La consommation d’un baril de produits pétroliers demande de moins en moins de pétrole brut

La tradition américaine utilisant le baril de pétrole comme unité de mesure du pétrole brut extrait et le gallon comme unité de volumes des carburants vendus à la pompe établit les statistiques de production et de consommation en volumes. Cette façon de faire, peu rigoureuse en raison de l’évolution des densités des produits de l’amont vers l’aval de la filière, a été largement reprise dans le monde, alors qu’en toute rigueur il aurait fallu utiliser des unités de masse. On devrait en toute rigueur acheter des kilogrammes de carburants à la pompe, il suffirait d’afficher la mesure au compteur en corrigeant de la densité du liquide après en avoir mesuré la température.

BP 2011 pétrole ratio conso prod

 Cette façon pratique de parler en volumes nécessite de bien intégrer toute la chaîne de transformation du pétrole qui tend à favoriser la production de produits légers et chers (essence, kérosène, gasoil) aux dépens des fonds de barils beaucoup plus lourds et de moindre rapport. L’essence présente une densité de 0,74 alors que l’asphalte présente une densité supérieure à un. Il faut également intégrer les progrès énergétiques des raffineries qui brûlent une part de leur production de moins en moins importante pour produire de l’énergie. Il faut également prendre en compte que les essences et les gasoil sortant des raffineries contiennent des biocarburants dont la part devient de plus en plus importante (l’essence américaine au mois de Mars contenait en moyenne 9,2% d’éthanol dénaturé en volume). Enfin il faut penser aux unités de type GTL et CTL qui produisent des produits pétroliers à partir de gaz naturel ou de charbon.

 Pour porter jugement sur cette évolution fondamentale de la soupe pétrolière il suffit de calculer le rapport entre pétrole produit et produits pétroliers consommés (FIG., BP 2011). Alors que dans les années 70 un baril de pétrole conduisait à 0,95 baril de produits raffinés, en 2010 un baril de pétrole a conduit à la production de 1,064 baril de produits finis et de 1,04 baril hors biocarburants. C’est une progression de rendement de 10% en quarante ans et qui n’est pas près de s’arrêter, en particulier en raison la montée en puissance des biocarburants dans le monde et avec l’arrivée des immenses raffineries de pétrole les plus modernes. Par exemple, en Arabie Saoudite les futures raffineries exploiteront à fond la ressource en pétroles lourds pour en faire des carburants ou des intermédiaires de synthèse pour la pétrochimie. En parallèle les raffineries obsolètes européennes seront fermées.

 Ces courbes montrent qu’il va y avoir de moins en moins de pétrole brut dans les carburants et de plus en plus d’ersatz ou de produits de synthèse. Une telle évolution ira en s’accélérant avec la montée des cours des produits pétroliers qui rendront très rentables les biocarburants et autres produits de synthèse divers, mais aussi avec la pression sur la réduction des émissions de CO2 comme dans l’aviation par exemple qui va mettre en œuvre des mélanges 50/50 de type kérosène et dérivés terpéniques des biocarburants.

Le 15 JUin 2011

Commentaires

8 réponses à “La consommation d’un baril de produits pétroliers demande de moins en moins de pétrole brut”

  1. Avatar de an391

    Par contre il ne faut pas oublier que la production d’un baril de pétrole, elle consomme de plus en plus de pétrole (ou d’énergie en général, voir concept EROEI : energy return on energy invested). Si au début du pétrole (où la problématique était de brancher un tuyaux sur un flux jaillissant après avoir creuser un puits), on pouvait « produire » jusqu’à 100 barils avec un baril, aujourd’hui on est autour de 20 ou 25 « barils produits » pour un baril investi dans le conventionnel, et pour les tar sands par exemple, c’est plus entre 1 pour 3 produits ou 5/7 suivant les études (le processing des tar sands utilisant actuellement énormément de gaz naturel à disposition, projets éventuels de centrales nucléaires pour remplacer cela). Pour les agro carburants, l’EROEI de l’ethanol de maïs aux US ne serait pas très supérieur à 1 et inférieur à 2, meilleur dans le cas des « palm oil ».

  2. Avatar de Ray
    Ray

    an 40, bien sûr l’énergie d’un baril de produits pétroliers si elle ne vient pas du pétrole elle doit venir d’ailleurs. Vos chiffres sont bien gentils mais il y a un Juge de Paix: c’est la rentabilité des opérations. Si les nouveaux procédés gaspillaient l’énergie comme vos chiffres plus ou moins exacts le suggèrent, ils ne seraient tout simplement pas rentables. Le ROI prime toujours sur vos EROEI dont les calculs sont plus ou moins estimés, comme l’ont montré les âneries publiées il y a quelques années sur les biocarburants (remarque: agrocarburant n’est pas français).
    C’est le concept même de substituabilité compétitive: je fais des biocarburants parce qu’ils sont moins onéreux que l’essence ou le gasoil. Pour cela je vais alimenter la distillation des bières issus des fermentations avec du biogaz fait maison issu des résidus de biomasse ou en brûlant la bagasse de cane à sucre. Ce sont des industries agricoles qui récupèrent ce qui est récupérable et qui se moquent des calculs de quelques écolo-dépendants en révolte. L’essentiel c’est de gagner sa vie à la sortie.

