Pour une politique progressive vers des biocarburants utilisant la quasi totalité de la ressource

Poet1                       L’utilisation d’un hectare de sol pour faire pousser du maïs, du switchgrass, du manioc, de la patate douce ou du miscanthus dans le but de produire des biocarburants doit être posée non pas en terme de denrée alimentaire ou non alimentaire comme on le lit trop souvent, mais en terme de rendement global en biocarburant obtenu pour cette surface et en tenant compte des ressources utilisées pour assurer cette transformation de A à Z (eau, engrais, main d’oeuvre, énergie, rejets, déchets valorisables ou non, etc.). Chaque culture a ses avantages et ses inconvénients, mais si les Etats-Unis utilisaient toutes les surfaces plantées de maïs pour biocarburant par du miscanthus avantageusement arrosé d’engrais, cela ne libèrerait aucun boisseau de maïs supplémentaire aux spéculateurs qui décident des cours de cette ressource alimentaire mondiale. La notion de biocarburant de première ou de deuxième génération n’a, d’autre part, que peu de sens d’un point de vue économique. D’un côté, il existe des procédés, sûrement perfectibles, d’un autre côté il existe des ressources de biomasse elles aussi perfectibles qui pourraient par exemple, utiliser moins d’eau et moins d’engrais pour croître. La question est alors la suivante: que doit-on faire pour que le rendement global de la transformation soit optimal. Tel semble être la bonne façon de poser scientifiquement le problème.

                      Le conflit entre cultures vivrières et cultures destinées à élaborer des biocarburants n’est pas un problème scientifique. Il est politique. Un Etat a tout à fait le droit d’interdire ou de limiter les cultures destinées à l’élaboration des biocarburants, mais la technologie à le devoir de lui indiquer quel type de biomasse et quel type de procédé, compte tenu des données géographiques du lieu considéré, sont à ce jour envisageables et optimales. Le Brésil considère que la meilleure voie aujourd’hui est la culture de la canne à sucre, pourtant le sucre est une denrée alimentaire, mais elle est abondante. Les Etats-Unis considèrent que leur meilleur procédé est basé à ce jour sur la culture du maïs. Ceci est fortement critiqué, mais rien n’empêche la nouvelle administration américaine de limiter les surfaces cultivables de maïs destiné aux biocarburants, afin de ménager des ressources vivrières suffisantes pour son pays et pour l’exportation. Le responsable n’est pas le procédé, mais c’est le politique qui ne dit rien.

                      La filière qui va du maïs au fuel éthanol est  par contre éminemment perfectible. Les plants de maïs de nouvelle génération vont être plus résistants au manque d’eau, ils demanderont moins d’engrais pour se développer, les rendements à l’hectare vont croître tout en nécessitant moins d’apports (LIRE). Côté procédé des progrès d’optimisation sont possibles et le plus important à ce jour est l’adjonction des procédés de deuxième génération permettant d’utiliser les rafles et les déchets cellulosiques du maïs, couplés dans la même usine avec le procédé traditionnel de transformation de l’amidon en alcool. Le plus grand producteur de fuel éthanol américain, Poet qui produit 1,54 milliards de gallons d’éthanol ( 2,45 milliards d’hectolitres) par an travaille activement à ce procédé. Il vient de démarrer une unité pilote à Scotland, dans le Sud Dakota qui a une capacité de 20 mille gallons par an d’alcool obtenu à partir des rafles de maïs (cob). Poet va être sûrement un des premiers industriels en 2011 à transformer des déchets cellulosiques en alcool de façon industrielle et rentable, puisqu’il va peu à peu convertir ses 26 usines agricoles afin qu’elles puissent valoriser, par une modification du process, les rafles de maïs que les paysans producteurs de maïs livreront également à l’usine, que ce soit des rafles de maïs alimentaire ou de maïs pour biocarburants. L’objectif de Poet est qu’une usine puisse produire 1/4 de l’éthanol par ce procédé en parallèle au précédent, grâce à des investissements limités. Par la suite selon les régions, selon les opportunités les parts relatives de l’un et de l’autre seront modulées.

