Le gaz russe trop cher et trop dépendant du passage par l’Ukraine subit quelques revers

L’Agence Internationale de l’Energie vient de publier une carte interactive des circuits d’approvisionnement de gaz en Europe que ce soit par gazoduc ou sous forme de GNL. Ce nouvel outil informe mois par mois des volumes de gaz transitant par les stations de comptage volumétriques aux frontières ou par les stations de regazéification sur les côtes européennes. Le rôle de l’Ukraine dans l’accès au gaz russe est ainsi quantifié avec les stations de Velke, entrée vers la Slovaquie, et de Berecdaroc, entrée vers la Hongrie qui ont assuré 25% des approvisionnements de gaz de l’Europe en 2008. Les approvisionnements en gaz russe bien que protégés par des accords à long terme de « take or pay » et dont les prix sont indexés sur les cours du baril de pétrole, sont fortement perturbés par une demande conjoncturelle moins pressante des pays européens, des menaces de ruptures de flux en Ukraine mais également par la concurrence du GNL, vendu à vil prix sur le marché spot mondial. Le monde regorge de gaz naturel et cet état de fait ne peut que handicaper la politique oligopolistique gazière de l’Ours russe et de ses amicaux concurrents que sont essentiellement aujourd’hui la Norvège et l’Algérie.

Europe-réseaux-gaz-IEA-2009

RIA Novosti nous informe en cette fin d’année, sorte de marronnier journalistique de Noël, que l’Ukraine n’aurait plus les moyens de payer son gaz. L’autre info provient du Vice Premier Ministre Viktor Zubkov qui vient d’annoncer officiellement que le programme Shtokman en Mer de Barents était en train de prendre du retard. Rappelons que ce gisement qui doit être développé avec l’aide de StatoilHydro et de Total doit alimenter tout d’abord le futur gazoduc Nord Stream vers l’Allemagne mais aussi fournir du GNL pour le marché mondial, essentiellement non européen. Ce deuxième volet se heurte aux développements des gaz de schistes bitumineux et autres « coal bed methane » américains mais aussi à la concurrence du Qatar et potentiellement de l’Iran dont le GNL est tout de même plus facile à extraire et à conditionner que celui de la Mer de Barents.

Toute la problématique autour de l’approvisionnement du monde en gaz naturel dans lequel la Russie est un acteur certes important, avec sa place de N°2 derrière les Etats-Unis, mais dont l’influence pourrait se réduire au cours du temps, doit être appréhendée dans un contexte de fort développement prévisible de la demande. Le gaz naturel va devenir la première ressource d’énergie primaire au monde en raison de son abondance, de son prix, de la multiplicité des moyens d’approvisionnements et de la contrainte climatique qui va condamner progressivement l’usage du charbon. Leonardo Maugeri de chez ENI a rappelé tout récemment cette évidence au MIT, bien qu’encore peu partagée. L’Europe doit accompagner cette évolution qui va se dérouler sur les deux à trois décennies à venir. Pour cela, dans le cadre d’une politique énergétique européenne qui reste à construire, elle doit se désengager de la contrainte ukrainienne et donner plus de poids aux approvisionnements de GNL en développant les stations de regazéification et de stockage sur ses côtes. Le stupide abandon par le Gouvernement français du projet d’usine de regazéification du Verdon est l’exemple même de ce qu’il ne faut pas faire, même pour de basses raisons électoralistes.

ACCEDER à la carte interactive de l’IEA.

Conférence de Maugeri au MIT

Le 26 Décembre 2009

Commentaires

9 réponses à “Le gaz russe trop cher et trop dépendant du passage par l’Ukraine subit quelques revers”

