Pour rendre acceptable l’imprévisibilité des énergies renouvelables, les centrales classiques européennes devront progresser en flexibilité

 La montée en puissance des énergies renouvelables éoliennes et solaires en Europe va poser d’immenses problèmes de fiabilité et de stabilité des réseaux. Dans une présentation du mois de Décembre dernier, l’électricien allemand RWE, célèbre pour être le premier émetteur de CO2 de son pays, a présenté à la fois ses objectifs de réduction progressive des émissions de CO2 par ses centrales mais aussi les progrès à accomplir pour les rendre plus flexibles devant une demande nette de plus en plus imprévisible. En effet vu des centrales classiques de type nucléaire ou à combustion à flamme la contribution des énergies renouvelables intervient comme une réduction très aléatoire de la demande, en particulier pour la composante éolienne. La représentation de la demande heure par heure en 2008 en Allemagne illustre parfaitement la variabilité de la demande horaire nette (FIG.I). Remarque: cette figure met également en évidence (courbe verte) ce que représente dans la réalité la génération d’une puissance éolienne installée théorique de « 24GW » en Europe du Nord.

Allemagne-demande-éolien-2008

 RWE insiste également sur le fait que l’éolien en Europe du Nord est très peu efficace quand il fait très chaud ou très froid (périodes de hautes pressions) et que les éoliennes sont débrayées dans les cas de vents trop violents. Cette très forte variabilité (ou volatilité en anglo-saxon) de la demande nette conduit à une très forte variabilité des prix du MWh qui oscille dans les cas extrêmes entre +500 euros et -500 euros. Durant 60 heures sur 12 mois entre 2008 et 2009, les cours du MWh passant en négatif, un opérateur a pu gagner de l’argent en stockant de l’énergie!

RWE-pente-CCGT  RWE se fait fort devant ce problème d’introduire de la flexibilité dans ses centrales qu’il quantifie par l’amplitude de la variation de puissance entre minimum et maximum, mais aussi par la pente de variation de puissance exprimée en GW/minute. Cet électricien affirme pouvoir atteindre 27 MW/minute dans les centrales au charbon, 30 MW/minute dans les centrales au lignite, 38 MW par minute dans les centrales au gaz à cycle combiné (FIG.II) et prend même l’exemple des centrales nucléaires françaises qui peuvent assurer des variations de puissance de 63 MW/minute.

L’électricien allemand illustre donc les progrès à accomplir entre 2008 et 2013/2014 en termes de réduction des émissions de CO2 et de flexibilité de ses centrales (FIG.III). Ce programme concerne 9000 MW de puissance électrique.

RWE-progrès-2008-2014

CONSULTER la très intéressante présentation de RWE qui essaie de démontrer qu’on ne pourra pas remplacer toutes les centrales au lignite allemandes par des centrales au gaz à cycle combiné, ce qui pourtant, du point de vue flexibilité et réduction des émissions de CO2, s’imposera un jour comme une solution évidente.

Le 5 Février 2010
 

Commentaires

8 réponses à “Pour rendre acceptable l’imprévisibilité des énergies renouvelables, les centrales classiques européennes devront progresser en flexibilité”

  1. Avatar de Dr. Goulu

    Je m’étonne de ne pas voir l’hydroélectricité mentionné dans l’article, solution propre permettant à la fois la flexibilité et le stockage par « pompage/turbinage » en Suisse ou « STEP » en France. En Suisse, plusieurs installations gagnent beaucoup d’argent depuis de nombreuses années sur le différentiel de prix jour/nuit. Les deux éoliennes les plus puissantes de Suisse sont d’ailleurs comme par hasard situées à proximité immédiade d’une centrale de pompage/turbinage, qui est obligée par la loi de leur acheter leur courant nocturne au quadruple du prix du marché et de le revendre en pointe pratiquement sans marge. Ou comment une énergie renouvelable en finance une autre …
    A part ça, d’où proviennent les tarifs électriques mentionnés, en particulier les « prix négatifs » ? Je connais http://www.powernext.com/ d’où j’avais tiré quelques courbes intéressantes (http://drgoulu.com/2009/03/05/la-voiture-electrique-ne-sera-pas-solaire/ ), mais je n’y avais pas vu de prix négatifs…

  2. Avatar de ray
    ray

    Docteur, les prix proviennent de l’article de RWE qui doit normalement savoir de quoi il parle.
    Quand à l’énergie hydraulique gravitaire dont on doit reconnaître toutes les qualités que vous mentionnez justement, je ne suis pas sûr que d’importantes ressources complémentaires soient encore disponibles au sein de l’Europe de l’Ouest en raison des limites géographiques et de l’attachement des populations à la protection des sites alpestres.

  3. Avatar de Christian
    Christian

    Passionnante étude !
    Je n’ai pas encore fini de lire, mais un commentaire à chaud me vient immédiatement à l’esprit :
    quelle est donc cette flexibilité sur le graphe repris ici, qui laisse entendre que le nucléaire est « modérément » flexible, alors que p68 et 69 on trouve les chiffres suivants :
    – CCGT neuf : +/- 38 MW/min
    – nucléaire : +/- 63 MW/min
    Le second chiffre me paraît exagéré (j’avais en tête 4% de la puissance nominale par minute), certes. Cependant, on voit bien que la « lourdeur », l’inflexibilité du nucléaire est une légende.
    Où l’on voit qu’une fois de plus, EnR et nucléaire ne sont pas antagonistes mais complémentaires…

  4. Avatar de el gringo
    el gringo

    Attention à ne pas confondre puissance thermique et puissance électrique produite. Les normes limitent les variations à 3% par minute sur environ 10% de la puissance pour un centrale nucléaire.
    Dans les faits, une centrale nucléaire de 900 MW est utilisée en réalité plutot à 810 MW (qui est sa puissance optimale) avec des variations de +/- 70 MW.
    Le démarrage à froid d’une centrale prend 24 heures et il faut environ 5 heures à chaud pour passer de 50 MW à 810 MW. Il faut plus d’une heure pour stabiliser un réacteur à une puissance donnée et « gommer » certains phénomènes indésirables.
    En cas de nécessité, les centrales nucléaires ont aussi la possibilité d’utiliser des circuits de décharge jusqu’à 85% de la puissance thermique si nécessaire.
    Des variations de puissances trop rapides ou trop fréquentes ont aussi des effets sur la durée de vie du matériel comme par exemple le fretting provoquant des fissures dans les barres de combustible ou l’usure prématurée des échangeurs de chaleur.
    http://www.wise-paris.org/francais/rapports/030206-NoteCattenomVLYM-cor.pdf

  5. Avatar de Christian
    Christian

    Pour El Gringo :
    Je ne comprends pas le sens de votre commentaire…
    Nous sommes d’accord sur les valeurs des vitesses de variation de puissance. Mais quoi ? Les considéreriez-vous comme « théoriques » ou « virtuelles » ?

  6. Avatar de el gringo
    el gringo

    Un réacteur de 1000 MW produit en réalité 3000 MW de chaleur dont seulement environ 1/3 est transformé en électricité (dans le meilleur des cas à la puissance optimale).
    Quand on parle de variation de puissance, il s’agit de puissance thermique et non électrique. Les 63 MW de variation cités représentent au mieux 21 MW électriques pour le nucléaire et cela reste très théorique.
    Dans la réalité, la variation de puissance thermique d’un réacteur ne doit pas dépasser pas 1% par minute même si des valeurs plus élevées sont possibles (mais donne lieu à un incident auprès de l’ASN au dela d’un certain seuil). En exploitation normale, il faut plusieurs heures pour passer un réacteur de 30% à 100%. La réglementation limite les variation à 40 MW/minute lors des phases de montée ou de baisse de puissance et ensuite limite les variations de puissance autour de 8% (soit environ +- 70 MW électrique) autour de la puissance optimale qui par exemple est de 810 MW pour un réacteur de 900 MW et encore avec des périodes de stabilité.
    C’est comme pour une voiture, ce n’est pas parce que vous pouvez passer de 0 à 100 en quelques secondes que vous allez le faire à chaque feu rouge. Il vaut mieux avoir le pied léger sinon votre moteur risque de ne pas durer bien longtemps. C’est le cas des centrales françaises qui ont des taux d’usure assez élevés en raison d’une production fonctionnant principalement en suivi de charge.

  7. Avatar de Christian
    Christian

    Excusez-moi mais votre explication n’est pas très claire : vos 63 MW, c’est thermique ou électrique ? Thermique forcément, puisque vous en prenez le tiers pour obtenir 21 M ! Mais les 70 MW que vous citez plus loin, c’est bien la puissance électrique…
    En outre, les transitoires après arrêt ne sont pas la question ici : il s’agit bien de suivi de charge, par un parc de réacteurs en fonctionnement dans la plage 80-90 % de la puissance nominale ; nous sommes d’accord je crois.
    Vous citez donc à nouveau la valeur de 70 MW électriques/min lors d’un fonctionnement en puissance, tout en niant qu’elle soit utilisée. Pourtant, elle l’est. Pas sur tous les réacteurs : effectivement il y a des contraintes d’usure, d’économie, qui font porter la variabilité sur certains réacteurs et pas sur d’autres. Cela, d’ailleurs, appelle des chargements en combustible différents.
    Tous les réacteurs ne sont effectivement pas « configurés », chargés (et donc autorisés) pour faire du suivi de charge important. L’exploitant -EdF- a choisi pour cela ceux qui l’arrangent (économiquement), et fait produire la base à d’autres. Chaque réacteur se voit définie une « participation » au suivi, et c’est le centre de dispatching qui envoie le signal de réglage aux réacteurs qui sont en mode « suivi ». Ce réglage, dit parfois « télé-réglage » est aussi dit « secondaire », car il agit directement sur l’alimentation en vapeur de la turbine.
    Le réglage « primaire », c’est celui qui est prévu à l’avance -communiqué chaque jour- et qui se fait en agissant directement au niveau de la réactivité du coeur.
    Les réacteurs qui sont en mode suivi permettent effectivement de suivre chacun les 70MWelec/min pour les réacteurs N4 de 1450 MW, et 45 MW/min pour les réacteurs CP0 de 900 MW (suivi à 5% de la puissance nominale par minute).
    Si on considère approximativement que le suivi concerne 1/3 du parc, cela donne quand même une capacité totale de suivi d’environ 1000 MW/min à 1400 MW/min, et cela peut durer plusieurs dizaines de minutes.
    (par comparaison le barrage de Grand-Maison c’est 1400 MW/min, mais sur 1 min seulement puisque le puissance nominale, c’est 1400 MW…).

  8. Avatar de ray
    ray

    Docteur Goulu, ci-joint un article de Bloomberg qui parle des tarifs négatifs en Allemagne.
    « On windy nights in northern Germany, consumers are paid to keep the lights on. »
    http://www.bloomberg.com/apps/news?pid=20602099&sid=aN3l7ImXELEY

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