En ces temps de démagogie électorale débridée, il me semble important pour parler avec un-tant-soit-peu d’objectivité de politique énergétique, de revenir aux paramètres fondamentaux.
1) Le premier des paramètres concerne la cherté croissante programmée du pétrole essentiellement déterminée par l’instabilité politique et religieuse de grands pays producteurs du Moyen-Orient qui ont besoin de la manne pétrolière pour acheter la Paix Sociale. Ce seuil serait aujourd’hui à 90 dollars le baril pour l’Arabie Saoudite, il sera largement supérieur à 100 dollars en cas de menace de conflit entre puissances Sunnites et Chiites de la région, il exploserait en cas de largage de missiles armés dans le Détroit d’Ormuz.
Ce seul paramètre qui détermine les décisions du cartel de l’OPEC, est suffisant pour pronostiquer des cours du pétrole durablement fermes. Il est conforté par l’épuisement naturel des ressources et par la cherté des ressources plus exotiques (sables bitumineux, synthèses Fischer-Tropsch).
Les élucubrations sur la demande décroissante de pétrole de l’Europe en crise n’ont que peu d’impact sur les cours. Elles sont en contradiction avec la prime que présente le baril de Brent européen sur le baril de WTI américain (FIG.).
2) Assez paradoxalement les décennies à venir vont être marquées par une large disponibilité partout dans le monde de ressources conventionnelles ou non conventionnelles (schistes, grès, houille) de gaz naturel qui va stabiliser les prix de l’électricité de base aux niveaux actuels des prix européens, aux taxes près sur les émissions de CO2 qui resteront limitées par la contrainte de la nécessaire compétitivité des économies concurrentes. La part du gaz naturel dans la génération d’électricité croîtra par rapport à celle du charbon.
3) Le développement d’énergie d’origine nucléaire va toujours être déterminé par le choix politique des États qui détiennent le pouvoir d’autoriser ou d’interdire la construction et l’opération des centrales. La Chine est objectivement pour, l’Allemagne est viscéralement contre…aucun financier n’apportera les immenses capitaux nécessaires pour le développement de cette énergie en cas de doute politique. Le futur de cette énergie va donc fluctuer au gré des accidents nucléaires et des poussées de fièvre des prix du pétrole. Entre politique de précaution et sentiment de pénurie énergétique imminente. Disposer d’une abondante ressource d’énergie électronucléaire apparaît comme un avantage concurrentiel évident.
4) Le développement massif des ressources renouvelables d’électricité va se heurter à leur caractère intermittent qui nécessitera de formidables investissements dans les réseaux (la soi-disant « plaque de cuivre » européenne…qui va la payer?), dans la gestion de la pénurie intermittente pompeusement appelée « smart-grid » (tarifs dissuasifs en pointe, effacement des industries consommatrices et des particuliers, etc.) ou dans la mise en place de centrales au gaz en secours, mal valorisées.
5) Le développement des biocarburants suivra les cours croissants des produits pétroliers et l’accroissement des surfaces cultivées dans le monde. Cette activité constituera une formidable opportunité pour le développement rentable de cultures et d’usines agricoles simples en Afrique et en Amérique Latine. Des ressources organiques (cane à sucre, maïs, manioc, palme) de plus en plus génétiquement optimisées et une spécialisation des procédés vers les produits finis à forte valeur ajoutée (kérosène, gasoil, produits chimiques et pharmaceutiques, etc.) rendront encore plus rentables ces activités. Il y a là un axe de développement négligé par notre pays sous la pression néfaste de l’idéologie verte.
6) Les émissions de CO2 des pays en voie de développement (essentiellement asiatiques) progressent chaque année de près d’un milliard de tonnes. Les ridicules et très onéreux efforts des pays européens pour contribuer à limiter ces émissions de GHG sont analogues à l’effet d’un encrier déversé dans la Mer pour la rendre plus bleue.
Toute recherche d’évolution lente du mix énergétique de notre pays doit tenir compte de ces données de base.
Ces quelques considérations imposent pour notre pays, les conséquences suivantes:
1) la progression dans l’efficacité énergétique des processus doit se focaliser en priorité sur la réduction de consommation des produits pétroliers et non sur celle d’électricité comme préconisé stupidement par les écolos nucléophobes. Des mesures fiscales, règlementaires ou de toute autre nature devraient tendre à réduire fortement l’utilisation de fioul domestique qui représentait encore en 2010 dans les 13 millions de tonnes de produits consommés en France sur un total de 79 millions de tonnes. La revalorisation de la TIPP doit permettre d’accélérer la transition du parc automobile vers les véhicules hybrides à essence ou autres options à faible consommation en produits pétroliers. Un vaste plan national portant sur la suppression toutes les causes de surconsommations (bouchons routiers, vitesse, chaussée, équipements, etc.) devrait être initié. La filière pétrolière française devrait être rationalisée et modernisée.
2) l’utilisation de gaz naturel comme matière première de substitution partielle ou totale aux fractions du pétrole (naphta par exemple) utilisées dans la pétrochimie devrait être encouragée. Dans le même esprit, la chimie du CO2 devrait être sponsorisée.
3) le parc électronucléaire français doit être absolument préservé, fiabilisé, modernisé et programmé pour atteindre au moins les 60 ans de durée de vie. C’est un des rares éléments majeurs de la compétitivité de la France. La future génération franco-japonaise ATMEA doit être développée pour accéder aux marchés asiatiques et s’allier à MHI. Les générations futures qui utiliseront à fond la ressource fissile doivent être mises à l’étude.
4) le développement d’une filière française de l’éolien offshore doit savoir qu’il va se retrouver confronté sur les marchés mondiaux à de redoutables adversaires tels que Siemens, GE, les fabricants chinois et autres indiens. Ses chances de succès sont donc minimes, sinon à prix cassés. Il faudra se poser la question de l’opportunité du financement par les contribuables français d’une telle filière abondamment subventionnée. La prospection de gaz de schistes et le développement d’outils d’exploitation compatibles avec les contraintes environnementales serait peut-être une voie plus porteuse de progrès et de richesses.
5) les laboratoires français doivent entrer dans l’élaboration intelligente de biocarburants, de la plante optimisée génétiquement aux procédés utilisant la totalité de la ressource et conduisant de de nobles produits. L’objectif n’est pas d’économiser quelques ridicules tonnes de CO2 comme le pensent certains de nos élus, mais de remplacer une part de pétrole (8 à 10 millions de barils/jour).
Réduire les consommations de la France en produits pétroliers de 5% par an pendant 10 ans me semble être un objectif réaliste. Encore faudrait-il élaborer un vaste programme national ambitieux pour atteindre ou dépasser cet objectif. La France importe pour 49 milliards de pétrole et produits pétroliers par an.
Le 11 Janvier 2012

Laisser un commentaire