Par la maîtrise et le transfert des charges, le taux horaire allemand est devenu inférieur à celui de la France

 Pour calculer le taux horaire d’un atelier, d’une usine, d’une entreprise ou d’une nation la méthode générale est très simple. Il suffit d’établir une fraction dans laquelle on pose au numérateur la totalité des salaires et autres primes annuels auxquels on ajoute les charges sociales, fiscales ou règlementaires diverses assises sur ces salaires et au dénominateur la totalité des heures effectivement travaillées hors congés, maladies et autres absences ou délégations diverses.

 Ce rapport entre la somme des salaires chargés annuels et des heures effectivement travaillées permet d’accéder au taux horaires exprimé en euros. C’est le paramètre qui permet par exemple à un atelier de chiffrer la part main d’œuvre dans les prix de revient des produits qu’il élabore. C’est ce même paramètre global qui va permettre de mesurer le coût moyen de la main d’œuvre d’un État et qui va déterminer pour une part la décision d’implantation d’un atelier ou d’une usine dans cet État. La migration des entreprises américaines vers les États de la Sun Belt par exemple, s’explique largement par ce type de considérations.

 L’office allemand de la statistique, Destatis, nous apprend que le taux horaire allemand au T2 de cette année qui s’élève à 30,9 euros s’est apprécié de 0,7% en un an. En comparaison celui de la France qui est supérieur de 2 euros au précédent s’est valorisé de 3,8% sur les quatre derniers trimestres. Un examen sur les dix dernières années (FIG.) confirme cette tendance d’une montée plus rapide du taux horaire français par rapport à son homologue allemand.

Taux-horaires

Entre 2000 et 2010 le taux horaire allemand ne s’est accru que de 19%, avec une croissance des salaires de 22% et celle des charges de seulement 9,5%. De son côté le taux horaire moyen français a bondi de 35% tiré par des charges qui ont progressé de 42% durant la période et des salaires qui ont pris 33%.

Ces variations exprimées en euros (TAB.) montrent que la progression des charges de 3,1 euros en France et sa maîtrise à 0,6 euro en Allemagne explique pour une large part la différence totale de progression de 3,6 euros en dix ans.

La maîtrise des salaires et surtout des charges salariales allemands montrent la volonté des dirigeants de ce pays de contenir la progression des taux horaires, un des éléments de la compétitivité industrielle. Le transfert d’une partie des charges vers la TVA explique en partie ce résultat.

Il apparaît donc que le taux horaire français est trop élevé d’au moins 10% par rapport à celui de son grand voisin immédiat. Pour le faire revenir dans les clous il existe quatre grandes méthodes:

1- limiter la progression des salaires,

2- réduire les charges salariales, pensons par exemple au discutable un pour-cent logement (0,45% + 0,40%) et à la formidable inefficacité de la formation professionnelle,

3- transférer une part de ces charges vers la TVA, pensons aux 5,4% pour les allocations familiales,

4- accroître la durée du travail à salaire constant ou intermédiaire: passer de 35 heures à 38,5 heures à salaire constant ferait baisser le taux horaire de 10%, même s’il paraît incongru de rappeler une telle évidence. Une coupe mal taillée avec augmentation partielle du salaire devrait rapporter la moitié.

 Il apparaît à la vue de ces chiffres comme une certitude que nos dirigeants, de droite comme de gauche, vont devoir abandonner leurs modes discutables de gestion de la « Décennie Perdue » précédente et vont devoir revenir à un mode plus raisonnable de bon père de famille…peut-être sur le modèle allemand qui met en balance lors des négociations avec les grands syndicats, sécurité de l’emploi et augmentations salariales. C’est ainsi que les plus grosses entreprises (Siemens, BASF, E-On…) parlent d’emploi à vie avec leurs employés.

On est alors à 100 mille lieues du modèle anglo-saxon!

LIRE le rapport de Destatis sur le sujet.

Le 10 Décembre 2010

Commentaires

10 réponses à “Par la maîtrise et le transfert des charges, le taux horaire allemand est devenu inférieur à celui de la France”

  1. Avatar de I.Lucas
    I.Lucas

    Votre étude illustre que les pays de la zone Euro ont profondément divergé depuis 10 ans.
    L’Allemagne a instauré une « TVA sociale » en 2004, c’est à dire le point n°3 de votre liste.
    Pour nous cela a eue une double conséquence :
    la stagnation du pouvoir d’achat des allemands a freiné nos exportations
    la baisse des coûts salariaux allemands a favorisé l’industrie allemande qui était plus forte que la notre.
    Si on rajoute à cela la montée de l’EURO alors que nous sommes plus sensibles que les Allemands à la parité EUR/$, on a les 3 causes du déclin de l’industrie française dans la période récente.
    Que faire?
    l’option 3?
    Elle rétabli la situation antérieure pour la compétitivité de la France vis à vis de l’Allemagne, mais elle concentre encore les problèmes sur le sud de l’Europe encore moins industrialisé
    Patrick Artus de Natixis a analysé que la meilleure réponse pour un pays qui accumule les excédents du commerce extérieur, comme l’Allemagne, serait d’augmenter les salaires….
    reste que ça ne dépends pas de nous.
    En cas de blocage, on ne doit pas exclure l’éclatement de la zone EURO, prévue par Roubini….

  2. Avatar de Ray
    Ray

    Lucas, la hausse de 3 points de TVA s’est appliquée en 2007 mais si vous regardez les données de Destatis vous verrez que les charges avaient baissé bien avant:
    2004…. +0.1%
    2005…. – 2%
    2006…. -0,5%
    2007…. -3%
    2008…. +0,8%
    Il y a donc eu une stratégie globale de baisse des charges salariales en Allemagne entre 2004 et 2008. Le transfert vers la TVA n’a été qu’un élément d’un ensemble.
    Ce que nos économistes sous-estiment, à part Artus effectivement, c’est le formidable élan que donnerait aux industriels un plan pluriannuel de baisse des charges salariales et donc du taux horaire. Il permettrait d’anticiper des volumes d’affaires plus importants, à l’aide de politiques commerciales plus agressives et inciterait les acteurs à investir. C’est cette dynamique qui fait défaut aux industriels exerçant en France.
    Je pense donc que les quatre voies sont à mettre en œuvre, bien sûr l’option 4 d’accroître le temps de travail viendrait en dernier avec la montée en puissance de l’activité.
    Quand à Roubini, pour l’instant il ne raconte pas grand chose d’original en signalant que la France est un pays difficile à réformer…mais notez qu’il parle très peu de son pays natal. Pudeur bien naturelle.

  3. Avatar de I.Lucas
    I.Lucas

    @ Ray
    Roubini est Turc et enseigne aux USA
    Pour les charges sociales et la TVA :
    l’assiette de la TVA est à peu près le double de celle des charges sociales ; 3 points de TVA compensent une baisse de 6% (rapportée aux salaires) des charges sociales ; c’est tout à fait cohérent avec les données de Destatis
    ci joint une étude française de 2006 sur ce sujet
    http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/cgi-bin/brp/telestats.cgi?brp_ref=074000533&brp_file=0000.pdf

