Faut-il encore croire aux prévisions de tous poils dans le domaine de l’énergie?

Nostradamus s’il revenait par je ne sais quel phénomène de balancier dans l’espace-temps, serait étonné de la pléthore de collègues qu’il devrait saluer et des formidables moyens informatiques mis à leur disposition pour calculer le futur. En effet il est une vieille croyance préhistorique, celle des prévisions qui est toujours d’actualité. Prévisions économiques bien sûr, démographiques, énergétiques ou climatiques, toutes les plus apocalyptiques les unes que les autres. Vous ne devenez célèbre qu’en prévoyant le malheur, le bonheur est réservé aux cartomanciennes de quartier. Avant c’était la mort du voisin ou du seigneur local, maintenant c’est celle de populations entières trop proches de la Mer et de ses moussons ou des Tropiques et de ses ouragans. La taille des catastrophes annoncées a évolué avec le nombre de térabits nécessaires à réaliser le papier du jour. L’outil mathématique n’est pas en cause bien sûr. Il extrapole, il infléchit, il équilibre les contraintes en fonction des données qu’on lui a confié. L’essentiel réside donc dans les données d’entrée, leur pertinence, leur pérennité, la réalité des relations. C’est là qu’est le talon d’Achille du prévisionniste de la grande Institution Internationale: il sait calculer, mais sait-il rêver? Possède-t-il la connaissance de ce qui va changer dans les technologies et le comportement de ses contemporains ou de leurs descendants? Garbage in, garbage out!

CERA-previsions-2009-2014 

Il a été montré ici (LIRE) bien des fois, combien un retour en arrière sur des prévisions oubliées et depuis remplacées par de nouvelles pouvait être destructeur pour de grandes officines peuplées de doctes savants. Il y a peu, l’exercice a été conduit pour le CERA en comparant ses prévisions de consommations de pétrole à un an de distance (FIG.I). Un an, c’est proche me direz-vous? Mais par les temps qui courent les divergences notées constituent une terrible leçon d’humilité. Toute prévision nouvelle devrait, en introduction, contenir un chapitre d’autocritique essayant d’expliquer pourquoi la prévision précédente s’est révélée erronée. Ce serait un gage évident de qualité, même si cela poserait quelques problèmes pour facturer la prestation à son client.

La complexité des moyens employés, le nombre de paramètres et d’interactions font qu’une critique des choix réalisés par le prévisionniste est difficilement possible par le non spécialiste. Alors le lecteur peut se faire une idée de la probable occurrence de la prévision en comparant plusieurs travaux et en vérifiant s’ils sont globalement en accord ou en désaccord. Mais même la proximité des conclusions de plusieurs travaux n’est pas une preuve de pertinence. Un exemple cuisant est la croyance unanime dans la croissance des consommations de pétrole dans le monde. Il y a deux ans de cela, ce n’est pas très loin pourtant, toutes les officines de prévisions annonçaient des consommations croissantes de pétrole dans le monde L’Agence Internationale de l’Energie en première ligne, portait le drapeau, pour annoncer chaque année des consommations croissantes, le tout à la deuxième décimale près, participant ainsi à l’instauration du climat de pénurie imminente annoncée par les tristes adeptes du peak-oil, caution évidente de la spéculation sur les commodities qui balaya l’économie mondiale en 2008. C’était pour motiver l’OPEP à produire plus.

AIE-prévisions-2007-2012

 Avec un peu plus de deux ans de recul sur les prévisions de l’AIE publiées dans son Medium Term Oil Market Report de Juillet 2007 il est possible de comparer ses prévisions de consommations de pétrole avec ce qui s’est réalisé depuis (FIG.II). Cette institution prévoyait une croissance continue des consommations de pétrole dans le monde, y compris dans les pays de l’OCDE où le gaspillage sévissait. Que peut-on constater aujourd’hui? Un peu plus de 5 millions de barils/jour d’erreur sur la valeur probable de 2009 et probablement 6 millions en 2010. Voila qui est sans appel. De plus l’erreur provient presque exclusivement des pays OCDE que l’AIE représente (courbes du bas). Un comble! Mais l’AIE pouvait-elle prédire la formidable spéculation sur le pétrole qu’elle a elle même engendré par ses prévisions farfelues et la crise économique qui en découlerait? Un délit de prévisions erronées en bande organisée serait-il à inventer?

Alors que demander à ces Agences pour que cesse leur délire prévisionniste? Je pense que leur principale obligation serait celle de la cohérence des prévisions.

Peut-on prévoir à la fois un accroissement des consommations de pétrole des pays riches de l’OCDE dans les décennies à venir et la baisse de leur population active au sein d’une population urbanisée et vieillissante.

Peut-on prévoir un accroissement des consommations mondiales de pétroles dans la décennie à venir en sachant qu’elles représentent près de 38% des émissions de CO2 dues à la combustion des énergies fossiles? Et cela, tout en faisant campagne pour une division par trois des émissions de CO2 dans le monde et en sachant qu’il faudra pour lancer le vaste mouvement mondial de réduction que les pays riches donnent l’exemple, même si pour l’instant ils renâclent à le faire.

On ne peut pas prédire une chose et son contraire. Les pays riches vont devoir réduire par trois au moins leur consommation de pétrole dans les décennies à venir. Les pays OCDE vont devoir se contenter d’une quinzaine de millions de barils/jour de pétrole à l’horizon 2040. Soyez certains que les bureaux d’études des constructeurs automobiles y travaillent activement. Les réglementations de plus en plus drastiques les obligeront à présenter des véhicules de plus en plus sobres en carburants, de plus en plus légers et de plus en plus électrifiés. Les contraintes sur la possession d’un véhicule orienteront les populations de plus en plus urbaines vers les transports en commun. Alors messieurs les prévisionnistes rêvez un peu et débrouillez-vous avec vos données d’entrée pour obtenir le résultat attendu! La réputation de vos officines en dépend.

Le 2 Novembre 2009

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