Pendant les travaux de Copenhague, la vente des centrales au charbon continue

 D’un côté la Grand-messe danoise avec des milliers de délégués qui ne savent pas trop pourquoi ils sont là, sinon pour faire nombre. Tout cela pour définir de vagues objectifs aux échéances lointaines, sans grande ligne politique, sans choix stratégique, sans plan d’action. D’un autre côté le business quotidien qui continue, « as usual »: Alstom vend une centrale au charbon de 600 MW à la Slovénie. « Ce contrat aura par ailleurs un fort impact local, en permettant de maintenir à pleine capacité la production de la mine de charbon voisine (qui aurait été autrement réduite de moitié) » affirme gaillardement le communiqué d’Alstom. L’équipement installé comportera « une chaudière à tour à passage unique, présentant des paramètres de vapeur ultra-supercritiques. » Tel finit le communiqué. On aurait aimé connaître les rejets de CO2 de cette nouvelle tranche, son impact sur le monde. Ultra-supercritique, cela signifie des températures vers les 600°C et des rendements de l’ordre de 45%. Alors il faut s’attendre à des rejets de CO2 vers les 900 kg/MWh nous indique la thermodynamique (FIG.), peut être moins (760 kg/MWh) si l’on tient compte de la teneur en hydrogène du charbon (4%), mais allez-savoir? Le communiqué est muet sur la question. Alors, il ne reste plus qu’à compter:

600MW x 8760 heures x 80% de taux de charge x 0,76 T/MWh = 3,2 milliards de tonnes de CO2 par an°.

°(Valeur revue à la suite de la remarque de Lucas et de la prise en compte de 4% d’hydrogène que j’assimile thermodynamiquement à 16% de méthane et non pas à 5%. Mais la valeur réelle des émissions d’une centrale doit être bien supérieure à ce calcul théorique si l’on tient compte des phases durant lesquelles la centrale ne fonctionne pas à son régime optimal en raison de baisses de charges, d’arrêts et de redémarrages)

Vous me direz, 3,2 milliards de tonnes de CO2 cela ne fait même pas un millième des émissions de l’Europe, alors personne n’y verra que du feu. Même pas les délégués du GIEC à Copenhague. Alors pourquoi tout ce foin?

FIG. Où il est montré qu’il vaut mieux brûler du gaz naturel avec des centrales à cycle combiné à 60% de rendement, plutôt que du charbon dans des centrales ultra-supercritiques à 45% de rendement. La courbe discontinue verte tient compte d’un gaz naturel contenant avant purification 20% de CO2

Centrale-charbon-gaz
 

LIRE le communiqué d’Alstom.

Le 10 Décembre 2009 (revu le 11 Décembre)
 

Commentaires

9 réponses à “Pendant les travaux de Copenhague, la vente des centrales au charbon continue”

  1. Avatar de I.Lucas
    I.Lucas

    une précision
    le contenu en Carbone d’une tonne de charbon est d’environ 725 kg
    la combustion du charbon bitumineux rejette 340g CO2/ kWh (pouvoir calorifique inférieur)
    le rendement de cette centrale est de 45%
    donc elle émet autour de 750 g CO2/kWh électrique produit
    c’est moins qu’indiqué.
    cela ne change pas le problème du charbon dont l’usage, pour produire de l’électricité reste peu coûteux.

  2. Avatar de Pascal
    Pascal

    Autre chose qui m’interpelle sur le sommet de Copenhague: ce sont les objectifs de réduction des émissions de CO2 d’ici à 2020.
    2020, une échéance bien trop proche à mes yeux, ne serait-ce le temps de la ratification du traité, si traité il y a. Évidemment qu’il est urgent d’agir mais est-ce une raison pour se donner des objectifs inaccessibles ? (inaccessibles car comme vous le soulignez le business actuel est encore loin d’être tourné vers l’écologie).
    Comme vous le dîtes si justement, plutôt que de fixer des objectifs de réduction, ce sommet devrait plutôt imposer des échéances au monde des affaires. Par exemple interdire toute construction de centrale au charbon sans procédé de captage d’ici 2015 (mais il y a alors un risque que les industriels lancent vite la construction de centrales avant la date fatidique).
    Pour moi la contrainte ne doit pas être sur les objectifs de rejets mais plutôt sur les technologies obsolètes à bannir.

