Un exemple de prise en compte de la lente substituabilité compétitive des sources primaires d’énergie

Dans la littérature du moment, il est courant de constater combien les écrits et autres pamphlets, parlant d’évolution possible des sources primaires d’énergie et de leur répartition dans le monde, sous-estiment la viscosité, dans le temps, des processus de substituabilité. Certains magiciens prédisent la disparition du charbon mais oublient de préciser par quelle ressource le remplacer et à quel prix, d’autres prêchent pour la disparition  imminente des ressources énergétiques traditionnelles et pour leur substitution par les énergies renouvelables tout en omettant d’aborder  les problèmes majeurs posés par l’intermittence de ces ressources éoliennes et solaires; encore,  par insupportable et grossière tactique politicienne, d’autres militent pour un bannissement des exploitations et même, récemment, des importations de gaz de schistes alors que ces derniers vont être, peu à peu, appelés à représenter la majorité des ressources abondantes de gaz naturel dans le monde. Enfin certains revendiquent la fin de l’atome comme ressource d’énergie, alors que de futurs modes de mise en œuvre de l’atome, à développer, constitueront une large part du mix énergétique à venir de la planète. Enfin, aller capter l’énergie solaire dans l’espace, là où le jour est éternel ou presque, sera peut -être un jour possible, mais il faudra savoir rapatrier cette énergie sur terre sans exterminer les pauvres oiseaux migrateurs qui sillonnent des couloirs aériens millénaires. Les solutions écologiques éoliennes ou solaires sont souvent implacables pour nos oiseaux, fragiles descendants directs des dinosaures. Malheur aux dindons de la farce, il faut sauver la planète! L’homme, dit-on en haut-lieu, pourrait subitement déterminer le climat. Quelle arrogance imbécile!

    Mais revenons à la substituabilité des sources d’énergies, processus lent, qui met en œuvre de nouvelles technologies mais aussi de nouvelles habitudes ou de nouveaux standards sociaux. Chauffer son foyer au feu de bois, ou avec une chaudière à mazout, ou bien avec une pompe à chaleur  ne relèvent pas des mêmes standards de mode de vie, des mêmes modes du moment, des mêmes influences tribales, des mêmes technologies, des mêmes langages.

    J’ai retenu, pour illustrer cette lenteur, la publication par l’EIA américaine portant sur les consommations d’énergies mondiales relevées dans son « International Energy Outlook 2016 » qui vient de paraître (FIG.) et d’où il ressort qu’entre 2012 et 2040, les consommations d’énergies primaires dans le monde devraient progresser de 48%. Selon cette officine, les parts de marché du pétrole et du gaz devraient rester globalement stables (56%) avec une part de marché du pétrole et des condensats en baisse de 3 points alors que la part du gaz naturel progresserait de 3 points.

    Durant ces 28 ans, les consommations de gaz naturel dans le monde seraient multipliées par 1,7 et celles de pétrole et autres ersatz (liquids) ne croitraient, elles, que de 34%. Nous retrouvons l’importante croissance des ressources gazières  dans le futur mix énergétique du monde.

    Mais ce qui est tout aussi passionnant dans ces projections, c’est la part de marché du charbon qui ne perdrait que  6 points, pour se retrouver à 22% en 2040. Ces 6 points se répartissent entre le nucléaire (+2 points) et les diverses autres formes d’énergies (+4 points) essentiellement renouvelables.

     L’EIA ne prévoit pas, pour 2040, un effondrement de la part du lignite ou du charbon dans le mix énergétique mondial dont les consommations devraient progresser de 18% durant la période. Supprimer l’utilisation du charbon nécessiterait de réaliser d’énormes investissements mondiaux dans les filières nucléaires et celles des énergies renouvelables secourues par des stocks ou d’autres centrales classiques. Après-tout, autant conserver le charbon peu onéreux.

CONSULTER  « L’INTERNATIONAL ENERGY OUTLOOOK » 2016 de l’EIA américaine.

Le 13 MAI 2016

 

 

Commentaires

6 réponses à “Un exemple de prise en compte de la lente substituabilité compétitive des sources primaires d’énergie”

  1. Avatar de Tonton
    Tonton

    A ce sujet, voir l’excellent livre de Vaclav Smil : http://www.vaclavsmil.com/energy-transitions-history-requirements-prospects/

    Petit remarque : on pourrait aussi ajouter au graphique l’état de la consommation d’énergie primaire mondiale en 1980 pour voir que les grands équilibres restent stables sur des décennies et évoluent lentement.