  4. Avatar de el gringo
    el gringo

    Il faudrait déjà connaitre la méthodologie utilisée pour faire cette étude.
    En 2007, le salaire annuel brut moyen pour un salarié à plein temps était de 40200 euros en Allemagne contre 32413 euros en France. Ces chiffres incluent les charges patronales.
    http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=98&ref_id=CMPTEF04157
    Quand aux coûts salariaux, il ne faudrait pas oublier de prendre en compte les abattements sur les charges sociales en France qui n’apparaissent pas dans la comptabilité officielle sur lequel se base la plupart des statistiques officielles sur le coût du travail.
    http://www.securite-sociale.fr/comprendre/dossiers/comptes/2009/ccss200906_fic-07-2.pdf
    Solution 1 : limiter les salaires.
    C’est déjà le cas depuis 10 ans avec les 35 heures, la flexibilité, les heures sup non majorés, … De plus, le SMIC est revalorisé à son taux minimal (l’inflation) depuis 3 ans sans oublier le gel des salaires depuis le début de la crise (voire la baisse car les primes et le paiement des heures supplémentaires ont souvent disparu). Avec la reprise de la croissance en Allemagne, les allemands ont obtenu des augmentations de salaires bien plus importantes qu’en France ces 2 dernières années ce qui risque rapidement d’inverser le rapport.
    Solution 2 : réduire les charges (il faudrait d’abord prendre en compte les abattements existants en France et autres « avantages » pour les entreprises comme les 42 types de contrat de travail en France chacun ouvrant droit à des abattement ou des réductions de charges sociales, le CIR, …). Ne pas oublier qu’en Allemagne, l’Etat paie de sa poche une part non négligeable des retraites des salariés du privé (environ 1/3 du total) soit environ 80 milliards d’euros par an.
    Solution 3 : cela revient à baisser le niveau de vie des salariés encore une fois. Les entreprises ont très largement profité de la crise pour tailler dans tous les coûts. Les sociétés du CAC 40 ont augmenté leur bénéfice de 85% durant le premier semestre 2010 avec 41.5 milliards d’euros soit presque le niveau d’avant la crise malgré souvent la baisse de leur chiffre d’affaire.
    Solution 4 : la durée réelle du travail est de 38 heures en France pour un salarié à temps plein en France (sans compter les heures sup non payés ou non majorées pour les plus chanceux).
    Voir aussi le statut des cadres et autres travailleurs « autonomes » qui concerne désormais 1.5 millions de personnes en France. Essayer de faire faire des heures sup non payé en Allemagne et vous aurez au mieux une grève et sans doute un procès car les allemands sont très respectueux des lois.
    Il ne faut pas oublier qu’il y a près de 7.5 millions de chômeurs en Allemagne (et non 3 millions officiellement) et que la majorité des emplois créés ces dernières années sont le plus souvent de la sous traitance ou de l’intérim à bas coûts (il n’y a pas de salaire minimum). Un exemple, les emplois à 1 euro concernent désormais près d’un million de chômeurs en Allemagne. Seuls 20 millions d’allemands ont réellement un contrat de travail stable à temps plein similaire à notre CDI sur les 40 millions de travailleurs que compte l’Allemagne. Le reste est du travail à temps partiel ou précaire (interim, CDD, …) le plus souvent mal payé.

  5. Avatar de Ray
    Ray

    Pauvres Allemands…on devrait les aider!

  6. Avatar de Ray
    Ray

    LIRE un très bon papier de Bloomberg sur les tensions à venir sur l’emploi en Allemagne.
    http://www.bloomberg.com/news/2010-12-09/germans-get-jobs-for-life-as-export-boom-shrinks-worker-pool.html

