Les prix de ventes de l’électricité en Europe dépendent des politiques fiscales et des choix industriels

L’électricité est devenue le vecteur principal de l’énergie dans le monde. Cette primauté de l’électrique n’ira qu’en s’amplifiant, au gré de l’urbanisation des sociétés et des gains d’efficacité énergétique des processus. La baisse des consommations de pétrole dans les transports par exemple, puis l’électrification partielle ou totale d’une part des véhicules apportera plus de poids encore à cette forme élaborée de l’énergie. Savoir produire efficacement et à faible coût l’électricité est et sera un élément clé de la compétitivité des nations. Or l’Europe, encore elle, ne s’illustre pas par des tarifs électriques particulièrement attractifs. De nombreux États font peser sur cette ressource des charges fiscales particulièrement gratinées, d’autres ou les mêmes la génèrent à l’aide de méthodes onéreuses où très fortement polluantes.

La publication semestrielle par Eurostat, des prix pratiqués dans les divers États illustre leur hétérogénéité. Les prix reportés par Eurostat concernent ceux appliqués aux foyers consommant entre 2,5 et 5 MWh/an et aux unités industrielles consommant entre 500 et 2000 MWh/an. Ils ne représentent donc pas tout le panel de consommateurs, en particulier dans les foyers dont le chauffage est assuré par la seule électricité et dont la consommation annuelle peut dépasser les 5 MWh (consultez votre facture EDF).

Prix-elec-europe-2010S1

Les prix pratiqués dans le grands pays européens auprès des foyers peuvent varier du simple au double (FIG.I) en raison des prix de revient et de distribution hors taxes, mais surtout en raisons des taxes appliquées par les diverses administrations. Le cas le plus schématique est celui du Danemark qui applique 134% de taxes sur les ventes aux particuliers pour un prix final de 267 euros/MWh!! Mais il n’applique que 17% de taxes hors TVA sur les ventes aux industries pour un prix de vente raisonnable de 94 euros/MWh. L‘Allemagne applique la même politique avec des taxes respectives de 72% et de 22% ce qui s’inscrit parfaitement dans son approche économique mercantiliste favorisant les entreprises qui exportent et défavorisant la consommation intérieure. La Suède avec respectivement des taxes de 59% pour les ventes aux particuliers et des taxes quasi-nulles aux industriels joue la même tactique économique.

 Mais l’approche fiscale ne suffit pas pour expliquer toutes les divergences, il faut également examiner les différences de prix de base ou de prix de revient, marges comprises, relatifs à l’ensemble producteurs, achemineurs et distributeurs de courant États par États. Pour avoir une idée de ces différences on peut examiner les prix de vente du MWh aux foyers en fonction du rapport entre ce prix et le prix industriel qui quantifie l’effort fiscal relatif des foyers (FIG.II).

Prix-elec-europe-2010S1b

Sur ce graphe qui regroupe les valeurs de 18 nations européennes et la moyenne de la zone euro (au point 176,5-1,65) il est possible de constater que globalement les tarifs aux particuliers croissent avec la politique fiscale débridée. Mais pour des rapports en abscisses identiques ou très proches des différences de tarifs existent. Il est possible de distinguer deux familles de pays de part et d’autre de la droite de corrélation: ceux qui ont des prix de revient de l’électricité faibles tels que la France, la Finlande ou la Suède d’une part et ceux qui ont des prix de base élevés tels que l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne. Les tarifs électriques aux particuliers allemands pâtissent non seulement de taxes élevées mais aussi de prix de revient élevés. Il faut bien payer le boom éolien et photovoltaïque allemand.

La France qui possède des prix de revient maintenus artificiellement attractifs par une politique de contrôle des prix d’un autre âge, va devoir actualiser ses tarifs dont ceux de la contribution au service public de l’électricité (LIRE). Un accroissement des prix de 10 à 15% dans les années à venir ne mettra pas en péril le caractère compétitif de son énergie électrique.

CONSULTER le papier semestriel d’Eurostat sur le sujet.

Le 30 Novembre 2010.

