En ces moments où tout un chacun a un avis définitif sur les problèmes énergétiques de la planète, il est difficile de supporter sans broncher toutes les âneries qui peuvent être proférées comme de véritables vérités premières révélées. Chacun y va de son couplet annonçant la fin de la suffisance énergétique dans le monde, les inéluctables restrictions à venir, causes d’une croissance trop rapide de la demande et de la condamnation sur le champ de la ressource électronucléaire. Les solutions les plus folkloriques sont proposées…le solaire (pourquoi pas lui?) ayant plutôt bonne presse dans l’arsenal des produits de substitution, bien sûr les questions posées par son caractère éminemment cyclique ne sont même pas esquissées.
Je pense que ces travers, outre que certains de nos concitoyens « en vue » aiment souvent parler en public de sujets qu’ils maîtrisent mal, provient du prisme déformant français qui affiche une part hypertrophiée de la ressource électronucléaire dans son bilan énergétique.
En partant simplement des données publiées par BP en 2008 (2009 a été trop affecté par la crise) il est possible de constater que la part de l’énergie nucléaire dans le bilan énergétique (hors renouvelables autres que l’hydraulique) ressort à 39% pour la France, à 11% pour l’Allemagne et à 5,5% pour le monde (TAB.). Se retirer du nucléaire serait un vrai challenge pour la France, une adaptation significative pour l’Allemagne mais ne concernerait de façon importante que quelques pays dans le monde.
Ces données sont établies par BP en transformant des TWh en TOeq en utilisant un rendement énergétique forfaitaire du nucléaire voisin de 35%. Je pense qu’aujourd’hui la meilleure ressource de substitution au nucléaire serait du gaz naturel utilisé en cycle combiné fonctionnant avec un rendement bien meilleur, de 60%. Dans cette hypothèse le poids énergétique de l’électronucléaire dans le monde devient moins important et se réduit à 3,5% du total (TAB., dernière ligne).
Pour parler sainement de l’impact de l’accident de Fukushima sur la politique énergétique mondiale il faut donc intégrer:
-que la part de l’électronucléaire dans les ressources énergétiques classiques dans le monde ne représente que 5,5% du total,
-que cette fraction si elle était remplacée par de la génération au gaz naturel à cycle combiné ne représenterait que 3,5% de la ressource totale et accroitrait la consommation de gaz naturel d’environ 15%
– que cette transition totale si elle était décidée se déroulerait sur plusieurs décennies,
-qu’il est peu probable que la Chine en l’absence d’accident sur son territoire suivrait une telle décision. Un point clé réside dans la connaissance de ressources possibles de gaz naturel dans le sous-sol chinois riche en gisements de houille et en schistes.
Wintershall en Allemagne est en train d’aborder le sujet du remplacement des centrales électronucléaires par des centrales au gaz naturel (Reuters). Dès à présent il semblerait qu’un électricien local à Brême ait déjà pris la décision de lancer une centrale au gaz de 445 MW qui sera opérationnelle en 2013. Les vieux projets enterrés lors de la décision de repousser la date de péremption des centrales allemandes vont ressortir des cartons pour le plus grand plaisir de Siemens.
Pronostiquer un ralentissement à venir du nucléaire est une évidence. Énoncer gaillardement son enterrement définitif est une autre histoire. Son sort dépendra en partie des ressources mondiales de gaz naturels non conventionnels à découvrir et qui pourraient accorder un demi-siècle ou plus aux technologies du noyau atomique pour se perfectionner dans la génération d’électricité, devenir moins angoissantes et plus économes en matières fissiles. Nul n’est capable aujourd’hui de prévoir les technologies qui prévaudront vers la fin du siècle.
Douter, dire qu’on ne sait pas, peut être dans certains domaines un signe de compétence. L’essentiel est de laisser la porte ouverte aux progrès possibles dans tous les domaines.
Le 3 Avril 2011


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