Europe des droits d’émissions de CO2 étant une grande pétaudière, on peut considérer qu’au moins 30 millions de tonnes de CO2 sont en jeu. Nos politiques doivent donc promouvoir un plan d’extinction des centrales au charbon et au fioul sur 10 ans pour les remplacer par des centrales électriques très souples, au gaz naturel à cycle combiné, qui fonctionneront en tandem avec les sources d’énergie renouvelables éoliennes ou solaires. Remplacer une vielle centrale au charbon par une centrale moderne au gaz naturel permet de diviser par trois les émissions de CO2 (350 kg de CO2 par MWh), la coupler avec des énergies renouvelables permet de diviser par quatre (250 kg de CO2 par MWh). C’est ce qu’EDF est en train de faire dans sa centrale de Martigues pour 2012. Cet exemple doit être généralisé.
3) Cesser les importations d’électricité d’Allemagne:
La France sponsorise activement les centrales électriques polluantes allemandes en leur achetant très régulièrement de l’énergie électrique. En 2008, elle a importé 19 TWh d’énergie électrique d’Allemagne, largement chargée en CO2, ce qui représente une puissance moyenne de 2150 MW. C’est donc une très grosse centrale au lignite que la France sponsorise en moyenne en Allemagne. Il est évident, compte tenu de la raideur énergétique germanique et de ses attirances vers les steppes russes, que cet état de fait doit cesser. Si la France sait arrêter ces importations c’est une grande centrale polluante allemande qui s’arrête. C’est tout!
4) Promouvoir le réseau électrique intelligent (smart grid) et la facturation modulée (smart mettering) à distance:
Un consommateur d’électricité qui a équipé son domicile de panneaux solaires, d’un onduleur et qui dispose en tampon d’une batterie de stockage, le tout étant intelligemment raccordé au réseau via un compteur fonctionnant dans les deux sens (comme le futur compteur Linky d’ERDF), ce consommateur donc peut être à la fois client et fournisseur d’électricité au réseau, il peut également effacer sa consommation en heure de pointe et recharger sa batterie en heures creuses si nécessaire. Ce consommateur peut avoir dans son garage une voiture électrique qui va participer au système global. Un plan national mobilisant tous les industriels du secteur doit être élaboré pour avancer dans cette voie des systèmes complexes et intelligents. La mise en place lointaine d’un compteur programmée par ERDF (entre 2012 et 2017!) est nécessaire mais elle n’est pas suffisante pour réaliser un système global.
5) Anticiper la mise à disposition de chargeurs de véhicules électriques photovoltaïques:
Sur le lieu de travail, devant les Supermarchés, en Ville, les voitures électriques pourront être rechargées par des systèmes équipés de panneaux solaires. L’avenir de la voiture électrique n’est pas dans le remplacement rapide de batterie déchargée trop dispendieux parce que la batterie est trop chère pour attendre, chargée, sur une étagère. L’avenir est à la multiplicité des lieux et des modes de charge. Charge rapide (une demi-heure) à la station de recharge ad’hoc, charge lente au parking, le tout alimenté par des panneaux solaires lorsque le soleil brille, sinon par le réseau.
6) Ne plus dépendre du gaz Russe:
Le gaz naturel sera la ressource d’énergie principale de ce siècle pour trois raisons simples: il est très abondant, il est largement répandu sur le globe et sa combustion émet deux fois moins de CO2 que le charbon par unité d’énergie produite. La dépendance des approvisionnements de l’Europe au gaz russe est une vaste rigolade de journalistes ou de peakistes en mal d’émotions. La Russie pèse moins de 20% des productions mondiales de gaz naturel, elle va perdre son rang de N°1 mondial au profit des Etats-Unis. Le Qatar, l’Iran, l’Afrique, l’Australie vont devenir des producteurs à la hauteur de leurs immenses réserves. Demain de larges réserves dans l’Arctique ou ailleurs seront mises en production. La France avec sa grande façade maritime doit poursuivre son équipement en terminaux de déchargement, stockage et regazéification de GNL. Il n’y a aucune raison qu’elle dépende pour ses approvisionnements, de gazoducs orientaux peu fiables. Laissons ces émotions à nos amis germaniques. Alors il faudra expliquer tout ça à José Bové et à ses groupies, leur expliquer que l’eau de Javel, utilisée pour désinfecter les ballasts des méthaniers, n’est pas un agent de pollution très grave, même dans l’estuaire de la Gironde. Elle ne pourra que tout au plus tuer quelques germes microbiens bien connus, pour le plus grand bien de la santé des plagistes locaux. La vidange des ballasts de façon saine est un problème que tout concepteur de station d’épuration doit savoir résoudre. Nous avons ces compétences en France.
7) Lancer un grand programme portant sur le stockage de l’énergie électrique:
Le vecteur électrique va prendre de plus en plus d’importance avec la montée en puissance des énergies renouvelables, l’électrification de la traction automobile et la baisse de la part des produits pétroliers dans le bilan énergétique mondial. Celui qui dans le futur saura stocker l’énergie électrique détiendra une large part de la maîtrise des nouvelles technologies, l’exemple de la dépendance des constructeurs automobiles aux fabricants de batteries, pour les véhicules hybrides ou électriques, en est un exemple éclatant. La France a la chance de posséder des entreprises comme la Saft et d’autres qui disposent de profondes connaissances dans les couples électrochimiques susceptibles de servir de moyens de stockage de l’énergie électrique, elle dispose d’industries chimiques capables d’élaborer les matériaux nécessaires à la mise en oeuvre de ces batteries. Un grand programme sur la recherche et le développement de quelques modes pertinents de stockage de l’énergie électrique semble encore plus urgent aujourd’hui que dans le passé.
Voici quelques idées simples qui peuvent aider les politiques à réaliser leurs ablutions purificatrices de greenwashing, je leur recommande surtout de ne pas suivre les conseils de leurs amis des divers cabinets ministériels qui vont inéluctablement les orienter vers les Piles à Combustible et la synthèse du Silicium. La liste n’est bien sûr pas exhaustive, l’approche des biocarburants en Europe se heutera au manque de surfaces au sol cultivables et aura un impact de ce fait limité, évitez surtout les rêves allemands de renaissance des réactions de type Fischer-Tropsch à partir de la biomasse, pour vous en convaincre faites tout d’abord une étude logistique. Les grands axes pour la France, outre le nucléaire, doivent porter sur le gaz naturel sous forme GNL qui lui apportera la flexibilité indispensable à sa génération de courant, et sur les systèmes complexes mettant en oeuvre du photovoltaïque et du stockage d’énergie, appelés à un grand avenir dans la traction électrique et les réseaux électriques intelligents.
Mais du point de vue de la politique énergétique, grâce au nucléaire, au TGV et à la TIPP, il faut admettre que la France est un pays très en avance par rapport aux autres pays développés, n’est-ce-pas Monsieur Borloo!
Le 15 Juin 2009.
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