 

Commentaires

6 réponses à “Les prix de ventes de l’électricité en Europe dépendent des politiques fiscales et des choix industriels”

  1. Avatar de La Nausée
    La Nausée

    De qualifier l’approche allemand de « mercantiliste » n’est pas exacte (mais très français)! Le fait de combiner des prix d’électricité élevés pour les foyers avec des prix modérés pour l’industrie n’est que l’expression d’une volonté (vaine ?) de limiter la consommation , toute en permettant certains activités industrielles (indispensable pour l’emploi) d’exister. Le faible prix pour l’industrie est plutôt imposé par l’étranger et en particulier la France, En France aussi le différentiel est important et je pense qu’il va encore croître dans un proche avenir.
    Si on veut parler d’une politique « mercantiliste » , il vaut mieux citer des entreprise publiques en France : EDF, SNCF …! En effet la France met des barrières d’entée au marche très élevées pour les concurrents étrangers tout en encourageant ses entreprise de s’installer dans des pays à faible barrières !

  2. Avatar de Ray
    Ray

    La Nausée, le qualificatif de mercantiliste qui suppose qu’un État fait tout son possible pour exporter ses productions et limiter sa consommation intérieure pour accroître sa masse monétaire n’a rien de péjoratif. Colbert un des grands hommes de notre Administration a été un des tenants d’une telle politique.
    Il est clair que l’Allemagne pratique avec assiduité une telle politique vertueuse qui profite des consommations d’autres nations moins rigoureuses ou technologiquement en retard.
    Offrez-vous le bouquin de Jean-Marc Daniel pour Noël!

  3. Avatar de LaNausée
    LaNausée

    Je ne porte pas de jugement de valeur sur le mercantilisme ou le colbertisme (historique), mais de comparer la politique allemande à du mercantilisme est simplement faux ! Les mêmes effets n’ont pas forcement les mêmes causes…
    Le mercantilsme /colbertime se caractérisent par la v o l o n t é d’une forte limitation des importations, ce qui n’est pas le cas de l’Allemagne. Et une faible consommation interne peut avoir bien d’autres origines: démographie, désendettement..
    Pour Colbert, l’état centralisé est vecteur de puissance. Je pense que la France d’aujourd’hui est bien plus colbertiste que l’Allemagne.
    Mercantilsme et colbertime sont complètement inadaptés à une économie moderne, basée sur l’échange et des règles communes. Mais ça ne veut pas dire que tout le monde doit faire la même chose. Il est claire qu’un pays de taille moyenne avec des ressources naturelles limitées, une densité de population importante – mais vieillissante – aura forcement un approche différent que un grand pays à faible densité de population – mais en croissance démographique…
    Je pense que la France d’aujourd’hui, en tant que « grand » pays de taille moyenne (avec les DomTom), ne sait pas c’est qu’elle veut. Hélas elle cherche toujours l’origine de ses problèmes chez les autres (voir déclarations de C. Lagarde sur l’Allemagne).

  4. Avatar de Ray
    Ray

    Je vous rappelle, La Nausée, que l’Allemagne importe surtout des matières premières et des sous-ensembles venant des pays de l’Europe de l’Est qu’elle va ensuite ré-exporter. Les importations allemandes sont la base de ses exportations futures. Le taux de couverture export/import est de l’ordre de 1,20 en ce moment, il était de 1,25 en 2008 avant la crise (Destatis).

  5. Avatar de anonymous56
    anonymous56

    @Raymond,
    Je crois que la 1ere video ici va t’intéresser :
    Xerfi Prévisions économiques France 2011-2012
    http://www.marc-candelier.com/article-xerfi-previsions-economiques-france-2011-2012-61862164.html

  6. Avatar de Ray
    Ray

    Merci a56, mais prendre Alstom comme modèle du développement pérenne de l’industrie en France me semble être une immense foutaise, même si l’histoire passée du ferroviaire local est belle à raconter. Alstom n’a pas su entrer en Chine pour développer le TGV, c’est une de ses erreurs stratégiques majeures. Ses relations avec Siemens étant détestables, il n’est même pas possible d’envisager la formation d’un champion européen.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *