Airbus abandonne, pour un temps, la technologie Lithium-Ion pour ses futures batteries

  J’avais imaginé dans une vie professionnelle antérieure, il y a de cela plus d’une décennie, les conséquences néfastes d’un incident d’une batterie rechargeable au Lithium à bord d’un aéroplane et j’avais fait part des conséquences possibles de cette hypothèse pessimiste à ma hiérarchie multiple et  polytechnicienne.  Mon approche, à l’époque,  avait été jugée  « dinosaurienne », opposée à la marche inéluctable du progrès, et fort malvenue par les grands esprits supérieurs auxquels je devais respect, admiration et dont je devais éviter, à tout prix, de déranger les certitudes mathématiques.

Je dois avouer, près de quinze ans plus tard, que je n’aurais jamais pu imaginer l’impasse technologique et financier  formidable devant lequel se retrouve aujourd’hui cette grande compagnie qu’est Boeing qui va devoir « rétrofiter »  les systèmes de secours électrique de tous ses Boeing 787 de dernière génération. Grosse bêtise technologique imaginée avec un fournisseur japonais, très connu pour sa compétence dans les petites batteries pour gadgets électroniques portables et qui avait découvert l’existence d’un business aéronautique lors de visites des usines bordelaises de batteries.

Devant cette déroute de l’industriel aéronautique américain et fort sagement, il semblerait qu’Airbus, pour assurer un lancement tardif mais réussi de ses futurs avions, ait décidé de sacrifier la réduction de masse des futures batteries de ses A350 au profit de la fiabilité des batteries Nickel-Cadmium traditionnelles largement éprouvées.

Il arrive que les avancées technologiques aient parfois le hoquet. Un point clé repose sur la comparaison entre l’enjeu et les risques associés à l’introduction de ces nouvelles technologies. Dans le domaine de  l’aéronautique, en raison du caractère peu acceptable des défaillances, les sauts technologiques sont toujours difficiles à développer et à franchir. Le succès repose sur une analyse objective et expérimentale des cas de défaillances, une recherche de leurs causes et de la mise en place de solutions préventives. Ce lent processus d’optimisation fonctionnelle demande du temps long, des efforts soutenus et donc des financements importants.

De toute évidence, ce travail n’a pas été mené correctement par le sous-traitant nippon dans le cas de la future batterie Li-Ion de Boeing puisque les autorités compétentes américaines en sont encore à la recherche des causes de défaillances. Airbus en tire logiquement les conséquences en se repliant sur une technologie connue.

LIRE la dépêche de Reuters sur la décision d’Airbus.

Le 15 Février 2013

Commentaires

21 réponses à “Airbus abandonne, pour un temps, la technologie Lithium-Ion pour ses futures batteries”

  1. Avatar de Tonton
    Tonton

    Tant que Saft reste dans la boucle. Mais c’est un demi-affront pour l’entreprise.

    Pourquoi donc Boeing ne s’est pas fourni chez Panasonic ou un Coréen restera un mystère.

    Enfin peut-être pas. Boeing n’a sans doute pas les compétences techniques en interne pour assurer un suivi correct de bon nombres d’opérations désormais sous-traitées.

    Il faut dire que déjà 50 % des ingénieurs de ce pays, autrefois inventifs et industriel mais c’était quand il était pauvre, sont immigrés ce qui traduit une attractivité bien sûr mais aussi un manque d’intérêt pour les sciences et la technique au profit de l’instant, du crédit et du divertissement à dose de destruction massive.

    Le shortage va s’accélérer dans les prochaines années mais cela fait longtemps que ce pays n’écoute plus ses ingénieurs : l’ASCE devrait crier dans le vide une fois de plus à l’issue de la nouvelle édition de son rapport sur l’état déplorable de ses infrastructures à paraître en mars prochain.

