Le monde, planète adulte, regorge de gaz naturel, résidu ultime et lentement généré par la décomposition des immenses quantités de matières organiques accumulées dans son sous-sol au cours de centaines de millions d’années lointaines qui nous ont précédé. Ces gaz sont retrouvés aujourd’hui, selon leur âge et leur localisation sous formes plus ou moins « humides », c’est à dire plus ou moins chargées en résidus pétroliers dont ils sont issus.
Mais il n’est pas évident qu’une ressource naturelle disponible devienne une ressource exploitable, encore faut-il que son utilisation soit ou devienne économiquement rentable… sinon subventionnée, si la communauté juge cette ressource intéressante par ses qualités intrinsèques. Ceci n’est pas le cas du gaz naturel.
Le gaz naturel se transporte sur longues distances, soit par gazoduc soit sous forme liquide (GNL). Mais les flux d’échanges n’ont pas atteint la taille suffisante pour qu’il existe un cours international du gaz comme c’est pratiquement le cas pour le pétrole (à l’exception notable du pétrole américain qui ne peut pas être exporté et qui est coté régionalement comme le WTI ou le LLS, Light Louisiana Sweet). Il existe donc des cours régionaux du gaz naturel aux USA (Henry Hub), en Europe (National balancing point en Grande -Bretagne) ou en Asie qui peuvent afficher des rapports de prix de 1 à 5 ou 6 entre les États-Unis et certains pays asiatiques.
Aux États-Unis où les prix du gaz sont très faibles (moins de 4$ par MMBTU), leur exploitation est économiquement déterminée à ce jour par la récupération de condensats dont les prix suivent les cours du pétrole voisin.
Il existe cependant une voie plus radicale pour valoriser les ressources de gaz: c’est de les transformer en produits pétroliers. Selon Sasol, le procédé GTL suivi d’un hydrocracking conduit à un mix produit constitué de 75% de gazole, 20% de Naphta et 5% de gaz comprimés liquides tel que propane ou butane.
Il faut selon la même source 10 000 pied-cube (cf) de gaz ( soit 10,2 MMBTU sur la base de 1022 BTU par cf de gaz américain EIA) pour produire un baril du mix produit.
Compte tenu des cours du gaz, du diesel et du Naphta aux États-Unis, il suffit de moins de 40 dollars de gaz naturel pour produire par GTL dans les 125 dollars de produits pétroliers. La rentabilité des opérations repose donc sur la disponibilité de gaz naturel et sur la taille de l’investissement par baril produit annuellement par une complexe unité GTL. Ceci explique la volonté de Sasol de développer des réacteurs Fischer Tropsch de plus en plus gros (FIG.I) afin de réduire le capital employé par baril produit.
L’unité la plus récente de GTL est l’unité Oryx du Qatar construite par Shell et qui compte deux trains de 16000 barils/jour de technologie Sasol, leader historique des procédés Fischer Tropsch. Cette unité devrait être dupliquée au Nigeria dans le cadre du projet Escravos. Un projet GTL de taille accrue devrait être également lancé en Ouzbekhistan. Mais surtout, Sasol annonce son intention d’industrialiser (en deux tranches) 4 trains de 24000 barils par jour en Louisiane sur son site du Lac Charles. D’autres projets seraient en cours d’études au Canada.
Il apparaît évident aujourd’hui, compte tenu du bon fonctionnement de l’unité GTL du Qatar et de l’abondance des disponibilité de gaz naturel dans le monde que des unités de plus en plus nombreuses et de plus en plus importantes vont voir le jour afin de disposer de gazole pour les transports et de Naphta pour la pétrochimie (éthylène, oxyde d’éthylène et leurs dérivés). Ces unités GTL, avec des capacités unitaires qui pourraient atteindre puis dépasser les 100 mille barils par jour, devraient dans la décennie à venir représenter une part encore faible mais non négligeable des ressources en produits raffinés, en concurrence avec les raffineries classiques. Pour cela il sera nécessaire que les cours internationaux du gazole et du Naphta restent à des prix suffisants pour amortir ces unités dans des délais raisonnables.
D’autres voies, utilisant les mini réacteurs de conversion Fisher Tropsch de Velocys, dont nous avions déjà parlé ici, comme a l’intention de le mener à bien Pinto Energy, pourront faire éclore de petites unités de conversion de GTL de quelques milliers de barils par jour. La aussi, la soutenabilité financière des opérations dépendra de la valorisation des produits aliphatiques obtenus.
En vertu de la règle se substituabilité compétitive qui caractérise l’utilisation des ressources énergétiques depuis des siècles, le monde va entrer dans l’utilisation rationnelle du gaz naturel abondant en particulier pour les transports. Dans ce cadre, la conversion de ces gaz en combustibles liquides par GTL participera à la substitution progressive du pétrole par ces dérivés synthétiques issus du gaz.
Le 24 Octobre 2013


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