  7. Avatar de el gringo
    el gringo

    Coût du travail : le « bug » de l’Insee
    L’institut statistique a envoyé fin 2010 des chiffres erronés à l’office statistique européen Eurostat pour son enquête quadriennale sur le coût de la main-d’oeuvre.
    En plein débat public sur le coût du travail, c’est un bug de l’Insee qui ne passe pas inaperçu. L’institut statistique a envoyé fin 2010 des chiffres erronés à l’office statistique européen Eurostat pour son enquête quadriennale sur le coût de la main-d’oeuvre. «Nous nous sommes aperçus qu’il y avait un problème sur les données de durées travaillées, reconnaît Stéfan Lollivier, directeur des statistiques démographiques et sociales de l’Insee. Nous avions imputé trop de RTT. »
    Un niveau relativement proche entre la France et l’Allemagne
    A la demande de l’Insee, Eurostat a donc retiré de son site Internet les données concernant la France, qui montraient une évolution très rapide du coût horaire du travail entre 2004 et 2008 (+ 28 %) et un différentiel de niveau de l’ordre de 4 euros avec l’Allemagne dans l’industrie. L’Insee vient d’envoyer à Eurostat de nouveaux chiffres, « qui comportent de solides révisions et qui seront plus conformes à l’évolution de l’indice du coût du travail ». Ces chiffres doivent être rendus publics prochainement et devraient témoigner d’un niveau relativement proche entre les deux pays.
    Sauf que, entre-temps, le Medef s’est appuyé sur les données initiales pour s’alarmer du coût élevé du travail en France. L’institut de conjoncture COE-Rexecode avait, lui, été plus prudent dans son rapport sur les divergences de compétitivité entre la France et l’Allemagne remis mi-janvier à Bercy, jugeant « suspect » l’écart d’évolution entre 2004 et 2008. Selon les calculs de COE-Rexecode, l’évolution de l’indice du coût du travail aboutit à un coût horaire de la main-d’oeuvre de 34,60 euros en France et de 33,50 en Allemagne au troisième trimestre 2010.
    http://www.lesechos.fr/economie-politique/france/actu/0201153136310-cout-du-travail-le-bug-de-l-insee.htm

  8. Avatar de Ray
    Ray

    el gringo, moi je veux bien mais il faut surtout noter la remarque suivante qui souligne de façon exemplaire l’effet de la réduction du temps de travail:
    Au delà, « les nouveaux chiffres ne changent rien au message sur l’évolution du coût horaire », temporise Sylvie Lagarde. Depuis 2000 , il progresse bien plus vite en France qu’en Allemagne », poursuit elle. Précisément, de 38% dans l’industrie manufacturière français de 2000 à 2008, contre 17% outre-Rhin. « L’écart s’est surtout creusé entre 2000 et 2004 , ce qui s’explique pour plus de moitié par la réduction du temps de travail en France », ajoute-on à l’Insee. Dans le même temps, l’Allemagne s’est, elle, lancée dans une politique de modération salariale unique en Europe.
    http://www.lesechos.fr/economie-politique/france/actu/0201183098925-cout-du-travail-les-vrais-chiffres-de-l-insee-relativisent-l-ecart-avec-l-allemagne.htm
    Comparer des taux horaires en valeur absolue doit être pris avec beaucoup de précautions. C’est la comparaison des variations de chacun des taux sur une période de temps qui est significative. Entre France et Allemagne depuis 2000 il n’y a pas photo.

  9. Avatar de el gringo
    el gringo

    Donc pour être compétitives, les entreprises françaises devraient avoir des coûts salariaux 15% inférieurs à leurs homologues allemandes pour le même travail. Elle coûte chère la qualité allemande.
    La différence entre la France et l’Allemagne tient aussi aux PME qui souvent en France ne sont considérés comme de simples sous-traitants et pâtissent de leur relation avec leur donneur d’ordre souvent en position de force.
    http://www.lemonde.fr/economie/article/2011/02/24/mediateur-de-la-sous-traitance-les-grands-groupes-pillent-les-pme_1484560_3234.html
    Les grands groupes allemands ont aussi de mauvaises habitudes mais c’est souvent hors Allemagne (se souvenir de Continental).

  10. Avatar de Ray
    Ray

    Cette progression maîtrisée des salaires allemands et surtout des charges sur salaires est confirmé par Destatis dans sa dernière publication portant sur le troisième trimestre 2010 en Europe. La progression des salaires horaires de ce trimestre comparés à ceux de la moyenne 2000 a atteint 18,8% avec 9,2% seulement pour les charges (transfert vers la TVA). Pour la France ces progressions sont respectivement de 35,5% et 42,4%. En France, les charges ont crû plus vite que les salaires malgré les abattements divers sur les bas salaires.
    L’Allemagne par des progressions salariales sur 10 ans aussi faibles se démarque de la totalité de ses voisins européens.
    http://www.destatis.de/jetspeed/portal/cms/Sites/destatis/Internet/EN/press/pr/2011/03/PE11__097__624,templateId=renderPrint.psml

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