Les problèmes posés par le réchauffement global de notre planète, en raison du forçage radiatif des gaz à effet de serre, mesuré à partir d’une base non polluée choisie sous le règne de Louis XV, vont dépendre de deux facteurs importants: tout d’abord des émissions de gaz directement dues aux activités humaines ou conséquences indirectes de ces activités, et d’autre part de la répartition de ces gaz entre l’atmosphère, les océans et autres eaux lacustres, la végétation et les sols. Alors que le premier paramètre peut être assez bien cerné dans le cas du dioxyde de carbone par les émissions dues à la combustion des énergies fossiles et à la production de ciment dans le monde, le second paramètre qui concerne la clé de répartition entre ciel, terre et mer est beaucoup plus difficile à quantifier.
Une première approche empirique consiste à comparer chaque année les émissions de CO2 dues aux activités anthropiques, rapportées à la teneur totale de gaz carbonique dans l’atmosphère, avec la croissance annuelle moyenne atmosphérique en dioxyde de carbone. Le ratio entre ces deux vitesses d’apparition et d’émission de gaz permet d’accéder à ce que les spécialistes appellent la fraction atmosphérique (airborne fraction) qui détermine la quantité de gaz qui chaque année se retrouve dans l’atmosphère. Un calcul simple des émissions anthropiques, depuis 1980, à partir des données de l’Energy Information Administration pour ce qui est des combustions d’énergies fossiles, auxquelles il faut ajouter les émissions dues à la production mondiale de ciment et rapportées à la teneur globale de ce gaz dans l’atmosphère, calculée à partir de la teneur globale en CO2 dans l’air sec fournie par le NOAA permet d’établir la courbe d’émission de gaz carbonique anthropique jusqu’en 2008 (FIG., courbe rouge). Il est possible de distinguer sur cette courbe deux époques. Entre 1980 et 2003 la croissance des émissions anthropiques est sensiblement linéaire, puis à partir de 2004, l’arrivée de la croissance économique de la Chine, accompagnée de la construction de multiples centrales au charbon (VOIR le diagramme des puissances installées) transforme complètement la donne et fait emballer les émissions mondiales de gaz carbonique. Venant de 0,7% au début des années 80, elles ont franchi le seuil symbolique de 1% en 2005 et elles ont atteint en 2008 avec 32,4 milliards de tonnes de gaz carbonique, 1,08% de la quantité de CO2 contenu dans l’atmosphère qui est de 3000 milliards de tonnes. La crise économique va stabiliser ce ratio en 2009, mais les besoins en énergie électrique de la Chine et d’autres pays d’Asie, comme l’Inde qui investit massivement dans les centrales au charbon, vont continuer à faire croître les émissions mondiales de CO2.
En parallèle avec ces émissions croissantes, la teneur en CO2 dans l’atmosphère poursuit son parcours parabolique mais sans changement réel de tendance. La variation annuelle de la teneur globale en CO2, publiée par le NOAA montre une croissance continue qui était de 0,36% en 1990 et qui est passée à 0,52% en 2008 (FIG., courbe violette). Mais tout se passe comme si l’absorption de CO2 par les océans et la végétation avait amorti l’accélération des émissions de dioxyde de carbone due à la Chine.
Ceci apparaît encore plus clairement lorsque on calcule pour chacune des années la fraction atmosphérique aFOSS en divisant vitesse d’émission du CO2 par la vitesse de croissance dans l’atmosphère. Ce ratio qui avait atteint 0,56 en 1998-2002 a plongé ces dernières années pour atteindre 0,49 en 2007 et 2008. Les terres et les mers absorbent en ce moment la moitié du CO2 émis par l’homme.
Dans une publication datant de 2008, Raupach et Col. ont réalisé une étude plus approfondie et détaillée où ils introduisent des émissions anthropiques dues aux changements d’utilisation des sols (Land Use Change ou LUC) provenant du déboisement et de l’extension des surfaces cultivables. Ils estiment, avec beaucoup d’incertitudes, ces émissions à 5,5 millards de tonnes de CO2 par an pour la période comprise entre 2000 et 2006. (Remarque: les savants estiment les émissions annuelles de CO2 en pétagrammes de Carbone, comme cela ils sont sûrs de ne pas être compris, ce qui est à la base de toute forte renommée scientifique). L’introduction chaque année d’émissions de ces 5,5 milliards de tonnes de CO2 dans les calculs conduit à modifier la courbe d’émission vers le haut (FIG.II, courbe rouge) et donc à faire baisser la fraction atmosphérique aE vers 0,42 (FIG.II, courbe pointillée verte).
Donc si l’on tient compte des émissions dues aux changements d’utilisation des sols ce sont 58% des émissions de gaz carbonique qui sont piégées dans les océans et la végétation. Notre calcul simplifié est en accord avec la valeur moyenne de 57% (aE=0.43) proposée par Raupach et Col.
Une étude toute récente de Thornton et Col. vient de se pencher sur le piégeage du CO2 par les sols et les plantes en introduisant un paramètre supplémentaire dans le développement de la végétation qu’est le cycle de l’azote. Cette étude complexe, sur un sujet mal maîtrisé, conclut que d’ici à la fin du siècle les sols auront de moins en moins tendance à piéger le CO2 et donc qu’une part de plus en plus importante se retrouvera dans l’atmosphère. Cependant leur modèle conduit pour la période passée de 1959 à 2006 à une fraction atmosphérique de 0,56 complètement en dehors de la plaque. Cette faiblesse porte atteinte à la confiance qui peut être accordée à ce travail.
Un examen attentif et si possible objectif sur tous ces travaux de simulation sur la répartition du CO2 dans la nature met en évidence tout d’abord une formidable incertitude sur les résultats annoncés. Il n’est pas rare de voir des résultats estimés varier du simple au double d’une publication à l’autre, à quelques années d’intervalle. Je pense que la principale faiblesse provient de l’insuffisance de résultats expérimentaux et de l’absence de mesures.
Pour évoluer positivement ces travaux doivent s’attaquer à un découpage fin de toute la surface de la terre, comme ont commencé à le faire les américains, et à conduire dans chacune de ces cellules, des mesures fréquentes de teneurs en CO2. Bien sûr, l’aide de satellites de mesures est indispensable pour mener à bien cette tâche. Ce n’est qu’à partir de ces milliards de valeurs que des programmes de consolidation des résultats ou de validation de simulations pourront être engagés, pour une meilleure compréhension des phénomènes.
On peut dire aujourd’hui que 50% +/- 5% du gaz carbonique provenant de la combustion des énergies fossiles et de la production de ciment sont retrouvés dans l’atmosphère. 30% +/- 10% sont absorbés par les océans et le restant est capté par la végétation et les sols à la merci des déboisements, des reboisements, de l’humidité et de la température ambiantes et bien d’autres paramètres agricoles. L’évolution des ratios de répartition entre ciel, terre et mer semblent varier d’une année à l’autre. Leur tendance longue d’évolution est incertaine. Mais tout cela n’empêche pas d’être certain que de brûler moins de charbon et de planter des forêts ira toujours dans la bonne direction.
LIRE le papier de Raupach et Col.
LIRE le papier de Thornton et Col.
Le 11 Octobre 2009
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