  1. Avatar de el gringo

    La France consomme actuellement environ 50 milliards de m3 de gaz naturel dont 17 milliards sont importés par voie maritime et possède actuellement une capacité de d’importation de 32 milliards de m3 pour ses ports méthaniers qui sont encore loin d’être saturés.
    De plus, de nombreux projets sont en cours de réalisation pour augmenter rapidement cette capacité et il était évident que tous les projets n’iraient pas à terme:
    le nouveau port méthanier d’Antifer 9 milliards de m3
    le nouveau port méthanier de Dunkerque 13 milliards de m3
    agrandissement de Fos-Cavaou (passage de 10 milliards de m3 actuel à 12.5 en 2012 puis 16 en 2014).
    agrandissement de Nantes-Montoir (passage de 10 milliards de m3 à 16 en 2013).
    Soit une capacité supplémentaires de 34 milliards de m3 (ou 66 au total) pour 17 importés aujourd’hui. Un port méthanier supplémentaire se justifiait’il encore ?
    Le projet semblait aussi très mal très monté et le financement passe sous silence certains coûts comme le transport du gaz ensuite. Il faudrait en effet construire un gazoduc pour relier le port méthanier du Verdon aux réseaux de grands gazoducs existants pour un coût 500 millions d’euros qui curieusement n’aurait pas été à la charge de 4Gas mais de TIGF (filiale de GDF). Ce coût représente la moitié du coût du port d’Antifer (gazoduc inclu).
    Sur les raisons de sécurité : tous les ports méthaniers sont situés à plusieurs kilomètres des habitations alors que le port du Verdon aurait été situé à seulement 450 mètres des premières habitation et à 800 mètres de la ville de Verdon. Une catastrophe de type AZF aurait eu des conséquences plus que dramatiques d’autant plus que les moyens de secours sont très limités dans la région pour y faire face.
    Les raisons électoralistes n’ont jamais empêché la réalisation de ports méthaniers. Le référendum sur l’agrandissement de Fos-Sur-Mer qui a abouti à 98% de NON par la population locale (située à plus de 3 km) n’a nullement empêché les travaux d’agrandissement. Pour une région comme la Gironde, un port méthanier (avec la pollution qui y est liée comme à Fos) aurait eu des conséquences touristiques bien plus négatives sur l’économie locale que la création de 30 à 40 emplois promis par le port méthanier. Il est facile de le comprendre.
    Mais la principale raison de ce rejet n’est-elle pas surtout le fait que la compagnie 4Gas est une société néerlandaise (filiale de Carlyle-Riverstone) ce qui n’est pas du goût d’EDF ou de GDF-Suez qui sont les principaux opérateurs des autres ports méthaniers? D’autant plus qu’aucun appel d’offre publique n’a eu lieu par la Mairie de Bordeaux sur la réalisation de ce port pour comparer les coûts et les propositions. On peut se poser certaines questions entre les relations entre 4Gas et la mairie de Bordeaux (qui n’est pas en odeur de sainteté depuis 2007 à l’Elysée) qui aurait toucher les dividendes d’une installation située à 100 km de Bordeaux sans la financer.
    C’est peut-être le fin mot de l’histoire.
    http://blog.charentelibre.com/journal/index.php?post/2009/07/30/3542-terminal-methanier-du-verdon-4gas-ne-renonce-pas-et-menace

  2. Avatar de ray
    ray

    Merci El Gringo de nous avoir expliqué pourquoi les Politiques français parisiens ont une fois de plus choisi de ne rien faire pour essayer de développer une région du « bout du monde » en désaccord avec les dirigeants politiques locaux. 30 ou 40 emplois de plus ou de moins et quelques dizaines de millions de Valeur Ajoutée sont bien peu de chose dans un pays en plein déclin industriel. Bien sûr les manifestations des écolos pastèques menées par José Bové et les pressions des élus d’en face, ceux de Charente-Maritime, n’ont eu aucun rôle à jouer dans la décision. Pourtant votre lien semble expliquer clairement leur réaction. Les autochtones continueront donc à attraper leurs mycoses et autres turistas estivales écologique en se baignant dans les eaux polluées de la Gironde. Mais c’est vrai, vous avez raison, les élus Girondins n’ont jamais eu la cote auprès des dirigeants de notre République, fut un temps où certains représentants y ont même perdu leur vie.
    En attendant la Société 4Gas demande 320 millions d’euros d’indemnité devant le Tribunal Administratif de Bordeaux.
    http://www.wk-transport-logistique.fr/actualites/actualites_detail.php?action=detail&val=20620&label_donnee=Terminal+m%C3%A9thanier+du+Verdon+%3A+4Gas+r%C3%A9clamerait+320+millions+d'euros+d'indemnit%C3%A9s

  3. Avatar de el gringo

    On peut déjà se poser la question sur la nécessité d’avoir 70 milliards de mètres cubes (mmc) de capacité de regazification dans un pays qui consomme 50 mmc de gaz par an dont 17 seulement sont importés par voie maritime (et nécessite donc une regazification soit un taux de 50% d’utilisation des capacités existantes qui sont de 34 mmc).
    Cela fera un excédent de plus de 50 mmc de capacité de regazification en 2015. A qui souhaitez-vous vendre ce gaz sachant que les autres pays européens sont aussi très largement en sur-capacités? Nos dirigeants auraient-ils décidé l’arrêt du nucléaire et son remplacement par le gaz naturel à partir de 2015? Et même dans ce cas on resterait encore en surcapacité (1 m3 = 11 Kwh donc 50 mmc –> 550 TWh soit plus que toute la production nucléaire française).
    La décision du Maire de Bordeaux (qui est à 100 km de Verdon) et qui se voyait déjà le roi du gaz via le GPMB, n’engage que sa responsabilité dans cet affaire. Il est difficile d’imaginer une affaire aussi mal montée. Aucune étude sérieuse à la base, pas d’appel d’offre ou de mise en concurrence, des décisions unilatérales d’un maire tout puissant, des études tronquées menées par 4Gas, un financement mystérieux des infrastructures nécessaires, un mépris complet de l’économie locale basée sur le tourisme et des habitants de la région, aucune clause de sortie ou de garantie dans les contrats signés.
    Un très grand nombre d’élus des 2 rives de la Gironde se sont réjouis de cette décision. Le seul politicien à mettre en cause est le maire de Bordeaux dont l’amateurisme dans cet affaire est inexcusable pour un homme de son expérience. Il est évident que les juristes de 4Gas (qui est une filiale de la compagnie américaine Carlyle) ne feront qu’une bouchée devant les tribunaux face à autant d’amateurisme.
    Il est vrai que pour les habitants de Bordeaux, les affaires liées à la gestion du gaz a toujours été un insondable mystère alors que la ville de Bordeaux a toujours été très bien alimentée en gaz.
    http://usagersgdb.unblog.fr/2009/02/17/labonnement-explose-2/

