Mieux vaut bien brûler du gaz que mal du charbon! Un dicton toujours vrai.

    Dans le domaine de l’énergie il est parfois difficile d’éviter les pièges tendus par de rusés professionnels qui vous parlent de façon abusive de « Clean Coal » (charbon propre?) ou de Captage et Séquestration de CO2 (CCS) mais sans très bien préciser la part de ce captage qui bien sûr, par omission, est supposé total par le lecteur et qui n’est en fait, pour l’instant, qu’une boucle de test en parallèle avec le flux principal d’émissions de gaz et qui ne capte que 50% à 80% du CO2 de cette dérivation minoritaire. Miroirs aux alouettes bien compréhensibles de la part de professionnels dont c’est le métier de vendre du charbon ou des installations qui l’utilisent et qui devinent de mauvais jours à venir pour leur job.

   Alors pour éviter ces pièges de propagande, que l’on nomme pudiquement communication, il est nécessaire de revenir à des données de bases très simples qui permettent de faire la part des choses entre slogan et réalité physique.

    La combustion complète du charbon peut se résumer pour l’essentiel à la réaction de formation du CO2:

C + O2 ——> CO2 . Cette réaction génère 9,1 kWh d’énergie thermique par kilogramme de Carbone, nous dit la thermodynamique. Mais si l’on veut focaliser la question sur les émissions de CO2 on constate, en divisant cette valeur par le ratio des masses moléculaires CO2/C =3.67, que cette réaction produit 2,48 MWh de chaleur par tonne de CO2 émise. Les centrales au charbon modernes, avec des températures d’eau supercritiques supérieures à 566°C arrivent à présenter des rendements énergétiques de 40% à 45%, ce qui conduit à des émissions de CO2 de l’ordre de 900kg à une tonne de CO2 par MWh électrique produit (FIG., courbe rouge).

Centrales-charbon-gaz  

  Pour augmenter les rendements des centrales au charbon, il est nécessaire d’adopter un procédé plus complexe: l’IGCC qui au préalable va utiliser le charbon pour produire de l’hydrogène (gazéification intégrée) et ce gaz va alimenter une turbine à haute température et une chaudière dans un cycle combiné. Il est possible ainsi d’espérer des rendements énergétiques supérieurs à 50%. Les rejets vont alors tendre vers les 700 kg de CO2 par MWh. On s’aperçoit ainsi que les procédés dits « Clean Coal » qui essaient de descendre le long de la courbe rouge ne sont pas si propres qu’on voudrait le faire croire. Il reste alors à vendre le captage et la séquestration en option qui au niveau du mélange CO2 + H2 viendra un jour capter une partie du CO2. Mais il faudra utiliser de l’énergie pour actionner cette boucle de captage et de séquestration, ce qui fera chuter les rendements globaux par tonne de charbon. Le procédé présentera donc un coût additionnel financier et énergétique. Les progrès sur cette courbe rouge seront donc longs et fastidieux.

La combustion complète du gaz naturel composé essentiellement de méthane peut s’écrire:

CH4 + 2 O2 ——-> CO2 + 2 H2O dont l’enthalpie de réaction est de 9,95 kWh par m3 de gaz méthane et donc de gaz CO2. En masse de CO2, cette réaction libère donc 5,065 MWh thermiques par tonne de CO2 produite.  La combustion du gaz naturel produit DEUX FOIS PLUS D’ENERGIE que celle du Carbone par tonne de CO2 émise, nous dit la thermodynamique. Deux centrales présentant des rendements énergétiques identiques, l’une au gaz, l’autre au charbon, cette dernière émettra deux fois plus de CO2 que la première.

   Il y a là un avantage décisif pour l’utilisation du gaz naturel comme combustible dans les centrales électriques à flamme, si l’humanité veut limiter ses émissions de GHG. Mais le gaz possède également la propriété de pouvoir alimenter des turbines à très hautes températures. Elles peuvent atteindre les 1600°C à l’entrée des gaz dans la chambre de combustion et les japonais ont un programme de travail sur des matériaux qui permettraient d’atteindre les 1700°C. Des rendements supérieurs à 60% sont déjà annoncés pour les produits en cours de développement par MHI (Série J). Siemens, GE et Alstom présentent également des équipements de la classe 60% de rendement. Ces centrales à gaz de nouvelle génération ne vont donc rejeter que dans les 330 kg de CO2 par MWh, avec un objectif à quelques années d’atteindre les 300kg.

  Il apparaît ainsi, grâce à ces calculs très simples, que l’acte écologique le plus censé, celui qui devrait être programmé dans tous les pays du monde où sont mises en oeuvre de vieilles centrales au charbon, serait d’élaborer des plans pluriannuels pour approvisionner du gaz naturel et remplacer ces centrales les plus vétustes par des centrales à gaz à cycle combiné du dernier cri. Les émissions de CO2 en suivant la flèche bleue de la FIGURE seraient réduites par trois ou quatre selon la vétusté de l’installation à détruire. Tel est l’enjeu. En France, EDF est en train de réaliser une opération de ce genre en remplaçant des centrales au fioul par des centrales à gaz à la centrale thermique de Martigues. Elles seront opérationnelles en 2012. Mais bien d’autres « tromblons » des anciens Charbonnages de France, à Gardanne ou ailleurs mériteraient une telle transformation. La centrale EDF de Cordemais entre Nantes et Saint Nazaire, la plus polluante de France, mériterait elle aussi que soit envisagé un tel rétrofit.

