Air Liquide-Lurgi essaie de concevoir industriellement une filière de biocarburants de deuxième génération

                          La définition d’une filière industrielle de biocarburants viable économiquement se heurte à un trivial problème de logistique qui détermine immédiatement les choix de procédés. La biomasse en vrac présente une très faible énergie volumique. L’énergie contenue dans une botte de paille est 25 fois plus faible que celle contenue dans le même volume de gasoil. Il existe donc deux options possibles: soit on définit un procédé « agricole » simple qui peut être mis en oeuvre localement par une équipe réduite; c’est le cas de la filière fuel-éthanol aux Etats-Unis ou la Renewable Fuel Association recense 110 usines en 2007 dont 46 possédées par des fermiers locaux. Soit on définit un procédé industriel complexe du genre Fischer Tropsch suivi d’hydrocracking (Choren en Allemagne), c’est alors une raffinerie de pétrole mais qui ne peut pas être alimentée jour et nuit par une noria de milliers de camions de pailles ou de copeaux de bois venant dont on ne sait où. Pour arriver à un hypothétique procédé industriel viable sans subventions gouvernementales, il est impératif au préalable de concentrer l’énergie de la biomasse (FIG.) pour la rendre transportable. LURGI du Groupe Air-Liquide en Allemagne travaille sur ce sujet avec le Karlsruhe Institute of Technology (KIT), UOP du Groupe Honeywell adopte également une démarche parallèle aux Etats-Unis (LIRE).Biocarburantslogistiqueprobleme

                     L’idée de base de ces filières en plusieurs étapes est d’utiliser la pyrolyse du bois pour obtenir ce que les Américains et Canadiens appellent le Bio-Oil (Dynamotive). Par un procédé simple et très rapide de pyrolyse de particules de bois on obtient un mix de trois phases: du gaz qui va alimenter l’unité en énergie, un liquide le Bio-Oil et un solide sous forme de suie ou de morceaux de coke selon le procédé. Dans le procédé Lurgi le bio-oil et le charbon sont remixés et broyés à chaud pour obtenir une huile visqueuse (slurry) qui va servir à alimenter la grosse unité de traitement et de valorisation. Le bilan massique indique que 7,5 t de bois sec (15% d’humidité) conduit à 5,4 tonnes d’huile.

                    Cette opération simple peut être effectuée localement, proche de la ressource. La question alors posée est la suivante: faut-il aller ensuite faire subir des transformations complexes à ce produit par gazéification, polymérisation Fischer-Tropsch, hydro cracking pour obtenir un tonne de gasoil ou bien utiliser directement ces 5,4 tonnes d’huile de bois comme combustible dans une chaudière ou une centrale électrique?  Pour Lurgi qui se fait financer l’étude par la gouvernement allemand, il faut aller jusqu’au bout et construire un pilote d’unité centrale.

                     Il faudrait dans un schéma industriel à la dimension de l’Allemagne deux ou trois grandes unités de synthèse de carburant Fischer-Tropsch qui chacune produirait un million de tonnes de gasoil par an. Elle serait alimentée par une quarantaine d’usines de pyrolyse de capacité annuelle de 200 mille tonnes d’huile de bois.

                      Il faut aussi savoir que l’Allemagne a consommé 119 millions de tonnes de pétrole en 2006, chaque grande usine représenterait moins d’un pourcent des besoins allemands en produits dérivés du pétrole.

Le 23 Décembre 2008.

Commentaires

15 réponses à “Air Liquide-Lurgi essaie de concevoir industriellement une filière de biocarburants de deuxième génération”

  1. Avatar de christian
    christian

    Il y a un point à préciser : il s’agit de faire que du biocarburant, pas du combustible.
    C’est dans les transports que le carburant a sa plus forte part de valeur ajoutée, pas dans la génération de chaleur ou d’électricité. Dès lors, la consommation de pétrole à prendre en compte n’est plus 119 millions mais certainement beaucoup moins… (j’ignore le chiffre allemand,
    mais de mémoire, en France, c’est 45 millions de tonnes, pour un total de 90).
    Pour la France, qui a plus de ressources de biomasse, le bilan est plus favorable.
    Question soumise à votre sagacité : comment les Allemands produiront-ils l’hydrogène nécessaire ? EnR ? Nucléaire ?

