Les récoltes de céréales dans le monde défient les prévisions malthusiennes en vogue

 Qu’il se dise de grosses bêtises sur les ressources énergétiques de notre planète peut paraître compréhensible, compte tenu de l’incapacité de l’imagination des hommes à quantifier la formidable accumulation de ressources fossiles dans les profondeurs du sol sous les formes les plus diverses durant les 500 millions d’années de vie qui nous ont précédé. Il est beaucoup plus choquant d’entendre proférer, de-ci de-là, de formidables contre-vérités sur la soi-disant inaptitude des paysans du monde à nourrir à l’avenir les populations dans des conditions au moins identiques et sinon meilleures qu’elles ne le sont aujourd’hui, en quantité et en qualité. La croissance des populations sur Terre ne date pas d’hier et elle a même tendance à se réduire.

Céréales FAOb 

 Je voudrais ici prendre un exemple simple: les productions de céréales dans le monde. Les céréales servent à la fois à nourrir les hommes, les animaux domestiques et d’élevages mais aussi à produire divers produits chimiques, des boissons alcoolisées et des biocarburants. Leur production constitue donc un des grands paramètres déterminants de l’avenir de notre civilisation mondialisée.

 Entre 1965 et 2009 la FAO nous enseigne que les récoltes annuelles de céréales dans le monde ont été multipliées par 2,5 pour atteindre 2,5 milliards de tonnes (FIG., courbe rouge) alors que la population mondiale a été multipliée par 2,05 durant la même période. La progression des récoltes de céréales durant ces 45 années a dépassé la croissance de la population, même après avoir défalqué les 81 000 tonnes nettes de maïs américain utilisé à produire du bioéthanol.

 Ces récoltes sont le produit des surfaces de terres emblavées et récoltées par les rendements de céréales à l’hectare. Les données de la FAO montrent que les rendements des récoltes mondiales de céréales (FIG., courbe verte) sont passées de 1,5 tonnes à l’hectare en 1965 à plus de 3,5 tonnes à l’hectare en 2009. Affichant une croissance moyenne linéaire de 44 kg/hectare/an, cette progression des rendements, multipliés par 2,38 durant la période, est la raison principale de l’accroissement des récoltes. Les connaissances cumulées du monde paysan, la mise à disposition de nouvelles semences plus adaptées aux conditions locales sont les deux principaux moteurs de la progression des récoltes.

 Ces rendements moyens mondiaux sont à rapprocher de ceux des États-Unis ou à ceux de la France qui vers les 3 tonnes à l’hectare en 1965 et vers les 7,3 tonnes à l’hectare en 2009 sont toujours deux fois supérieurs à ceux de la moyenne mondiale. Cela signifie qu’il reste toujours une formidable marge de progression sur ce paramètre déterminant.

 Les surfaces cultivées ont peu varié durant la période, entre 6,6 millions de km2 au plus bas en 2002 et 7,1 millions de km2 au plus haut en 2008. Mais ceci ne signifie pas qu’elles ne pourront pas continuer à croître à l’avenir en raison d’immenses surfaces encore disponibles (Amérique du Sud, Afrique et Asie) et de l’excellente rentabilité retrouvée des cultures.

 Cette expérience passée récente, l’existence de cours des céréales très attrayants, la demande de matières premières pour les biocarburants assurant aux paysans des débouchés sans risques à prix déterminés pour la totalité de la plante, les progrès attendus dans les semences hybrides adaptées, la vogue des investissements bien souvent injustement décriés dans les exploitations agricoles (accaparement, land use change), …tout milite pour que cette croissance des récoltes se poursuive et accompagne la croissance des populations dans les années à venir. Koffi Anan s’insurge devant les investissements étrangers dans l’agriculture des pays africains, mais c’est sûrement grâce à eux que les récoltes mondiales vont poursuivre leur croissance et dépasser les 70% attendus d’ici à 2050. Aux dirigeants africains d’élaborer des règles de répartition acceptables par tous et non entachées de pots de vin.

LIRE le résumé des déclarations de Kofi Anan à l’ouverture de la Conférence de la FAO sur le sujet.

Remarque: je persiste à croire qu’il n’est pas dans les attributions de la FAO de prédire une augmentation des cours des produits agricoles au cours des dix prochaines années, pour une raison simple…c’est que l’auteur de ces déclarations n’en sait rien, mais que ses déclarations alimentent à cours terme la spéculation.

Le 26 Juin 2011

 

Commentaires

10 réponses à “Les récoltes de céréales dans le monde défient les prévisions malthusiennes en vogue”

  1. Avatar de Tonton
    Tonton

    Les progrès de la mécanisation et de l’utilisation de l’engrais dans les surfaces agricoles des pays en voie de développement sont en effet considérables.
    Il « faut » de toute façon une évolution aussi spectaculaire que la « révolution verte » des années 70 pour nourrir la planète.
    Seulement mécanisation et engrais signifient consommation d’énergie supplémentaire et sur ce registre, on peut voir que la consommation d’énergie ces dernières décennies évoluent deux fois plus rapidement que la démographie.
    On en revient à nos billes de départ : l’énergie. Pour alimenter cet appétit colossal qui permettra à des milliards d’individus en pleine transition démographique (qui stabilisera la population vers 9 milliards soit plus de 2 milliards qu’aujourd’hui) de se scolariser et d’accéder à des standards d’hygiène plus acceptables, la manière de produire de l’énergie demain sera primordiale.
    Difficile de se passer demain de fossiles et de nucléaire.