  2. Avatar de Ray
    Ray

    1-Saft est le leader mondial incontesté des batteries pour l’aéronautique. La Société fera autant de profits, sinon plus, avec les batteries traditionnelles qu’avec des innovations mal acceptées par ses clients. Cerise sur le gâteau: elle prendra ainsi beaucoup moins de risques techniques.
    2-Panasonic n’aurait probablement pas accepté de mettre en péril son image pour quelques dizaines de batteries par an. Pour ce qui est des Coréens je n’en sais rien.
    3-Pour un assembleur comme Boeing, la sous-traitance fonctionne très bien avec les fournisseurs compétents et sérieux. L’innovation dans bien des domaines ne provient que de la sous-traitance qui avance et connaît bien son produit… mais à condition de mettre en place les procédures de validation de chacune des évolutions de nouveaux composants. Il faut donc dans ce domaine gérer des évolutions continues. Le Boeing 777 comporte une batterie alcaline totalement différente de celle du Boeing 747, ce fut à l’époque une évolution maîtrisée vers plus de puissance, une longévité accrue et une maintenance réduite.
    Mais vouloir faire un avion immédiatement « révolutionnaire » comporte inévitablement d’énormes risques au démarrage comme en attestent les déboires de tous ordres rencontrés sur ces nouveaux modèles 787. Boeing a voulu aller trop vite en mettant trop de pression sur la vitesse d’évolution des technologies auprès de ses équipes projets et de leurs sous-traitants. Il en paie la note.
    Un management intelligent, avant de mettre la pression, doit savoir jusqu’où il peut presser ses équipes projets et doit impérativement évaluer avec elles les risques encourus. Ceci suppose l’existence d’un dialogue franc et ouvert entre management et responsables projets. De toute évidence, le management de Boeing n’a pas bien mesuré l’impact de sa « révolution » voulue et annoncée qui va lui coûter très, très cher.
    Futur sujet type d’exemple de gamelle pour « business school ».
    Un cas où le génial coup Marketing rend fou.

  3. Avatar de Ray
    Ray

    LIRE un excellent papier de Dominic Gates du « The Seattle Times » sur les graves problèmes de Boeing et les milliards de dollars en jeu.
    http://seattletimes.com/html/businesstechnology/2020373450_boeing787xml.html

  4. Avatar de Liion
    Liion

    La fusion froide pour expliquer les emballements thermiques de batteries? Excellent !
    Une poussière métallique aurait été plus simple…
    Comme la probabilité de court circuit est proportionnelle à la surface d’électrode, et que (je ne sais qui) a sélectionné de conséquents éléments de 65Ah dans une technologie notoirement instable de surplus (LiCoO2-G !), la catastrophe était presque programmée. A mois de blinder le niveau système, ce qui visiblement n’a pas été bien fait.

  5. Avatar de Ray
    Ray

    Tout cela me semble bien complexe et me rappelle la fusion froide.
    Je crois toujours qu’un simple court-circuit par création d’un pont métallique conducteur entre deux électrodes est l’hypothèse la plus probable. Mes maigres connaissances acquises dans ces sujets me font plutôt penser à une dendrite créée par une impureté en solution plutôt que par du lithium trop abondant.
    Mais vas savoir tout ce qui peut se passer dans un accumulateur si mal foutu comprenant trois ensembles spiralés de 25 Ah mis côte à côte dans un même bac et plus ou moins bien assemblés en parallèle.
    Je n’aurais jamais imaginé un tel bor del et surtout l’embarquer à bord d’un avion. C’est du grand n’importe quoi électrochimique.
    Une approche avec 24 accumulateurs de 25 Ah assemblés en série parallèle (8S3P) me semblerait beaucoup plus raisonnable, moins dangereuse et plus fiable.
    Mais je ne suis pas sûr que je l’aurais tout de même proposée en back-up à Boeing.
    Il faut être pessimiste sur les probabilités de succès de Boeing qui essaie de concevoir une nouvelle batterie de 8 éléments alors que ce sont les accumulateurs nippons qui sont construits de bric et de broc.

  6. Avatar de Tonton
    Tonton

    Envia dévoile un peu plus la technologie derrière sa batterie à 400 Wh/kg et $125/kWh…

    http://enviasystems.com/technology/

  7. Avatar de Raymond Bonnaterre
    Raymond Bonnaterre

    Un Chinois de plus!

  8. Avatar de Raymond Bonnaterre
    Raymond Bonnaterre

    Merci Tonton pour ce papier.
    Technologie sûrement intéressante mais utilisant du Lithium métallique onéreux.
    Il se vend chaque année des millions de piles de types Li-SO2 ou Li-SOCl2 pour diverses applications militaires ou civiles. Utiliser une couche ad hoc de passivation du lithium comme séparateur est audacieuse mais c’est une bonne idée pour rendre le faisceau d’électrodes plus compact.
    Tout se joue dans la durée de vie, l’aptitude au stockage et la fiabilité de ces accumulateurs.