                       Cet exemple simple montre que la dissociation entre procédé de première génération forcément mauvais et de deuxième génération bien sûr vertueux n’a que peu de sens. Le problème pour Poet et les paysans qui le fournissent est de produire pour chaque hectare cultivé le maximum de biomasse transformable à moindre coût. L’amidon, la cellulose et l’hémicellulose de la plante seront tous transformés en alcool. Il apparaît cependant qu’il est moins onéreux d’industrialiser un procédé parallèle à la voie amidon que de partir de zéro. Un certain nombre d’équipements, chaudières, pompes, filtres, cuves, station d’épuration peuvent être mis en pool, les équipes sont les mêmes à quelques opérateurs près, la logistique qui fait entrer les matières premières et sortir le fuel éthanol est en place. Formidable opportunité.

                         Un jour, peut-être, une nouvelle culture que celle du maïs la supplantera dans les grandes plaines américaines, ce sera parce qu’elle permettra de produire plus d’éthanol (ou de butanol) à l’hectare par des procédés simples. Pour l’instant les procédés de deuxième génération qui rejettent 40% de la plante ou du bois sous forme de résidus ligneux ont peu de chance d’atteindre cet objectif. Quand aux raffineries gigantesques issues de l’imagination de doux rêveurs faisant appel au procédé Fischer-Tropsch, elles ont pour l’instant 200 ou 300 ans d’avance le temps qu’il n’y ait plus de gaz naturel et de charbon accessible sur terre. Tout au plus pourrait-on les envisager auprès des très grandes industries du bois pour valoriser les déchets (LIRE un précédent article), mais les rustiques granulés de biomasse sont de sévères concurrents.

                        La canne à sucre et le maïs ont des propriétés naturelles toutes particulières, un vieux Rhum vieilli en fût ou un Bourbon de 20 ans d’âge témoigneront toujours de cette évidence.

Le 13 Janvier 2009.

Commentaires

3 réponses à “Pour une politique progressive vers des biocarburants utilisant la quasi totalité de la ressource”

  1. Avatar de Philippe
    Philippe

    Que les politiques n’exercent pas le contrôle qui est de leur responsabilité, soit. Mais exonérer les scientifiques des responsabilité quant à l’utilisation de leurs recherches… me semble bien dangereux ! Par ailleurs, le postulat posant qu’il faut rechercher le meilleur rendement (« produire pour chaque hectare cultivé le maximum de biomasse transformable à moindre coût ») d’un point de vue économique… me semble tout aussi périlleux pour l’avenir.

  2. Avatar de Raymond Bonnaterre

    Faut-il chercher pas longtemps et avec précaution?
    Telle semble être la problématique posée par certains. Je répondrai simplement tout dépend à quel stade de la recherche et du développement on se trouve. Pour la recherche amont moins le chercheur n’aura d’entraves, en dehors des lois communes qui interdisent simplement d’attenter à la santé d’autrui, et plus il aura des chances que sa recherche soit féconde. Pour le développement et l’industrialisation les intervenants autres que les scientifiques que sont les gens de Marketing ou l’Assurance Qualité doivent dans leurs cahiers des charges préciser les contraintes environnementales que doit respecter le futur produit ou le futur procédé. Les contraintes légales existantes et celles imaginées à venir doivent être prises en compte, de façon formelle.
    Je vous invite, Philippe à lire un petit memo ou je propose de remplacer le fumeux principe de précaution par une obligation de prévention, bien connue dans le développement des médicaments par exemple. La France est la seule au monde a avoir adopté à la fois les 35 heures et le principe de précaution. Cocktail idéal pour entraver la Recherche. Le peu de créativité de certaines de nos industries peut en témoigner.
    LIRE : http://www.leblogenergie.com/2007/10/principe-de-prc.html

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