  2. Avatar de Destinus
    Destinus

    Peut-être qu’il serait intéressant de revenir sur le développement des grandes civilisations agricoles du blé, du riz et du maïs, et sur l’histoire de la mondialisation de l’alimentation.
    Le dessous des cartes – Géographie des alimentations à voir en vidéo sur youtube :
    http://www.youtube.com/watch?v=tGY_p4tzOdg
    Ou encore sur une analyse de notre modèle agroalimentaire basé sur l’industrie. Hamburger, pizza, sushi, tous ces produits attestent de la mondialisation de notre alimentation.
    http://www.youtube.com/watch?v=qeJIVsj9L1k

  3. Avatar de La Nausée
    La Nausée

    Il y a quand même qqe contraintes , qui vont freiner la course à toujours + de croissance … par exemple l’eau !

  4. Avatar de Ray
    Ray

    Ah la Nausée, l’eau est un bien mal réparti sur cette planète. Mais dans les zones intertropicales américaines, africaines ou asiatiques il y en a toujours autant et même peut-être un peu plus qu’avant.
    Le malthusianisme est à la mode, il est maintenant Vert et donne l’impression d’être un concept moderne, presque révolutionnaire. On parle en son nom de transition énergétique…mais on ne sait pas pour aller où. En pourtant c’est un mode de pensée assez ringuard et souvent étroit qui jusque là s’est toujours trompé. Il sous-estime la capacité de l’intelligence des hommes à résoudre les problèmes ardus qui les concernent. Les paysans du monde savent à peu près nourrir les 7 milliards d’humains que nous sommes et leurs cohortes d’animaux. Ils sauront dans 50 ans en nourrir 9 milliards à condition que les paysans de certains pays en retard s’y mettent. Mais je ne vois pas de raison fondamentale pour que les Africains qui seront pas loin d’un milliard de plus en 2050 n’arriveraient pas à résoudre leurs problèmes de mise en valeur de terres arables plus ou moins en friches aujourd’hui.
    Les bobos Verts ont inventé le concept de Land Use Change (LUC) pour condamner, au nom des émissions de CO2 plus ou moins mal estimées et revues régulièrement à la baisse, la mise en cultures de terres en friches par les pays les plus pauvres. C’est une formidable escroquerie de nantis qui voudraient stopper toute évolution agricole et donc économique des pays en retard au nom d’une idéologie malthusienne. Mais on les entend très peu sur la place « Tiens en mains » pour expliquer aux Dirigeants Chinois le « Coal Use Change » qui devrait s’imposer.
    Je suis définitivement au nom du Coal Use Change (CUC) (à définir) opposé aux choix énergétiques allemands ou chinois du moment.

  5. Avatar de an391

    La Malthusianisme n’est en rien un concept, il s’agit d’une constatation, une banalité, point barre.

  6. Avatar de Ray
    Ray

    an40, sachez que Jevons qui traitait ses collègues économistes d’incompétents, avait prévu en 1878 au nom de son paradoxe toujours à la mode (moins l’énergie est chère et plus il s’en consomme) la fin du charbon dans le monde pour 1985. Certains grands penseurs écolos dont ceux du Club de Rome, ont repris ces mêmes théories 100 ans plus tard avec des conclusions tout aussi menaçantes. Ils ont fait de nombreux adeptes contemporains prêchant la décroissance. Effectivement c’est d’une lamentable banalité.

  7. Avatar de an391

    Ok Raymond, pas de problème

  8. Avatar de adrien
    adrien

    Raymond, toujours aussi fin.
    Une précision tout de même, le rapport du club de rome sort du MIT, qui est tout simplement l’université la plus côtée d’occident, alors tous des bouffons les plus grosses tronches d’amérique du nord et d’europe ?
    Je pense que vous manquez quand même sérieusement d’humilité.
    C’est dommage votre blog est intéressant

  9. Avatar de Ray
    Ray

    Adrien, regardez bien la courbe qui illustre ce papier d’où il ressort que la production de céréales en 2009 suivait toujours la demande. Même si les théories sont belles, les faits sont têtus.
    Quand à ma finesse et mon humilité mon cher Adrien, elles n’entrent pas dans ce débat technique. Je ne vois pas en quoi vos stupides remarques blessantes font avancer le débat.

  10. Avatar de Bête spatio-temporelle

    Il y a quelque chose de quelque d’un peu conformiste qui me gêne dans cet article : l’absence de toute rébellion. C’est un peu : « Regardez, on se développe, tout va bien, ça va bien se passer. », alors qu’aujourd’hui, alors que la production mondiale de nourriture peu suffire à nourrir tous les êtres humaines de la planète, la nourriture est tellement mal répartie qu’il y a encore des centaines de millions de personnes qui meurent de faim !
    De plus, les engrais on beau améliorer la productivité sur le court terme, ce n’est pas vrai sur le long terme, car cela épuise les sols. Certains préconisent d’en mettre moins, d’autres de s’en débarrasser, je n’ai pas d’avis tranché là-dessus.
    Cette absence de critique des autorités établies, dans ce texte, me donnerait presque envie d’être décroissant. Si vous voulez connaître mes opinions en matière d’environnement, faites un tour sur mon site ! Cherchez dans la catégorie Politique, et vous trouverez.

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