L’éloignement du peak-oil rend toute son acuité au changement climatique

  Un certain nombre de voies raisonnables et compétentes s’élèvent pour challenger le caractère imminent du peak-oil. Nous avions rendu compte ici (LIRE) en 2008 des hypothèses de Richard Nehring qui au congrès de l’ASPO-USA à Houston en 2007 était venu mettre les pieds dans le plat, en argumentant que les réserves ultimes de pétroles avaient de bonnes chances de se situer entre 3400 et 5000 milliards de barils, avec une hypothèse moyenne au dessus de 4000 milliards de barils, soit le double de ce qui est jusqu’à présent admis par les peakistes (LIRE). Leonardo Maugeri de chez ENI vient d’apporter de l’eau au moulin de cette vision progressiste de la découverte et de l’exploitation des réserves de pétrole dans le monde. Dans un papier récent, intitulé « Squeezing more oil out of the ground« , il estime pour sa part que pour des quantités globales de pétrole estimées par les géologues américains entre 7000 et 9000 milliards de barils, en 2030 les professionnels du pétroles avec un taux de récupération supérieur à 50%, estimeront alors les réserves ultimes entre 4500 et 5000 milliards de barils. Pour étayer cette prédiction Maugeri décrit les progrès accomplis dans la récupération assistée des ressources aux moyens de divers procédés tels que l’injection de vapeur d’eau, les forages horizontaux, les injections de CO2 ou d’Azote, la combustion partielle, les procédés chimiques et biologiques. Il insiste également sur l’existence de larges territoires encore inexplorés et sur les forages très profonds du type Pre-Sal au Brésil (FIG.) qui révèlent des ressources nouvelles. Pour Maugeri il reste assez de pétrole à trouver et à exploiter pour la totalité du siècle, ce à quoi que les hypothèses de Nehring conduisaient logiquement.

Brésil-pré-sal

 

 Il est donc impératif de comprendre rapidement, afin d’éviter tout contresens, que la raréfaction des ressources pétrolières au rythme de consommation actuel ne se posera que dans un délai de l’ordre du siècle. Or, ce n’est pas le cas pour le changement climatique en cours qui va s’amplifier sur quelques décennies à venir, durant lesquelles les dirigeants des Nations vont encore essentiellement faire semblant d’agir, soutenus par une base populaire encore peu motivée et incrédule. Le réel problème de ce siècle sera le changement climatique qui imposera logiquement de réduire les consommations de pétrole par quatre ou cinq, ce qui repoussera de quelques décennies supplémentaires la fin des produits pétroliers naturels. Entre temps, les divers modes de transports terrestres, aériens et maritimes se seront adaptés à cette raréfaction de la ressource naturelle et à la contrainte climatique, ce que nous percevons déjà avec la montée en puissance des biocarburants et la timide apparition de la voiture électrique. Les carburants liquides de synthèse obtenus à partir du gaz, de charbon et de biomasse prendront peu à peu le relai du pétrole pour les applications comme le transport aérien, nécessitant un carburant liquide.

LIRE un pre-print du papier de Leonardo Maugeri paru en Avril dernier. Le papier définitif (LIRE) est maintenant accessible librement sous le titre « Another Century of Oil ».

 Le 26 Septembre 2009

Commentaires

18 réponses à “L’éloignement du peak-oil rend toute son acuité au changement climatique”

  1. Avatar de pierre
    pierre

    Bonjour,
    Etant tres impressione par la qualite de recherche de vos articles, je me demandais si vous aviez analyse les arguments des scientifiques dits « sceptiques ». Notamment le dernier rebondissement avec les temperatures qui stagneraient et certaines importantes figures du GIEC qui previenent que les modeles ne sont pas si bon et quune periode « froide » (temporaire) sannonce pour une trentaine d’annees ?
    Votre position sur le rechauffment est elle issue d’investigations aussi poussees que sur les batteries japonaises ?
    Vu le caractere polemique du sujet, je precise que c’est vraiment parceque j’ai moi-meme beaucoup creuse le sujet sans parvenir a une conclusion nette et que votre avis m’interesse.
    http://www.newscientist.com/article/dn17742-worlds-climate-could-cool-first-warm-later.html?DCMP=OTC-rss&nsref=online-news

  2. Avatar de arthur

    Lol, c’est une plaisanterie ce billet ?
    Il est au contraire extrêmement probable que le peak oil soit maintenant du passé.
    Que la reprise arrive, que les Saoudiens lachent les 2 ou 3 mbd qu’ils ont sous le pied, et ça risque d’être « drôle ».
    En plus vous parlez de réserves … à se demander si vous avez bien compris ce que désigne le terme.
    Décidément le niveau de ce blog laisse vraiment à désirer.