  Les réserves de gaz dans le monde qui profitent de développements récents lés à l’accroissement des prix l’énergie, sont en croissance. Elles ont atteint 185 mille milliards de m3 à la fin de 2008 nous informe BP. Les Etats-Unis sont devenus le premier producteur mondial devant la Russie, l’Iran possède d’immenses ressources inexploitées qu’elle partage, en large partie, avec son voisin le Qatar. Les continents Nord et Sud américains, le Moyen-Orient, l’Australie, l’Asie du Sud Est, l’Afrique et l’Europe possèdent d’importantes réserves de gaz naturel qui alimenteraient sans problème de nouvelles centrales.

    Le charbon et les divers lignites sont les ressources énergétiques les plus polluantes, elles sont trop largement utilisées dans le monde. Je ne sais quelle catastrophe écologique il faudra attendre pour que les Politiques décident, enfin, d’élaborer un plan mondial d’énergie sans charbon. Dans tous les débats écologiques sur les problèmes d’efficacité énergétique, un paramètre essentiel est régulièrement oublié, c’est la vitesse de transformation indispensable qui ne peut pas être atteinte avec les seules actions sur les applications (transport, efficacité énergétique domestique, chimie, etc.). Cette vitesse de réduction des émissions des GHG ne sera atteinte qu’en programmant des actions d’envergures sur la génération de l’énergie électrique et en mobilisant sans attendre le nucléaire, le gaz naturel et l’hydraulique.

   La France devrait élaborer un plan de démantèlement de toutes ses centrales au charbon et demander à ses homologues européennes d’en faire autant. La Grande-Bretagne semble avoir esquissé un tel plan, cependant son échéance à 2030 semble bien lointaine et assez floue (LIRE). Le réchauffement de la planète risque de ne pas attendre.

Le 20 Juillet 2009.

Commentaires

7 réponses à “Mieux vaut bien brûler du gaz que mal du charbon! Un dicton toujours vrai.”

  1. Avatar de Nicolas
    Nicolas

    Très bon article et très clair.
    Une précision cependant, « Les réserves de gaz dans le monde […] sont en croissance. »
    Il s’agit là d’un raccourci certainement, car les réserves existantes n’augmentent pas sur Terre, elles sont déjà là. Ce sont les réserves exploitables qui varient selon les coûts, les progrès techniques, les découvertes,…

  2. Avatar de Christian
    Christian

    Pour Nicolas, précision de jargon et de sens commun : je ne crois pas que Raymond ait fait un raccourci. Il parle bel et bien des réserves et non des ressources qui « n’augmentent pas sur Terre, elles sont déjà là ».

  3. Avatar de I.Lucas
    I.Lucas

    L’article est quelque peu biaisé :
    le charbon n’est pas du carbone pur, il contient des atomes d’hydrogène
    les centrales à charbon modernes dites à cycle hypercritique (car utilisant le cycle de l’eau au delà de la température où l’eau peut exister sous forme liquide (360 ° Celsius)) ont un rendement de 45% et émettent 750 gCO2/kWh électrique.
    La Pologne va renouveler son parc électrique avec de telles centrales.
    L’article décrit une autre filière de centrales à charbon qui passe par la gazéification puis utilise une centrale à cycle combiné gaz.
    Du point de vue du climat, les centrales à gaz sont plus performantes, et émettent 360 gCO2/kWh, à condition qu’il n’y ait pas dans la chaine d’approvisionnement de fuites de gaz, or il y en a, tant dans l’exploitation du charbon (le grisou est du méthane) que du gaz naturel.
    Le méthane est un puissant gaz à effet de serre (son impact est 21 fois plus fort que le CO2)
    Il suffit qu’il y ait 5% de fuites de gaz, pur qu’une centrale à gaz ait les mêmes performances au point de vue climatique, qu’une centrale à charbon.
    Donc attention aux pertes dans les mines de charbon, sur les champs gaziers en Sibérie ou à bord des bateaux de GNL

  4. Avatar de irisyak

    Il faut ajouter à ce qui précède que les centrales gaz répondent rapidement à la demande ce qui n’est pas le cas pour les centrales à charbon qui, comme les centrales nucléaires, demandent un système de stockage de l’énergie lors de leur exploitation à moins de les faire tourner pour rien …!

  5. Avatar de ray
    ray

    Mon cher Lucas, en dehors des 3 à 5% de liaisons C-H qu’il peut y avoir dans certains charbons et dont c’est vrai je n’ai pas tenu compte pour être compris de tous, je pense que les températures hypercritiques devraient conduire à un rendement bien supérieurs à 45% si l’on écoute Carnot. Mais 750g de CO2 c’est toujours le double d’émissions d’une centrale au gaz de même rendement.
    Quand au méthane dont vous parlez pour donner le traczir au lecteur, il s’appelle également grisou dans les mines. Je vous rappelle que le charbon en est largement imprégné et que son exploitation en dégage pas mal dans l’azur…. 15 partout.

  6. Avatar de ray
    ray

    Nicolas vous parlez des « réserves ultimes » qui ne seront connues que dans quelques siècles, quand les hommes auront cessé de rechercher les derniers gisements d’hydrates de méthane. Je ne parle ici que des réserves prouvées et probables qui fluctuent en fonction des découvertes, des consommations et de l’évolution des techniques (forages horizontaux avec fracturation de la roche poreuse par exemple dans les Schistes bitumineux ou les veines de charbon profondes pour extraire le « coal bed methane » ou grisou qu’a oublié notre ami Lucas.

  7. Avatar de Escaravage
    Escaravage

    Puisse notre ministre de l’Environnement et de l’Energie tenir compte de cet article, avant d’autoriser l’ouverture d’une mine de charbon dans la campagne nivernaise !

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