  3. Avatar de Ray
    Ray

    Après la fermeture de la raffinerie de Dunkerke (141 mille barils/jour), la fermeture programmée de celle de Reichstett (85 mille barils/jour), mauvais coton pour la raffinerie de Berre qui est à vendre (105 mille barils/jour). Son propriétaire Lyondell Basell Industries ne supporte plus les grèves à répétition des ouvriers du port de Fos-Marseille et les maigres marges de raffinage qui en résultent. La fermeture définitive de cette raffinerie serait un sale coup porté à l’industrie pétrochimique de l’étang de Berre et plongerait le port de Marseille dans les profondeurs du classement des ports en Europe. Exemple du fatalisme suicidaire de l’ensemble des acteurs de l’industrie en France. Un Drame Classique pur jus!

  4. Avatar de an391

    « remarque: agrocarburant n’est pas français »
    Remarque : étant Français, locuteur de la langue française ou francophone si vous préférez, le fait que j’utilise le terme agrocarburant lui confère par définition la qualité de « terme ou mot français », vous ne saviez pas ?
    Mais je comprends que « bio » vous paraisse faire plus mode.
    Par ailleurs, considérer le ROI en tant que « juge de paix » (votre usage des majuscules est très approximatif), correspond à faire fi un peu vite de toutes les déformations possibles dues aux subventions et autres transferts.

  5. Avatar de Ray
    Ray

    an40 traduire « biofuel » par biocarburant me semble raisonnable. Les Académiciens dans leur grande sagesse ont choisi cette voie. Mais peut-être êtes vous, vous-même, membre de cette noble Académie pour vous arroger tant d’importance?

  6. Avatar de an391

    Raymond, le juge de paix comme vous dîtes, en ce qui concerne le dictionnaire est aujourd’hui plus le Petit Robert ou le Larousse que l’Académie(qui ne l’a jamais été d’ailleurs), et est par définition toujours en retard.
    Faites attention les Anglais ou Américains risquent de se moquer de vous !
    Robert qui par ailleurs, sur mon téléphone donne :
    Agro- (préfixe)
    – Element savant (du grec agros « champ ») qui signifie « de l’agriculture » (ex. agrobiologie)
    Donc agrocarburant paraît tout à fait approprié.

  7. Avatar de jmdesp
    jmdesp

    Raymond, ROI et EROEI sont totalement liés et ne divergent jamais beaucoup. Si tu exprime le ROI en nombre de mois/années pour rentabiliser l’investissement, on peut quasiment passe à l’EROEI par une formule mathématique, *sauf* si une partie de la consommation d’énergie est subventionnée, ou si les coûts sont truqués soit par des taxes, soit par des subventions.
    En ce qui concerne les agrocarburants américains précisément, il y a d’énormes subventions à l’agriculture qui occultent le ROI qu’on aurait sinon, et qui permettent de se lancer dedans alors même qu’un ROI aux conditions du marché serait négatif, avec l’EROEI lié inférieur à 1.
    Ce n’est pas le cas en Amérique du Sud, mais les conditions d’exploitation sont très différentes. Le ROI est bon *parceque* l’EROEI est bien meilleur en brulant la bagasse ou en réinsérant les déchets dans le circuit.
    Il faut absolument lire le rapport de la cour des comptes sur les biocarburants en France, c’est atterrant, les consommateurs payent une fortune, vu la réduction forte de densité énergétique de l’éthanol par rapport à l’essence, et la TIC qui dépend du volume et pas de celle-ci. Mais même avec cela, l’état doit quand même rajouter encore un peu d’argent pour financer les subventions versées à l’agriculture.

  8. Avatar de Ray
    Ray

    Cher jmdesp, je respecte trop l’impact des biocarburants de première génération sur les cours des produits pétroliers pour assez mal accueillir ici des arguments habituels assez incongrus et de plus faux.
    1) la prime de 45 cents par gallon de bioéthanol accordée aux raffineries est abolie aux USA depuis le mois de Décembre dernier.
    2) ceci a entraîné une réduction du prix du bioéthanol de 50 cents par gallon et les bouilleurs de cru locaux dans leurs usines agricoles se portent bien. Ils vendent bien les protéines du maïs (DDGS) comme nourriture pour animaux et qui représentent 30% en masse du maïs utilisé
    3) cette activité du bioéthanol a fortement soutenu les productions américaines et mondiales de maïs. Elle servira d’exemple pour développer plus tard ce type de filières en Afrique ou en Amérique Latine
    4) la France est un nain dans les biocarburants, elle est en retard et se mélange les pinceaux dans ses multiples taxes. Qu’y a-t-il d’étonnant à cela? Ceci n’a rien à voir avec le nécessaire développement des filières de biocarburants qui mondialement représentent 2 millions de barils/jour pour 88 consommés au total.
    Sur l’EROI on peut lire les commentaires dans: http://www.leblogenergie.com/2012/06/peut-on-identifier-certaines-limites-%C3%A0-la-rente-p%C3%A9troli%C3%A8re.html
    « le concept d’EROI me semble assez abscons pour juger de la pertinence d’une opération d’extraction ou de transformation d’une ressource énergétique. Le bioéthanol américain par exemple utilise le gaz américain abondant lors des étapes de distillation des bières et de séparation de l’eau. La rentabilité financière de l’opération est maintenant largement démontrée sans aucune subvention. Le retour financier sur investissement (externalités comprises) qui est le vrai critère d’un business quel qu’il soit est donc largement positif. L’obtention d’un combustible liquide organique miscible à l’essence est le principal progrès accompli lors de cette transformation…c’est l’entropie du système qui s’en trouve réduite. Il faut ici réfléchir en énergie libre du système (DELTA G). Ce qui introduit le facteur entropique oublié si l’on ne raisonne que sur le terme enthalpie (DELTA H) ».

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