  3. Avatar de ray
    ray

    Pierre, il y a pour moi des données scientifiques évidentes que sont:
    1) les teneurs croissantes du CO2 dans l’atmosphère de 2 ppm par an de façon monotone.Le CO2 absorbe dans l’infrarouge et accroît le forçage radiatif de l’ensemble des GHG.
    2) sur la base des analyses scientifiques de gaz le résultat du calcul du forçage radiatif qui était de 1,75W/m2 en 1970, est maintenant de 2,7 W/m2. Cette énergie stockée doit entraîner un réchauffement global de la planète pour que l’énergie qui entre sur terre soit égale à celle qui sort, après avoir défalqué l’énergie nécessaire à la croissance des espèces végétales et animales marines et terrestres.
    3) enfin l’élévation de 2 à 3 mm par an du niveau moyen des mers est une grandeur intensive qui permet également de quantifier 80% de ces effets thermiques qui se retrouvent dans les océans.
    Pour moi l’amplitude du réchauffement climatique repose donc sur des analyses de gaz absorbant dans l’IR (la cause) et sur la mesure du niveau moyen des mers (la conséquence). Ce sont ces données scientifiques simples et indiscutables qui montrent et montreront la vitesse des phénomènes et leur possible accélération ou décélération.
    Bien sûr tout cela se répercute sur les glaces, les équilibres écologiques et climatiques. Mais ce ne sont que des effets induits, parfois dispersés et variables, plus ou moins faciles à mesurer ou à quantifier. L’existence de boucles, de points de déséquilibres irréversibles, etc. sont évoqués pour que les savants apparaissent comme importants.
    Mais il ne faut pas perdre de vue l’essentiel: les teneurs en gaz à effet de serre dans l’atmosphhère et le niveau moyen des mers. Si ces deux indicateurs se mettent à monter en accélérant, ce que prédisent certains, cela veut dire que c’est mal barré.

  4. Avatar de ray
    ray

    Arthur, le concept de réserves ultimes est parfaitement défini et compris par le plus grand nombre des esprits qui se préoccupent de ces sujets. Quand au niveau de ce blog il n’est peut-être pas adapté à ce que vous désirez apprendre de vos lectures. L’approfondissement des connaissances débouche sur la complexité et peut remettre en cause vos convictions. Ne retenez qu’une chose de ce blog Arthur: vous aurez lu un jour que le peak-oil par rapport au changement climatique est de la foutaise, une joyeuse gaminerie. Sacrilège!

  5. Avatar de arthur

    La petite raymonde est bien une rigolote, c’est maitenant assez clair …
    (et elle ne sait pas compter, les découvertes de cette année sont toujours largement en dessous de la conso journalière)
    Mais enfin elle comprendra sans doute bientôt …

  6. Avatar de berthier
    berthier

    c’est amusant, à part Nehring, toutes les présentations (Sandréa, CERA,..) qui repoussent le pic sont payantes.
    Ces présentations sont des anxiolytiques

  7. Avatar de ray
    ray

    On peut trouver l’article dans le dernier lien qui figure en bas de mon papier sous le nouveau titre « Another Century for Oil » ou ci-après:
    http://www.scientificamerican.com/article.cfm?id=squeezing-more-oil

  8. Avatar de Gérald
    Gérald

    La date du PO n’a presque pas d’intérêt à mon sens. Seul compte le croisement des courbes capacité de production/ consommation. Le marché nous le dira sans aller chercher des ragots scientistes qui se contredisent tous. Une première alerte à été donnée à 140$ (forcement spéculative puisque le marché est libre) une deuxième ne va pas tarder si la croyance en la reprise perdure jusqu’au printemps 2010. Ce ne sera pas encore la bonne à mon sens car cette vague va vite épuiser les force famélique d’une possible reprise . Par contre la troisième qui pourrait arriver après une relative stabilisation de l’économie (moins de 5 ans) sera définitive et sans retour en arrière. Entre 200 et 300 $ le baril la recherche aura de beaux jours devant elle. Pour mémoire l’indispensable amiante utilisée dans des milliers d’applications comportant des problèmes d’isolation de résistance à la température de friction d’étanchéité etc. à du être remplacée par des centaines de produits nouveaux qui n’existaient pas il y a seulement 30 ans. Pour le pétrole ce sera le même combat puissance 100. Recherche, développement , création de richesse… la roue sera repartie pour faire un tour de plus, mais attention elle n’ira pas beaucoup plus loin car le mur de la décroissance forcée se dresse juste derrière l’enfumage de la crise actuelle et là hommo-errectus ne maitrisera plus la situation. La première génération du XXIème siècle verra la géologie fixer définitivement les limites du terrain de football, et jouer non pas à 11 mais à 7 ou 8 X 10 puissance 9 quand il fait très chaud (ce qui semble devenir une évidence) ne sera pas forcement une partie de plaisir !

  9. Avatar de pierre
    pierre

    Merci pour cette reponse interessante, Je vais reflechir a tout ca en allant profiter de la chaleur de cette journee ensolleilee.

  10. Avatar de ray
    ray

    Gérald, il est une donnée importante que vous devez prendre en compte dans votre simulation intellectuelle: c’est la stagnation de la demande en pétrole dans les années à venir qui devrait faire que les événements ne se bouculeront peut-être pas aussi vite que vous l’anticipez. LIRE:
    http://www.leblogenergie.com/2009/09/do%C3%B9-vient-lincoh%C3%A9rence-des-messages-defficacit%C3%A9-%C3%A9nerg%C3%A9tique-et-des-pr%C3%A9visions-incessantes-de-croissa.html

  11. Avatar de arthur

    Je crois que Gerald intègre au contraire très bien cette donnée, c’est à dire la recession, qui fait que toutes les réserves chères dont vous parlez ne seront même pas exploitée, (même la grande majorité des sables bitumineux d’ailleurs) le peak c’était juillet 2008, faites vous une raison

  12. Avatar de Denis
    Denis

    Je suis convaincu que le PO a eu lieu en 2008 et tout indique que la décroissance de l’offre sera bien plus rapide que la croissance qui l’a précédée.
    http://kickingthegasoline.com/financial-justification/the-peak-oil-downside-will-be-steeper-than-the-upside/
    La crise actuelle est la première phase du PO, nous sommes encore sur notre petit nuage, nous pouvons encore un peu continuer à faire semblant.
    http://www.theoildrum.com/node/5808
    Le monde va changer dramatiquement quand les états et leurs opinions auront réalisé que nous sommes passés en mode post peak (passage du marché de la demande au marché de l’offre).
    http://www.aspo.be/index6.html
    Le rationnement n’est pas loin et la décroissance pétrolière sera le vrai acteur dans la baisse des émissions de CO2 … preuve que l’homme est un gamin irresponsable.

  13. Avatar de ray
    ray

    Denis, pour l’instant d’après les pétroliers comme Rex Tillerson, le PDG d’EXXON, c’est la demande qui ne suit pas en raison de la crise économique, de la montée en puissance des biocarburants et des progrès réalisés dans l’efficacité énergétique des véhicules. Alors vous pouvez mettre tous les liens publicitaires que vous voulez dans vos notes, mais vous vous êtes gourrés. Se tromper n’est pas grave, à condition de le reconnaître. Mais j’ai bien peur que nombre de vos petits camarades, pour lesquels cela permet de briller, n’aient pas le courage de franchir le pas du mea culpa.
    Toute idéologie trop radicale perd un jour ou l’autre de sa crédibilité.

  14. Avatar de Denis
    Denis

    @ ray
    Tous les chocs pétroliers ont engendré des récessions, en convenez-vous ?
    Ce qui se passe pour le moment ne déroge pas à la règle. Aucune économie (locale ou mondiale) ne peut supporter une hausse des coûts de plus de 500% (entre 2002 et 2008) ? La seule parade pour maintenir l’illusion fut de miser massivement sur l’emprunt, ce qui n’a pas résolu le problème de fond, l’économie ne croît plus et elle vacille … c’est précisément ce qui était prévu par les théoriciens du pic pétrolier ou les théoriciens des limites à la croissance.
    Je tiens à vous faire remarquer que la demande mondiale n’a baissé que de 2,7% lors de la crise actuelle or actuellement 60% de puits sont en déclin (et cela va augmenter). Certains parlent d’une offre en pétrole divisée par 2 dans les 10 ans, ce qui ne me surprendrait pas du tout.
    Pour ce qui est de l’efficacité énergétique je vous renvoie au paradoxe de Jevons. Pour les bio carburants, c’est du délire, l’EROIE est si proche de 1 que l’on se demande à quoi cela rime. C’est la grande illusion, c’est insignifiant à l’échelle des flux en jeu. Le pic pétrolier correspond à la fin de la croissance du débit et c’est catastrophique pour notre système économique et financier qui dépend du pétrole bon marché que pour fonctionner.
    De plus, quand on passe en mode décroissance, bien des feedbacks positifs disparaissent pour être remplacés par des feedbacks négatifs (cfr. Limits to Growth). C’est précisément ce qui se passe maintenant avec les investissements qui ne sont pas à l’échelle des enjeux qu’ils soient pétroliers ou renouvelables.

