Le coup-d’état de l’Arabie Saoudite sur les cours du pétrole illustre son isolement

Pour des raisons historiques, datant de la deuxième guerre mondiale et de la présidence Roosevelt, l’Arabie Saoudite avait lié des liens étroits avec les dirigeants des États-Unis et maintenait depuis des décennies une disponibilité contrôlée des ses ressources pétrolières afin de maintenir les prix du baril à un niveau satisfaisant pour elle-même, mais aussi pour les consommateurs et producteurs de pétrole américains. Depuis les évènements tragiques de Septembre 2001, les liens entre le peuple américain et les dirigeants saoudiens se sont fortement distendus. La montée en puissance de l’Iran dans la région et les avances diplomatiques américaines vers ce pays, ont également refroidi les liens entre les deux pays.

La non décision de réduire ses productions (FIG.), comme elle l’avait fait dans l’hiver 2012-2013,  pour enrayer la chute des cours, mais au contraire, la volonté affichée par l’Arabie de vouloir conserver ses parts de marché asiatiques constitue un casus-belli évident. Il est vrai que la chute brutale  des cours du brut met en grand péril l’économie russe, fait qui ne va pas attrister le Congrès américain. Elle va rendre totalement ingouvernable certains pays membres de l’OPEP, comme le Venezuela, ce sur quoi, la aussi, les dirigeants nord-américains ne vont pas trop se lamenter.

Mais cette chute va aussi rendre les sables bitumineux canadiens inexploitables et faire passer dans le rouge une majorité des exploitations de gaz de schistes américaines. Ce qui annihilerait une large part des exploitations d’hydrocarbures enclavées du Continent Nord-Américain, celles qui se développaient à tout-va,  jusque là.

Bien sûr l’Arabie peut supporter pendant un an ou deux des cours du baril à 70 ou 80 dollars, ce que, dit-on, elle voudrait faire, mais il n’est pas sûr qu’en l’absence de toute protection russe ou américaine elle puisse mener à bien et sans encombre politique son projet.

Il faut être pessimiste aujourd’hui sur la suite des évènements au Moyen-Orient, à moins que les dirigeants saoudiens ne retrouvent leur attitude conciliante vis à vis des grandes puissances de ce monde. Mais pour ces leaders, il leur sera difficile d’oublier le coup-de-pied de l’âne saoudien.

 

Le 14 Octobre 2014

 

 

Commentaires

10 réponses à “Le coup-d’état de l’Arabie Saoudite sur les cours du pétrole illustre son isolement”

  1. Avatar de Ray
    Ray

    Merci Tonton pour ce bon papier qui analyse la situation vue de l’Arabie Saoudite. Mais l’auteur oublie de se mettre dans la peau de Poutine ou dans celle d’un des patrons d’ExxonMobil ou de Chevron… ce qui, pour moi, sera déterminant politiquement.

  2. Avatar de Raymond Bonnaterre
    Raymond Bonnaterre

    Sur la base d’un marché pétrolier « physique » (hors papiers échangés en Bourse) de 4000 milliards de dollars par an, une baisse des cours de tous les produits pétroliers de 20% revient à transférer 800 milliards de dollars des pays producteurs aux pays consommateurs.
    Nul doute que l’Europe est un des grands bénéficiaires de ce swing historique.

  3. Avatar de BMD
    BMD

    RB, très étrange cette baisse du cours du pétrole coïncidant avec une baisse de la production pétrolière de la production de l’Arabie Saoudite. Cette baisse de production correspond-elle à une tentative pour enrayer la baisse des cours?

  4. Avatar de Raymond Bonnaterre
    Raymond Bonnaterre

    BMD, faites attention à l’échelle des ordonnées de la courbe présentée ici. Au-dessus des 9,5 millions de barils par jour de productions de l’Arabie Saoudite il n’y a pas de réel effort de réduction de production. Pour enrayer la chute des cours il aurait fallu que les productions saoudiennes tombent vers les 9 millions de barils, comme ce fut le cas en hiver 2012-2013, ce qui n’a pas été fait récemment afin de pouvoir livrer l’Asie à prix réduit.
    D’autres facteurs, en dehors des fortes productions américaines et canadiennes, ont également agi sur la perte de valeur du pétrole comme la hausse du dollar qui agit à la baisse sur les cours du pétrole papier et une hypothétique baisse de la demande mondiale.
    Aujourd’hui plus personne ne veut posséder de pétrole papier pour se couvrir vis à vis d’une baisse hypothétique du dollar.

  5. Avatar de BMD
    BMD

    Les commentaires les plus fréquents sur la baisse des cours du pétrole sont la diminution des demandes chinoise et européenne pour cause de ralentissement ou de marasme économique, et la hausse du dollar, dans une contexte d’abondance probablement provisoire de pétrole de schistes US ( l’EIA prévoit un tassement de la production US d’ici deux à trois ans!). L’Arabie Saoudite ne semble pas vouloir pour l’instant baisser sa production pour redresser les cours. Est-ce cela que vous appelez un coup d’état ?

  6. Avatar de Raymond Bonnaterre
    Raymond Bonnaterre

    Yes Sir!

  7. Avatar de Tonton
    Tonton

    « Prenez l’exemple de l’évolution des relations de Washington avec l’Arabie Saoudite. Les échecs permanents des Etats-Unis au Moyen-Orient sont flagrants pour tout le monde, notamment à travers les derniers conflits en Irak et en Syrie. Et Riyad, qui était autrefois leur plus proche allié dans la région, est en fait sorti du contrôle américain, même si bien sûr personne ne l’admet. »

    http://reseauinternational.net/emmanuel-todd-les-liberaux-occidentaux-doivent-applaudir-les-russes/

  8. Avatar de Raymond Bonnaterre
    Raymond Bonnaterre

    Merci Tonton pour ce lien.
    Ce que dit Mirlicourtois est excellent et j’adhère à l’essentiel, mais tout ces arguments avancés ne permet pas de jouer un baril à 60 dollars comme il le fait avec beaucoup d’imprudence.
    Il oublie la déplétion naturelle des productions, la décision de nombreux pétroliers de réduire leurs investissements, les autoroutes chinoises et la croissance inexorable du parc auto.
    La croissance de la demande mondiale en produits pétroliers devrait être moins forte… allez-savoir? N’oublions pas qu’il s’agit de la dérivée seconde de la consommation en fonction du temps, donnée extrêmement fugace et fortement dépendante des prix du baril.
    Un prix du baril autour des 90 dollars me semblerait être aujourd’hui un bon compromis économique entre pérennité de l’offre et croissance des consommations.
    Mais on sait aussi que la solidité du dollar est un paramètre du premier ordre sur l’évolution des cours. On ne peut pas négliger comme le fait Mirlicourtois le pétrole papier, outil de couverture contre la baisse du dollar.

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