  9. Avatar de Tonton
    Tonton

    Merci de l’explication (que je ne pourrais commenter 🙂 )

    Au sujet de la durée de vie, les batteries de Tesla me semblent être une énigme. Ce sont de bonnes batteries d’ordinateurs portables… mais cela reste des batteries d’ordinateurs portables. Avec la durée de vie qui va avec. Pourtant la garantie constructeur au-dessus d’un certain de seuil de charge garantie est de 10 ans. Ce sont des voitures de sport qui demandent de la puissance, les recharges peuvent se faire à des puissances très importantes et la densité reste au-dessus de la moyenne… Bref l’autonomie, avec une telle vie si mouvementée, devrait être en pâtir. Pourtant la confiance a l’air d’être là. En plus ils disent atteindre des prix faibles… Peut-être pourront-ils les changer à moindre frais et utiliser les vieilles batteries pour les recycler ans du stockage ? Mystère…

  10. Avatar de Raymond Bonnaterre
    Raymond Bonnaterre

    Tonton, je ne connais pas les détails de la batterie Tesla. Ce que je sais, c’est qu’elle est constituée d’accumulateurs cylindriques 18650, peut-être définis pour cette application (solide connectage interne et entre éléments de la batterie).
    L’astuce repose sur l’utilisation de packs en Série Parallèle. Le nombre de packs en série définit la tension de la batterie, le nombre d’éléments en parallèle dans chaque pack permet de diviser le courant par élément. Il est donc possible de tirer de la batterie des courants de forte intensité sans pour autant faire chauffer chaque élément individuel.
    Si l’un des accus est défaillant, ce sont ses copains en parallèle qui assurent la fourniture d’énergie. C’est une des explications de la durée de vie des batteries Tesla.
    Le prix est optimisé par l’utilisation d’un format au standard mondial.
    La batterie doit être constituée d’accumulateurs ou de packs de capacités homogènes.
    On retrouve maintenant ces montages Série Parallèle dans les conteneurs de batteries qui assurent le secours électrique en tampon dans les zones au réseau défaillant.
    http://blogs.thesocialmedia.com/leblogenergie/wp-admin/post.php?post=116&action=edit

  11. Avatar de Tonton
    Tonton

    « Currently, the Model S pack comprises up to around 7,000 Panasonic NCR18650A 3100 mAh 18650-size cells using a Lithium nickel cobalt aluminum (NCA) chemistry and proprietary cathode geometry developed by Panasonic and Tesla. The cathode formulation has been specifically optimized for EV applications. »

    http://www.greencarcongress.com/2013/10/20131030-tesla-1.html

  12. Avatar de Raymond Bonnaterre
    Raymond Bonnaterre

    Merci Tonton,
    J’ai pu lire sur internet qu’une batterie de Tesla serait composée de 11 modules de 621 accumulateurs 18650 assemblés en 9S 69P. Elle présenterait donc une tension de 3,6 x11 x 9 = 356V et une énergie pour des accus 18650 Panasonic de 3,1Ah de
    11 x 621 x 3,1 x 3,6/1000 = 76 kWh
    C’est une batterie énorme, à l’image d’un jouet pour adulte fortuné américain.

    La tension élevée minimise les courants appelés. Les 69 éléments en parallèles divisent d’autant les courants par accumulateur. Mais 69 accumulateurs en parallèles peut poser problème de sécurité si l’un d’entre-eux est en court-circuit.

    Un véhicule électrique urbain grand-public optimisé devrait utiliser une batterie de 15 à 25 kWh selon l’autonomie désirée, sur la base de 15 kWh aux cent km ou moins à venir avec les moteurs dans les roues et des structures en composites dont les prix plongeront avec l’application automobile.

  13. Avatar de Tonton
    Tonton

    Merci pour ces explications détaillées. Disons que cela met les choses en perspectives…

    La Model S est un tank de 2 tonnes mais un tank qui a une autonomie tournant autour de 450 km (batteries oscillant entre 60 et 85 kWh), un moteur de 300 kW et se recharge, au maximum, à des prises délivrant 135 kW. Je pense qu’il faut plus voir l’activité principale de l’entreprise comme celle d’une gestion du stockage électrique : mobile pour les voitures et stationnaire aux stations de recharge alimentées en panneaux photovoltaïques.