  4. Avatar de ray
    ray

    Ne vous en faites pas El Gringo, nous achèterons du gaz à l’Espagne qui elle aura ses terminaux de regazéifications opérationnels pour alimenter le grand Sud-Ouest du TIGF.
    Il faudra bien un jour en France fermer la centrale EDF de Cordemais la plus polluante de France et la douzaine de ses homologues appartenant à EDF ou à d’autres opérateurs héritiers des vieux tromblons des ex-Charbonnages de France.
    Remarque: vos 11 kWh par m3 de gaz me semblent être un peu forts et n’oubliez pas que ce sont des kWh thermiques et non électriques.

  5. Avatar de anonymous56
    anonymous56

    Concernant la construction d’un port méthanier pas loin de Bordeaux, n’y aurait-il pas un lien quelconque avec Gaz de Bordeaux ( http://fr.wikipedia.org/wiki/Gaz_de_Bordeaux ).
    Bordeaux n’est pas desservi par GDF comme Grenoble (http://toubib.blogs.sudouest.com/archive/2009/01/08/gaz-de-bordeaux-l-arnaque.html). Surement des raisons historiques suite à la nationalisation complète de la production d’énergie apres la seconde guerre mondiale.
    Ils reste hors EDF-GDF : Gaz de Bordeaux, Gaz de Grenoble, Electricité de Strasbourg et peut-être d’autres …
    De plus les usagers de GDB ne sont pas contents : http://usagersgdb.unblog.fr/
    Dans tout cette histoire, ne faut-il pas voir que 4Gas (qui est une société néerlandaise – filiale de Carlyle-Riverstone) cherche à prendre le pouvoir chez GDB à terme et avec son terminal méthanier du Verdon à devenir un producteur/distributeur d’énergie en France ?

  6. Avatar de anonymous56
    anonymous56

    Les sociétés de production d’énergie de plus de 100 personnes en France sont listées ici :
    http://www.senat.fr/rap/a03-387/a03-3878.html

  7. Avatar de JP
    JP

    Vu la configuration géographique de cette région, le Médoc, je ne vois pas l’intérêt d’y pousser le développement industriel.
    Il y faudrait éternellement des subventions, sans lesquelles aucune industrie n’aura jamais intérêt à s’implanter dans un tel trou, qui restera toujours à l’écart des voies de communication (à cause de la Gironde), et qui serait bien en peine de fournir ou d’attirer du personnel très qualifié.

  8. Avatar de Romain
    Romain

    Bonjour,
    On peut déplorer l’ « amateurisme » et le manque de sérieux de certains politiques, au vu des propos cités précédemment.
    Ce type d’investissement doit être mûrement réfléchi et étudié dans ces moindres détails.
    Je reste néanmoins favorable à ce genre d’installation. Les retombées économiques ne sont pas négligeables. 500 M€ d’investissement, en région bordelaise, imaginez la charge de travail que cela représente pour les entreprises de travaux locales !!
    Concernant la dernière remarque sur le personnel qualifié, je travaille dans ce milieu du gaz, et entre Dunkerque et le Verdon, je préfèrerai largement bosser dans le Sud Ouest…
    Je reconnaîs bien là une remarque habituelle des habitants du SO, refusant tout développement économique de leur région afin de sauvegarder leur qualité de vie (et dans un sens ils ont bien raison !).
    Laissons les industries lourdes aux nordistes et marseillais… ils ont bien dû le mériter.

  9. Avatar de ray
    ray

    Romain, il existe des gars dans le Sud-ouest et en particulier dans le Médoc qui ne demandent qu’à bosser. Je pense qu’une approche moins électoraliste aurait su concilier industrie et environnement dans ce large estuaire. Mais la création d’emplois productifs dans le Sud-ouest n’est pas le créneau de José Bové. Et le gouvernement ne refuse rien à José en ce moment! Ses désirs sont des ordres.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *