La France va-t-elle mettre fin à la décennie du commerce perdu?

 L’INSEE nous apprend, avec son sens proverbial du court terme, que le PIB de la France au premier trimestre de cette année ne s’est apprécié que de 0,1 point malgré une contribution positive de 0,4 point du solde du commerce extérieur en nette progression. En effet ce dernier est glorieusement passé de -12,9 milliards d’euros au T4 2009 à la bagatelle de -10,9 milliards d’euros au T1 2010. Effectivement la variation de cet agrégat économique fortement  négatif est positive.

 Afin de mieux comprendre les tendances à long et moyen terme du solde du commerce extérieur de la France il est bien sûr indispensable de prendre du recul, sur la base des chiffres longs de l’INSEE (FIG.I). On s’aperçoit alors que depuis 1998, Lionel Jospin  était alors depuis peu à la direction des affaires, le solde du commerce extérieur est passé en une grosse décennie d’un excédent maximum, mesuré sur 4 trimestres mobiles, de 32 milliards d’euros à un déficit de 54 milliards d’euros en 2009. Ce sont donc 86 milliards annuels d’importations en plus ou d’exportations en moins qui se sont venus plomber les comptes du commerce extérieur en 11 ans, avec une chute particulièrement impressionnante à partir de 2003.

Solde-commerce-1980-2010
Alors, ce dont parle l’INSEE dans son communiqué, c’est du tout petit rebond en bas à droite de la courbe qui on le voit est mal en point depuis bien longtemps. Mais, faut-il prendre au sérieux ce léger rebond d’après crise?

Cela va dépendre des acteurs économiques et politiques de notre pays. L’arrêt d’une politique poussant à l’absurde la consommation (les Français n’ont jamais autant acheté de voitures qu’en 2009, année de crise,….le plus souvent produites hors de France) et dissuadant les investissements productifs par d’anciennes règlementations sociales et fiscales trop strictes. Le nécessaire transfert progressif des charges de solidarité du travail vers la consommation. La fin d’une croyance naïve qu’une activité industrielle écologique peut sortir du néant industriel grâce à quelques « grenelles » plus ou moins bidons. La reconnaissance que tout effort de recherche et d’innovation ne verra ses effets dans les chiffres de nouveaux business que dans 15 à 20 ans. Tous ces paramètres seraient de nature à rendre optimiste sur un éventuel retournement de tendance. Nos contemporains sont de nature à comprendre que de vivre à crédit n’est peut-être pas la meilleure des voies à poursuivre, encore faudrait-il leur en parler avec plus d’objectivité et de bon sens, toute débilitante méthode Coué de droite ou de gauche étant vouée à l’échec.

LIRE le communiqué de l’INSEE

Le 28 Juin 2010

Commentaires

9 réponses à “La France va-t-elle mettre fin à la décennie du commerce perdu?”

  1. Avatar de el gringo
    el gringo

    Sans doute à mettre en relation avec le cours de l’euro qui est passé de 0.85 dollars en 2000 à 1,60 en 2008 avant de baisser soit près de 50% de perte de productivité en 8 ans.
    http://www.boursorama.com/graphiques/graphique_histo.phtml?form=OUI&mo=0&code=EUR/USD&choix_bourse_graf=exchange:4403&tc=3&duree=120&pe=0&te=0&grap=AFFICHER&is=2&mm1=50&mm2=&mm3=&comp=0&indiceComp=1&codeComp=&choix_bourseComp=exchange:4403&i1=1&i2=0&i3=0&st=6

  2. Avatar de I.Lucas
    I.Lucas

    El Gringo a raison de mettre en avant l’évolution du cours euro/$.
    La France a des exportations plus sensibles aux prix que l’Allemagne.
    Deux autre points ont joué un rôle :
    – l’introduction de la TVA sociale en Allemagne : cette réforme a simultanément fait baisser les prix du made in Germany et arrêté la croissance du pouvoir d’achat des allemands, notre premier marché
    – les délocalisations de l’industrie automobile, Renault en tête

  3. Avatar de Olivier
    Olivier

    on peut donc affirmer qu’il y a eu une baisse de compétitivité de l’économie Française. On paie les 35 heures.

  4. Avatar de Ray
    Ray

    et perte de confiance des grands Groupes Industriels dans l’aptitude des politiques de notre pays à créer les conditions favorables au développement industriel (taux de change, législation du travail, impôts et charges, règlementations environnementales, etc.)
    Un exemple récent: la stupide taxe carbone dont on a tant parlé bien inutilement qui selon certains devait s’élever à 20 euros la tonne de CO2, à 30 euros pour d’autres, à 50 euros pour les plus audacieux est un impôt ridicule en France si on la compare à la TIC qui s’élève à plus de 300 euros TTC par tonne de CO2 pour l’essence et à près de 200 euros la tonne de CO2 pour le diesel (http://www.leblogenergie.com/2010/04/pour-une-expression-de-la-tipp-en-euros-par-tonne-de-co2.html)
    C’est en comparant de tels chiffres méconnus que la démagogie électoraliste de bas étage peut être démasquée. Mais en attendant les usines se barrent!

  5. Avatar de I.Lucas
    I.Lucas

    @ Olivier
    Parler des 35 heures c’est ne pas regarder ce qui s’est passé en dehors de la France!
    – On n’est pas un pays à monnaie forte :
    une hausse de l’Euro de 10% par rapport au cours de référence 1 euro = 1,22 $, fait baisser la croissance de 0,7% par an pendant au moins 3 ans (selon des modèles de court terme)
    l’EURO est monté presque jusqu’à 1,6$
    pour simplifier à 1€=1,52 $ on a perdu 2% de croissance par an c’est à dire presque tout le potentiel de croissance
    celà joue beaucoup plus que les 35 heures
    Le fait d’avoir une monnaie unique, sans objectif de taux de change (comme la Chine) et sans qu’un Etat joue le rôle de stabilisateur (comme l’Etat central chinois ou le fédéral au USA) est une contrainte majeure, dont on n’a pas tiré toutes les conséquences
    autre point : le cours du pétrole
    par rapport au prix de référence de 2005 : 35$
    une hausse de 20% fait baisser le PIB de 0,2% par an pendant au moins 3 ans
    le seul facteur de croissance a été la baisse des taux : une baisse des taux de 1% favorise une croissance de 0,7 à 1% par an.
    Cette baisse des taux a favorisé la croissance dans les secteurs à l’abri de la concurrence : la construction.
    Cette croissance de la construction a été bien plus forte en Espagne où les évolutions ont étés encore plus forte qu’en France : plus de croissance, plus de construction, plus de déficit extèrieur et plus forte chute depuis 2008

  6. Avatar de Ray
    Ray

    Lucas vous devriez parler aussi de la formidable chute des emplois industriels et de la valeur ajoutée dans l’industrie…vous constateriez alors que l’impact psychologique des 35 heures a été dévastateur pour le secteur industriel français. Une décision d’investissement dans un lieu donné nécessite que les acteurs aient confiance dans le système politique et économique en place. Les 35 heures ont largement écorné toute éventuelle confiance en la France. Le japonais Teijin va investir en Allemagne pour servir Airbus en matériaux composites…ce n’est pas par hasard. Et pourtant la France aurait pu devenir le « cluster » des matériaux composites en Europe, ce ne sera pas le cas.

  7. Avatar de I.Lucas
    I.Lucas

    @ray
    La décision de l’Allemagne, en 2004, de faire la « TVA sociale » cad de baisser les charges sur le travail et d’augmenter celles sur la consommation a eu un effet majeur voir le graphique n°1 sur l’étude de Natixis
    http://gesd.free.fr/flas0131.pdf
    Les 35 heures sont une contraintes dans certains secteurs dans lesquels il y a une pénurie de travail qualifié ; le reste …

  8. Avatar de Olivier
    Olivier

    Lucas, l’euro fort est un problème ? pourtant avant l’euro on vantait les mérites du mark fort. Je ne comprends plus. Et l’euro fort ne gênait nullement les Allemands. En effet , l’euro fort permet d’acheter moins cher, c’est un avantage gigantesque pour notre économie.

  9. Avatar de I.Lucas
    I.Lucas

    @olivier
    L’euro fort permet d’acheter à meilleurs prix des biens importés.
    Si on arrive à vendre des biens chers en quantité qui compense ces importations, il n’y a pas de problème : c’est la spécialisation internationale qui fait son effet; elle est source de croissance pour les deux parties : voir Ricardo et la théorie des avantages comparatifs.
    Nous ne sommes pas dans cette situation, à la différence de l’Allemagne.
    Depuis 2004, le solde du commerce extèrieur ne cesse de se dégrader. Certes nous ne sommes pas les plus touchés : l’Espagne, l’Irlande, la Grèce et le Portugal le sont bien plus que nous.
    Nos empruntons pour payer nos consommations ;
    En France cela se traduit par une augmentation de la dette publique
    En Espagne et au Portugal, par de la dette privée.
    Dans un monde de change flottant, tel qu’il éxistait à partir de 1969 et de l’introduction des monnaies flottantes, cela se traduirait par une pression à la baisse des monnaies.
    Depuis l’introduction de l’euro, cet ajustement n’est plus possible.
    L’ajustement se fera par la baisse des revenus, mais cet ajustement est très peu efficace
    en effet seuls les biens industriels et agricoles sont échangés (si on excepte le tourisme et la finance, donc cet ajustement est vrai sur long terme et beaucoup moins vrai sur court terme où les flux financiers sont prépondérants)
    si on dévalue : l’ajustement se fait directement sur les prix des produits qui font l’objet du commerce international soit 15% à 20% du PIB seulement
    si on baisse les revenus, on va contracter les achats de biens importés
    mais il faut baisser les revenus de 100 pour baisser les importations de 15 ou de 20.
    Ce multiplicateur se traduit comme celà : l’Etat essaye d’atteindre une cible en baissant les dépenses et les retraites, mais cette cible subit la contraction de l’activité et l’Etat perd des recettes par rapport à ses espérances, la hausse du chomage crée de nouvelles dépenses car l’Etat joue le rôle d’assureur en dernier recours.
    Au final il faut doubler le plan de rigueur initial.
    Exemple : le plan Juppé en 1996 : l’augmentation des impôts a contracté l’activité et rogné la moitié de la hausse escomptée des imôts.
    A l’inverse, dans les années Jospin, (1 euro = 0,8 à 1$) la croissance a été forte (3,5 à 4% par an) et la dette publique a baissé sans que personne s’en apperçoive.
    L’euro fort gène t il les Allemands?
    oui, mais moins que nous en raison de leur spécialisation internationale.
    Ils ont quand même fait la TVA sociale pour améliorer la compétitivité de l’industrie alors qu’on a rien fait, tout en étant plus fragiles…

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