Le grand défi agricole mondial: nourrir le monde et lui assurer une part de son énergie (suite)

Nous avons examiné dans le chapitre précédent le formidable développement des cultures de maïs dans le monde qui de toute évidence n’en est qu’à ses débuts dans de nombreux pays encore peu développés. L’attrait des investissements dans l’agro-business mondial supporté par des prix soutenus, le transfert de technologies dans les biocarburants, la mise à disposition de semences hybrides de mieux en mieux adaptées, la progression des connaissances dans les procédures agricoles vont faire encore progresser les surfaces récoltées et les rendements à l’hectare et donc les volumes produits. L’apport des technologies de deuxième génération qui consistent à utiliser une part des tiges, des feuilles et des rafles de la plante va permettre de produire plus d’éthanol par hectare cultivé. L’alliance annoncée entre Poet le premier américain dans le bioéthanol et de la biotechnologie de DSM illustre la volonté des acteurs américains de poursuivre leur développement dans les biocarburants malgré la baisse récente des prix de l’alcool dénaturé conséquence de la suppression de la subvention fédérale américaine de 45 cents par gallon (FIG.I).

Bioethanol dénaturé essence NY

Mais il est important de se pencher aussi sur une autre ressource essentielle d’alcool dans le monde: la canne à sucre.

II- Une culture dominée durablement par le Brésil: la canne à sucre

Le succès de la canne à sucre dans la production d’éthanol provient de son autosuffisance énergétique. Après brûlage et récolte le chargement de canne à sucre arrivé à l’usine permet d’extraire par broyage et pressage un jus sucré contenant 135 à 140 kg de sucre par tonne de canne brûlée et récoltée. Le résidu solide, la bagasse, est utilisé comme combustible pour générer toute l’énergie nécessaire au procédé conduisant à l’alcool pur et permet même de générer une part d’électricité vendue par l’usine. L’ensemble conduit à un prix de revient de l’alcool particulièrement compétitif…sauf si les cours du sucre sont élevés et détournent les récoltes vers la constitution de stocks de sucre vendus à terme.

Cane-production

Les productions mondiales de canne à sucre ont connu une bonne croissance entre les années 60 et les années 2000 en respectant le triplement des récoltes en 40 ans réclamé pat René Dumont à l’époque. Mais tout comme on l’a observé sur les récoltes de maïs, la conjonction de la consommation croissante asiatique et des besoins de sucre pour les biocarburants ont particulièrement « boosté » durant ces dernières années les production brésiliennes de canne à sucre. Elles ont atteint en 2010 les 720 millions de tonnes, ce qui représentait 43% des récoltes mondiales de 1686 millions de tonnes en 2010. L’embellie brésilienne de la canne à sucre n’en est qu’à ses débuts puisque le Président brésilien de l’UNICA, représentant les planteurs de canne de son pays a affirmé en Décembre 2011 vouloir doubler les volumes produits vers 1,2 milliards de tonnes à l’horizon 2020. L’empressement des grands groupes pétroliers (Shell, Total,..) à s’investir dans ce business ne peut qu’apporter crédit à cette perspective.

Cane-surfaces

Ces croissances remarquables des productions de canne à sucre sont rendues possibles par l’accroissement des surfaces cultivées au Brésil qui sont passées de 5 millions d’hectares à 9 millions d’hectares au cours de la dernière décennie (FIG. III) et qui expliquent la progression mondiale.

Cane-rendements

Quand aux rendements brésiliens ils sont passés de façon monotone de 43 tonnes à l’hectare à plus de 79 millions de tonnes/hectare au cours des 50 dernières années (FIG. IV) dépassant largement les rendements moyens des pays du reste du monde cultivant la canne à sucre (Inde, Chine, Thaïlande, Mexique, Pakistan, etc.).

La suprématie évidente du Brésil sur les cultures de canne à sucre n’implique nullement une stagnation des productions d’autres pays d’Amérique Latine, d’Afrique ou d’Asie. Citons par exemple l’aide apportée par le Brésil au Ghana et à divers autres pays africains pour développer des productions locales de bioéthanol à partir de canne à sucre. Certains parlent d’une « OPEP » du bioéthanol dirigée par le Brésil pour qualifier sa politique de transfert de technologie vers ces pays africains.

LIRE le papier de l’UNICA sur ses ambitions de doublement des productions brésiliennes de canne à sucre.

LIRE l’annonce de l’alliance Poet-DSM.

Le 24 Janvier 2012

 

Commentaires

6 réponses à “Le grand défi agricole mondial: nourrir le monde et lui assurer une part de son énergie (suite)”

  1. Avatar de neville
    neville

    Eléments de réflexion intéressants comme d’habitude cher Raymond. Cependant 2 points me chagrinent et me rendent moins optimiste que vous quant à ces perspectives:
    1) Que ce soit pour le maïs ou pour la canne, cette production agricole absorbe beaucoup d’énergie fossile (mécanisation, engrais, pesticides, transport) quel est le rendement réel (Tep bicarburant/Tep fossile) en comptant tous les entrants de ces exploitations? et quel sera l’impact d’un coût élevé des fossiles sur leur rentabilité?
    2)Quid de l’épuisement des sols? Il semble (en particulier au Brésil) que souvent on rase la forêt, on exploite, puis on part recouper plus loin lorsque les terres sont épuisées. Or ce petit jeu est en train d’arriver à ses limites et un sol épuisé ne se renouvelle pas instantanément…
    Merci d’avance pour vos réponse.

  2. Avatar de PM
    PM

    Cher Raymond, je vous conseille l’article suivant : http://www.europeanenergyreview.eu/site/pagina.php?id=3470

  3. Avatar de Josick d'esprit agricole

    pas la peine de publier, juste pour signaler une coquille « Mais il est important de ce pencher  »

  4. Avatar de Ray
    Ray

    Josick, merci pour la relecture.

  5. Avatar de Ray
    Ray

    Le Gouvernement brésilien annonce qu’il veut consacrer 35 milliards de dollars durant les 4 ans à venir pour stimuler le renouvellement des vieilles plantations de canne sur 6,4 millions d’hectares et l’extension des terres cultivées pour ce seul végétal de 5,2 millions d’hectares.
    LIRE la dépêche Bloomberg:
    http://www.bloomberg.com/news/2012-02-24/brazil-to-invest-35-4-billion-in-sugar-cane-fields-for-fuel.html

  6. Avatar de Ray
    Ray

    Les planteurs brésiliens vont replanter 1,5 million d’hectares, soit 15% environ des plantations, cette année.
    LIRE la dépêche de Bloomberg:
    http://www.bloomberg.com/news/2012-03-09/brazil-sugar-cane-growers-to-invest-3-4-billion-to-renew-crops.html

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