Les diverses Agences et divers cartels réalisent des prévisions sur les consommations de pétrole dans le monde. Leurs chiffres généralement divergent peu. Au mois de Mars par exemple l’OPEP prévoit pour 2009 une consommation de 84,6 millions de barils/jour, l’Agence Internationale de l’Energie vient d’actualiser la sienne à 84,4 millions et l’Energy Information Administration parle de 84,3 millions de barils/jour. Une comparaison de ces chiffres aux consommations réelles de 2007 (86 millions de barils/jour) et de 2008 (85,7 millions de barils/jour) montre que dans les faits la crise économique n’a que peu d’incidence sur la consommation réelle de pétrole, mais qu’elle en a beaucoup sur les prévisions de ces Agences. Le monde virtuel change beaucoup, le monde réel évolue lentement.
Dans les faits, c’est le formidable changement de pied dans les prévisions qui dérange le plus. Il était de bon ton jusque là de prévoir des augmentations annuelles de consommations de pétrole comprises entre un et deux millions de barils/jour et de prévoir l’apocalypse. Il faut maintenant prévoir des réductions de consommations. Mais seront-elles si importantes? A l’aide d’une approche pessimiste pour 2009 qui supposerait une consommation finale à 84 millions de barils/jour, cette consommation se retrouverait à 2 millions de barils/jour de moins que le plus haut de 2007. La formidable crise que nous traversons n’aura fait diminuer la consommation de pétrole que de 2,3% au plus par rapport à celle de 2007, époque où l’économie allait bien. Il faut donc prévoir de faibles réductions annuelles de consommations pour la décennie à venir.
Cette constatation simple qui provient du fait que dans le monde les voitures et les camions ne se vont pas s’arrêter de rouler, les avions de voler, les navires de caboter, la pétrochimie de produire des solvants et autres produits chimiques de synthèse. Mais que tout cela va se faire avec une efficacité énergétique accrue et dans le cadre d’un mouvement de substitution du gaz naturel au pétrole qui va s’étaler sur plusieurs décennies.
La substituabilité des sources d’énergies primaires est une vieille histoire qui a commencé au XIXème siècle en Angleterre avec la suprématie du charbon sur le bois, puis au XXème siècle, aux Etats-Unis avec la primauté du pétrole. Dans les décennies à venir c’est le gaz naturel qui va devenir la source principale d’énergie primaire accompagnant le rôle majeur qu’est appelée à jouer l’électricité comme vecteur d’énergie dominant, jusque dans la traction électrique des véhicules.
Quels sont les paramètres qui permettent de prévoir la montée inéluctable en puissance du Gaz Naturel:
- c’est le combustible fossile qui émet le moins de CO2, après capture du CO2 à la source, lors de son extraction et de sa purification,
- il est largement répandu dans le monde et les réserves sont abondantes dont certaines sont encore mal exploitées (Iran, schistes bitumineux…)
- il sera durablement moins onéreux que le pétrole
- il peut être transformé en combustible liquide ou en DME
- il peut se substituer aux dérivés du pétrole (naphta) dans la chimie aval
- les centrales électriques au gaz sont complémentaires des sources d’énergies renouvelables
- sous forme comprimée, il peut se substituer aux carburants dans les transports (bus, poids lourds)
- avec la montée en puissance du GNL, son marché va peu à peu s’internationaliser.
Il est donc possible de prévoir pour les décennies à venir une décroissance lente des productions de pétrole et une substitution progressive du pétrole par le gaz naturel, associée à une montée en puissance du vecteur énergétique électricité. Scénario d’une non catastrophe annoncée, dans le cadre d’un progrès continu des technologies vers une meilleure efficacité énergétique et une réduction drastique des émissions de CO2.
Remarque: les faibles diminutions de consommations de pétrole dans le monde, comme l’a souligné Nobuo Tanaka, le patron de l’AIE, seront négligeables par rapport à la déplétion naturelle des champs pétroliers qui tirent annuellement vers le bas les productions mondiales de 4 à 5 millions de barils/jour et qui doivent être compensées par de nouvelles ressources ou de nouvelles techniques neutralisant cette déplétion. La poursuite des efforts d’exploration et d’amélioration des techniques d’exploitation des Groupes pétroliers est donc vitale pour l’économie mondiale. Le débat ridicule et lancinant sur les « scandaleux » profits du Groupe Total en France, illustre la forte ignorance des médias de ces problèmes et de leur aptitude naturelle à amplifier les contresens.
Le 15 Mars 2009.
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