    Je suis d’accord avec la vision à moyen terme d’hybrides rechargeables de 30 à 50 km d’autonomie (les trois constructeurs allemands de berlines de luxe se lance sérieusement dans le créneau) connectés au réseau en basse tension au repos, c’est-à-dire la majorité du temps (de préférence alimentée en nucléaire). Les gains technologiques en batteries et matériaux ne va pas qu’avantager les voitures électriques. Un hybride DiesOtto pourrait atteindre les 1,0 L/100 km… (Voir l’exemple de la sportive 208 FE hybride non rechargeable à 1,9 L/100 km) Les motorisations thermiques ont des performances remarquables à délivrer

    Le véritable « tipping point » sera peut-être le passage progressive des 80+ millions de voitures de batteries plomb-acide à une technologie plus récente permettant les économies d’échelle nécessaires.

    D’ici là, et en attendant les voitures électriques abordables promises par Tesla, on verra comment les batteries tiennent ses cycles de charge-décharge effrénés. Et de suivre le cours de bourse délirant, soutenu artificiellement par la QE de la Fed, ce keynésianisme des riches.

  14. Avatar de Tonton
    Tonton

    Tesla lance la production de masse de batteries. A suivre…

    http://www.moteurnature.com/actu/2014/gigafactory-tesla-batterie.php

  15. Avatar de Raymond Bonnaterre
    Raymond Bonnaterre

    Tonton, ne vous laissez pas intoxiquer par le roi du marketing qu’est Elon Musk, tout cela sera cadencé dans le temps,… un très long temps.
    On ne passe pas, dans l’industrie, d’un approvisionnement extérieur à une production intégrée en un claquement de doigts.
    Si Tesla lance son usine sous licence ou avec Panasonic, ce sera un non évènement, qui sera largement financé par le Départment of Energy.
    Si Elon Musk part tout seul dans l’aventure, sans l’aide du cluster japonais, alors il vous faut vendre les actions Tesla que vous auriez pu acheter. Les pertes de l’usine de batteries mangeront largement et au-delà les gains réalisés dans le business actuel de la voiture.
    L’auteur du papier que vous avez mis en lien ignore sûrement qu’il existe une entreprise française qui produit couramment ces accumulateurs cylindriques 18650 aux États-Unis.

  16. Avatar de Liion
    Liion

    De ce que j’ai compris (et je l’espère vraiment pour la réussite de Tesla), c’est bien la première option qui se profile : Panasonic qui construit une énorme usine, tirant derrière lui tous ses fournisseurs. C’est là que Musk veut faire ses économies : en intégrant tous les producteurs de matières première (dont les si chers matériaux de positives et séparateurs) sur le même site, il veut comprimer les coûts. Et avec le volume de production prévu, il pourrait bien réussir à la attirer.

  17. Avatar de Raymond Bonnaterre
    Raymond Bonnaterre

    Mon cher Liion,
    Tous les constructeurs sérieux de batteries produisent leurs propres électrodes, par contre ils achètent généralement les supports métalliques de cuivre et d’aluminium, les matières électrochimiquement actives lithiées, les électrolytes et les liants aux chimistes spécialisés, les poudres de carbone ou autres matériaux d’insertion aux spécialistes nippons, les séparateurs aux spécialistes de films plastiques et divers autres composants mécaniques en aluminium aux industries mécaniques locales.
    Tesla et Panasonic, compte tenu des volumes en jeu, peuvent bien sûr faire venir leurs sous-traitants tenter l’aventure américaine, avec des prix en dollars et proches de l’application. Mais ce seront toujours des sous-traitants plus ou moins liés à Panasonic et qu’il faudra toujours rémunérer.
    There is no such thing for a free lunch.
    Bonne façon pour les États-Unis de développer enfin leur cluster de batterie d’origine nippone qui sera largement subventionné par le DoE.
    Tout cela pour des voitures de Mickeys millionnaires américains qui peuvent changer de mode du jour au lendemain.
    Ce n’est pas encore la Révolution annoncée, mais ce sera une avancée vers plus de démocratisation de la technologie des accumulateurs et une montée en puissance de Panasonic aux États-Unis.

  18. Avatar de Tonton
    Tonton

    Je n’ai fait que reprendre la première nouvelle qui m’est tombé sous la main. Ne connaissant rien à la fabrication des batteries, je n’ai pu qu’engager un classique « on verra bien ». Je savais que la remarque sur les fabricants français allaient vous faire réagir.

    Le parcours de Tesla me fait vraiment réfléchir sur son avenir. C’est un cas intéressant, propulsé par une valorisation délirante.

    Toutefois d’autres cas similaires se sont déroulés dans le passé. Il y a cette passionnante conférence sur le sujet. On s’élève de la médiocrité de la presse.

    http://ineteconomics.org/good-life/william-janeway-can-china-innovate-frontier

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