Tout le monde a bien compris avec la disponibilité des condensats de gaz de schistes américains, que la ressource pétrolière est le fruit d’une industrie qui se complexifie, mais qui ne pâtit pas d’une raréfaction des diverses ressources naturelles, contrairement aux affirmations faussement simplificatrices des théories du peak-oil. Le maintient de cette disponibilité nécessite la programmation de flux croissants en volumes de produits en sortie des raffineries. Ceci implique de larges investissements dans l’exploration et la production de pétrole brut, dans la mise au point de nouvelles technologies d’extraction, dans la production de biocarburants mais aussi et surtout dans les opérations de raffinage et dans les transports vers les raffineries aux travers de continents et d’océans. Ce sont d’énormes investissements, évalués globalement par l’OPEP vers les 8000 milliards de dollars, nécessaires entre 2012 et 2035 (340 milliards de dollars par an en moyenne) pour assurer la fourniture mondiale en qualité et en quantité de la ressource.
Les grandes compagnies pétrolières mondiales publient en ce moment leurs résultats financiers de 2013 qui s’avèrent être plutôt décevants, sinon franchement ringards.
La faute à l’abondance de la ressource qui tire les prix vers le bas et fait plonger les chiffres d’affaires, aux énormes frais en amont de sous-traitance et dans certaines zones, comme l’Europe, aux ridicules marges de raffinage qui rendent déficitaire l’activité aval.
La plupart des grands pétroliers internationaux annoncent donc une baisse à venir de leurs investissements dans le but de ménager la trésorerie de leurs entreprises.
Mais quelle est la proportion des investissements moyens ramenée au Chiffre d’affaire mondial de l’activité.
Pour estimer grossièrement ce chiffre d’affaire annuel consolidé il est possible de partir des volumes de produits sortant des raffineries qui devraient être en 2014 autour des 92 millions de barils par jour et de leur prix moyen de vente qui se situe autour des 120 dollars le baril.
92 Mbl/j x 365 x 120 = 4030 mrds de dollars
Les investissements annuels pour assurer la croissance en volumes des produits pétroliers commercialisés se situent en moyenne entre 8 et 9% du chiffre d’affaire consolidé mondial.
Une baisse durable de 20% à 30% environ de cette masse d’investissement (entre 70 et 100 milliards de dollars annuellement) ne va pas durant les premières années se traduire par un effondrement de la ressource, il suffira aux pétroliers de faire mieux produire leurs équipements existants. Mais à plus long terme ce sont les projets rejetés au préalable par une gestion rigoureuse des engagements qui feront défaut.
Quelques exemples avérés: le nouveau patron de Royal Dutch Shell vient d’annuler un projet GTL en Louisiane de 20 mrds de dollars, ainsi qu’un projet de développement de sables bitumineux dans l’Alberta de 200 mille bl/jour. RDS fait partie des Groupes pétroliers les plus affectés par l’exercice 2013. Ses résultats ont plongé de 39% par rapport à ceux de l’année précédente, alors l’ambiance est à la rigueur.
Les groupes américains comme Exxon ou Chevron ont eux aussi affiché des résultats décevants en 2013. Quand à notre pétrolier, Total, dont le produit des ventes a baissé de 10,6 milliards d’euros (-5,8%) en 2013 par rapport à 2012, il a déjà largement annoncé qu’il allait réduire ses dépenses d’investissements en 2014.
Compte tenu du climat actuel au sein des Groupes pétroliers il me semble risqué de pronostiquer sur le moyen et le long terme une baisse marquée des cours du pétrole. Au contraire, durant la décennie à venir, face à un accroissement de la demande tirée par l’Asie, la tendance devrait évoluer vers une stabilisation des capacités de flux sortant des raffineries, entraînant de ce fait un probable accroissement des prix mondiaux des produits raffinés (gazole, essence, kérosène, naphta, etc.) jusqu’à ce que les compagnies pétrolières décident de reprendre leurs investissements.
Remarque: ces 4000 milliards de chiffre d’affaire consolidé des seuls produits pétroliers (hors gaz naturel) dans le monde correspondent à 5,4% du PIB mondial, estimé en 2013 à 74 000 milliards de dollars, à partir des données de la Banque Mondiale.
Le 14 Février 2014
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