  3. Avatar de ray
    ray

    Oui Lucas je connais bien ce chiffre de 750 kg de CO2/MWh qui court les blogs. Ce chiffre de 750kg serait obtenu, pour un rendement thermodynamique de 45% de la centrale, avec un mélange de 82% de graphite et 18% de méthane, ce qui me semble peut-être loin de la composition du charbon. C’est pour cela que je préfère prendre 850g qui correspond à un mélange 95% de graphite et 5% de méthane qui me semble plus proche de la composition théorique d’un charbon « pur ». Mais j’ai peut-être tort. Mes connaissances en charbon sont très limitées.
    Je me console en pensant que la réalité doit être bien au dessus de ces valeurs assez théoriques d’émissions en régime stabilisé et optimum. En effet, les arrêts et redémarrages doivent fortement écorner le score.
    Effectivement tant que les émissions de CO2 seront gratuites ou offertes, le charbon pour produire de l’électricité sera peu coûteux et c’est bien là un des problèmes majeurs de la politique énergétique européenne.

  4. Avatar de ray
    ray

    Pascal, il y a un autre procédé qui me semblerait efficace et qui est utilisé dans certains Etats américains, ce serait de fixer des valeurs max de CO2 par MWh vendu par les distributeurs d’électricité. Libre à eux de constituer leur mix énergétique. Je vois dans ces dispositifs deux intérêts: des objectifs progressifs et à très long terme peuvent être définis. Les industries ont le temps de s’adapter par les moyens qui leurs semblent les plus pertinents. L’autre intérêt est l’existence de deux métiers: celui de producteur et celui de distributeur. C’est au producteur de choisir la technologie qui lui permettra de vendre au mieux son énergie et au bon prix à ses clients distributeurs compte tenu des contraintes croissantes à venir sur le CO2. Bien sûr un tel système qui favoriserait le nucléaire est impensable aujoud’hui dans le climat anti-nuc du lobby pastèque allemand, mais les états d’esprits évoluent.

  5. Avatar de Harold
    Harold

    Une question me taraude au sujet du captage du CO2: La production d’électricité à partir de charbon mais avec captage du CO2 est-elle dès à présent moins chère que l’électricité éolienne? Je sais que la réponse est malaisée tant les configurations varient mais si j’avais des éléments de réponse, ce serait sympa. Derrière cette question, il y en a une autre: pourrait-on se passer complètement des éoliennes et produire notre électricité décarbonnée avec des centrales à charbon?

  6. Avatar de JP
    JP

    Bien sur.
    Il suffit de touiller le CO2 liquide avec des déchets nucléaires avant de l’injecter dans son réservoir de stockage.
    Ainsi, lorsque le réservoir finira par fuir, on sera très rapidement averti. Grace à cette astuce technique, le charbon décarbonné sera une technologie sure et propre.

  7. Avatar de Harold
    Harold

    Je ne veux pas prendre parti pour cette technologie: pour moi, dans un monde idéal, les énergies fossiles doivent servir (métal, béton, plastique) à produire les équipements qui produisent de l’énergie (le tout électrique). Mais, à court, moyen terme, je me pose des questions sur la rentabilité du captage du CO2 dans les centrales à charbon par rapport à l’électricité éolienne (la plus proche de la Grid parity sans stockage), pour un même coût de la tonne de CO2. Et de toute façon, il faudra encore longtemps amortir avec le fossile la fluctuation de la part marginale des énergies renouvelables. Le risque n’est-il pas que ces nouvelles centrales remplacent peu à peu les éoliennes qu’elles sont censées pallier!!

  8. Avatar de ray
    ray

    Harold, pour parler prix de revient par tonne de CO2 encore faudrait-il avoir défini un procédé industriel de CCS. Pour l’instant on en est à brancher quelques pilotes qui captent quelques pourcents de gaz émis de diverses centrales. Les tests devraient durer jusqu’en 2015. alors seront finalisés des procédés qui verront industriellement le jour en 2020. Je pense donc qu’il faut rester cool sur le CCS.
    Pour le coût, une étude d’Emerging Energy Research a estimé une fourchette ente 38$/T et 85$/T.
    Alors, aujourd’hui prendre 50$ la tonne ne me semble pas débile.
    Je pense que de vouloir brancher un CCS au cul d’une vieille centrale est une stupidité. C’est comme si tu mettais un pot catalytique sur une Peugeot 403. Dans les faits, si les conditions économiques le permettent, ce sont de toutes nouvelles centrales qui seront construites sûrement de type IGCC où l’on traite le gaz issu de la houille avant combustion dans des turbines à cycle combiné. On peut ainsi traiter proprement un gaz refroidi et épuré. De plus le cycle combiné conduit à des rendements beaucoup plus élevés et donc à utiliser moins de charbon et à traiter moins de gaz par MWh.
    Ce sont de nouveaux process complets qui seront probablement disponibles vers 2020.

  9. Avatar de ray
    ray

    Lucas, j’ai modifié mon papier à la suite de votre remarque en prenant 760 kg/MWh ce que me donne le calcul thermodynamique en assimilant en première approximation les 4% d’hydrogène à 16% de méthane mélangé à du graphite.
    Mais la correction joue peu et n’entache pas la conclusion: brûler du charbon est une immense connerie écologique.

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