  2. Avatar de Raymond Bonnaterre
    Raymond Bonnaterre

    Tonton, je reviendrai sur ce sujet qui m’est cher et qui constitue le plus puissant antidote pour se prémunir des puériles idioties énergétiques du moment.

  3. Avatar de Olivier
    Olivier

    Conserver les énergies fossiles pour les futures génération et diminuer les émissions de gaz toxiques ne semblent pas le moins du monde être une priorité.

  4. Avatar de Raymond Bonnaterre
    Raymond Bonnaterre

    Bonjour Olivier, le problème posé n’est pas là. Ce n’est pas une question de morale ou de toxicité des gaz, c’est un problème de faisabilité. L’EIA vous explique qu’en 2040 le monde, malgré les progrès constants réalisés dans l’efficacité énergétique des processus, consommera beaucoup plus d’énergie primaire qu’aujourd’hui, dont plus de gaz naturel, plus de pétrole et même plus de charbon.
    Alors si vous voulez faire mentir l’EIA, il faut poser les bonnes questions et non pas brandir des arguments moraux dont tous les nombreux Chinois et autres Indiens n’ont rien à cirer.
    La vraie question est la suivante: quelles seront les futures sources d’énergie alternatives à celles d’aujourd’hui qui alimenteront une population de 10 ou 12 milliards de terriens, ressources qu’il va falloir développer? Je suis navré de vous dire que le vent, le soleil et la biomasse ne répondront qu’en très faible partie à la question posée. Il faudra donc développer d’autres ressources d’énergies qui utiliseront probablement l’atome sous de nouvelles formes plus sûres et plus efficaces. Elles sont à l’étude aujourd’hui dans le monde.
    Quant-aux réseaux intelligents dont on nous bassine, ils seront là pour distribuer chichement une ressource électrique, hors de prix, en quantité insuffisante programmée. Superbe avenir pour les générations futures.

  5. Avatar de anonymous56
    anonymous56

    Bonjour Raymond,

    1)
    Raymond dit :
    « Dans la littérature du moment, il est courant de constater combien les écrits et autres pamphlets, parlant d’évolution possible des sources primaires d’énergie et de leur répartition dans le monde, sous-estiment la viscosité, dans le temps, des processus de substituabilité.  »

    –> Un exemple passé, baisse de 40% en 16 ans lors du passage de la vapeur à l’électricité dans les entreprises US au début du XXeme siècle :
    extrait de https://fr.wikipedia.org/wiki/Roaring_Twenties#Une_deuxi.C3.A8me_R.C3.A9volution_industrielle :

    Ainsi, la productivité des États-Unis augmente par exemple, grâce au remplacement de la vapeur dans les usines par l’énergie électrique : ainsi, de 1914 à 1930, le pourcentage d’entreprises utilisant l’électricité plutôt que la vapeur passe de 30 % à 70 %.
    Source : Jacques Portes, Histoire des États-Unis. De 1776 à nos jours, Paris, Armand Colin,? 2010, page 170

    2) Raymond dit :
    « Les solutions écologiques éoliennes ou solaires sont souvent implacables pour nos oiseaux, fragiles descendants directs des dinosaures. »
    et des humains :
    Les éoliennes reconnues « Dangereuses pour la santé humaine »
    http://www.economiematin.fr/news-eolienne-danger-sante-infrasons-impact-familles-exploitation-riou
    +
    Santé : Les médecins allemands incitent à arrêter totalement l’éolien
    http://www.economiematin.fr/news-eolienne-scandale-sante-allemagne-interdiction-eolien
    +
    http://bournezeau.eoliennes.over-blog.com/2015/06/les-allemands-vont-ils-suivre-les-danois-et-les-portugais.html

    Je ne parle même pas des couts de démantèlement.

  6. Avatar de Raymond Bonnaterre
    Raymond Bonnaterre

    Effectivement, l’électrification a été en son temps un phénomène assez gaillardement mené, encore fallait-il avoir électrifié les contrées en courant alternatif, ce qui a pris tout de même quelques décennies.
    Mais a56, je vous signale aimablement que cette si chère électricité n’est pas une ressource primaire, c’est juste un vecteur bien utile..
    Quant-à la santé humaine, j’ai la certitude que le phénomène « Velib » à Paris est la cause de plus de décès et d’accidents que le sont les centrales électronucléaires de notre pays.
    Mais une mort écologique, à vélo dans Paris ou en mangeant des pousses contaminées de soja allemandes, est une belle fin qui ne mérite, de nos jours, aucune sorte d’indignation ou de condamnation.
    La mort du Héros est toujours exemplaire et heureuse. Il était aimé des Dieux, pensaient les Grecs.

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