  15. Avatar de Denis
    Denis

    @ ray
    J’espère sincèrement que vous ayez raison ! On croise les doigts pour que ce soit le cas.

  16. Avatar de arthur

    « Alors vous pouvez mettre tous les liens publicitaires que vous voulez dans vos notes, mais vous vous êtes gourrés. Se tromper n’est pas grave, à condition de le reconnaître. Mais j’ai bien peur que nombre de vos petits camarades, pour lesquels cela permet de briller, n’aient pas le courage de franchir le pas du mea culpa.
    Toute idéologie trop radicale perd un jour ou l’autre de sa crédibilité. »
    Toute idéologie trop radicale … lol 🙂
    Maintenant le b a ba des mathématiques est une idéologie trop radicale …
    Bien sûr pas de quoi se réjouir d’une telle nouvelle, bien au contraire, par contre le temps du green washing est bien fini : Si l’isolation rapporte plus de kwh que du photovoltaique à cout égal, c’est de l’isolation qu’il faut faire.
    Il faut de toutes manières consommer moins d’énergie.

  17. Avatar de ray
    ray

    Denis, tout ce que l’on peut raconter sur l’efficacité d’une technologie n’est vrai que compte tenu de l’état de l’art, à un instant donné. Il faut donc se méfier de toute théorie ou calcul qui fige ad vitam un prix, un rendement ou un retour sur investissement financier ou énergétique.
    Par exemple, il a été dit les pires âneries sur le bilan énergétique des biocarburants. Tout simplement parce que les hommes qui dirigent les distilleries de bioéthanol de maïs aux USA ont fait faire de grands progrès à leurs procédés en économisant l’énergie ou en la récupérant. Je vous recommande de vous reporter aux travaux réalisés sur le tas de Kenneth Kasmann par exemple dont j’ai rendu compte sur ce blog:
    http://www.leblogenergie.com/2009/01/lthanol-de-mas.html
    vous verrez que ce que l’on raconte sur les biocarburants est parfois largement dépassé.
    Je vous recommande aussi de regarder avec attention un projet de couplage d’une raffinerie de bioéthanol avec un élevage
    http://www.leblogenergie.com/2009/05/faire-de-l%C3%A9thanol-de-ma%C3%AFs-et-avoir-des-id%C3%A9es-ne-sont-pas-incompatibles.html
    vous verrez qu’il existe des gens qui réfléchissent et qui agissent.
    Dans l’exploitation d’un champ pétrolier le problème est de même nature. Une vitesse de déplétion n’est vraie que pour un ensemble de technologies données et appliquées. On sait aujourd’hui que les forages horizontaux couplés à des images stratigraphiques de très grande qualité permettent d’aller récupérer le pétrole avec une précision qui n’était pas envisagée il y a 20 ans. L’utilisation d’injection de chaleur, de gaz, d’agents de fracturation, de surfactants à l’endroit le plus adapté à ces forages entraînera de formidables progrès. Les conditions pour que cela se réalise: l’accès des meilleurs aux gisements et un prix du pétrole suffisant pour amortir les investissements sophistiqués. Le prix du pétrole est un formidable accélérateur de progrès.
    Quand à la croissance continue de la demande de pétrole c’est du passé. Il va falloir s’occuper du CO2 et utiliser le plus rapidement possible les mix énergétiques à base de solaire, d’éolien et de nucléaire. L’électrification partielle (hybride, ou plug-in) ou totale des véhicules est en marche.
    Les biocarburants compte tenu de la rareté de la ressource n’occuperont qu’une place marginale mais utile. Rex Tillerson de chez Exxon évalue les biocarburants à plus de 2 millions de barils/jour en 2022 pour les seuls Etats-Unis.(Ils en sont à 0,67 millions aujourd’hui).
    Donc ce qui m’agace énormément c’est de faire semblant de confondre un repli de la demande de pétrole, ce qui est le cas aujourd’hui, avec une insuffisance de l’offre (voir votre lien au Oil Drum) et de faire croire aux gogos que les vitesses de déplétion et les taux de récupération sont figés ad vitam, alors que toute l’histoire de l’aventure du pétrole et du gaz précédente prouve le contraire.

  18. Avatar de arthur

    Mais oui c’est ça, de manière générale, le résultat des avancées technologiques est d’AUGMENTER le taux de déplétion une fois le peak d’un champ atteins, et non de le ralentir, ce qui est vrai dans l’off shore en particulier. Mais enfin, question de courage ou pas de mea culpa sans doute 😉

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