  2. Avatar de ray
    ray

    Le Syngas (CO+H2), de l’hydrogène de complément et le procédé Fischer Tropsch peuvent mener théoriquement à toute la pétrochimie. Il est fort probable que le moment venu ce syngas indispensable à la synthèse des carburants et dérivés(kérosène pour l’aviation civile et militaire, gasoil pour les navires et les poids lourds, naphta) sera d’origines diverses (biomasse, gaz, charbon, lignite). L’hydrogène proviendra d’une partie de ce syngas décarboné.
    Remarque de vocabulaire: un combustible est un produit naturel ou de synthèse pouvant donner lieu à une combustion. Exemple: l’alcool, merveilleux produit bio, produit très toxique pour l’homme, son foetus et son foie, est un combustible. Dénaturé avec un peu d’essence (2 à 5%) sous le terme de fuel-ethanol aux Etats-Unis, il devient un carburant utilisé tel quel ou en mélange avec de l’essence.
    Remarque 2: les raffineries allemandes ont été « chargées » avec 119 millions de tonnes de pétrole en 2007, pour produire des carburants, du naphta pour la pétrochimie, des solvants, des gaz, des fuel lourds et des cokes. Si demain on voulait s’affranchir du pétrole ce sont bien ces 119 millions de tonnes qu’il faudrait remplacer sous une forme ou une autre et non pas les seuls 50% que constituent l’essence, le kérosène et le gasoil.

  3. Avatar de TIHY
    TIHY

    Le véritable objectif dans la pyrolyse de la biomasse est de produire de l’hydrogène, car dans les différentes étapes suivantes de gasification, on multiplie la quantité d’hydrogène contenu dans la biomasse par 2,77 grâce au reformage à la vapeur. Ainsi, avec 12 tonnes de biomasse on produit 1 tonne d’hydrogène.
    De plus, le bio brut (slurry) est déjà un combustible utilisable, par exemple, dans une chaudière de type fioul lourd.

  4. Avatar de Ray
    Ray

    Le Bio-oil ou mieux le mélange travaillé avec le coke de la réaction appelé ici le liquide pâteux (slurry)s’il est utilisé comme combustible dans une chaudière ne subira pas les nombreuses viscissitudes du process Fischer-Tropsch qui est tout sauf écolo. Le bilan énergétique de l’ensemble du procédé, tout comme celui de Choren, doit être lamentable. C’est un procédé de temps de pénurie.

  5. Avatar de TIHY
    TIHY

    Pour RAY: En réalité, le rendement de pyrolyse est de 88% à partir de la paille, les 12% de gaz non condensables sont utilisés pour chauffer à 500°C, les pertes sont d’environ de 0,5 % ( ce n’est pas une combustion mais une thermoconversion sans oxygène ). Ensuite, je pense que l’objectif de l’AIR LIQUIDE est d’utiliser le slurry pour faire du biohydrogène, dans ce cadre, le rendement sera de 72% à partir d’une plante entière.
    Ainsi, si d’un coup de baguette magique, on utilisait les 3 millions d’hectares de terre agricole non cultivé en France pour la culture de switchgrass ou myscanthus, on produirait 3 millions de tonnes d’hydrogène et nous serions autosuffisant pour le transport, à condition que tous les véhicules soient à pile à combustible. On aurait aussi créer 60 000 emplois agricoles non délocalisables. Et on aurait réinternalisé un marché de 40 à 50 milliards d’euros par an dans l’économie française au lieu d’enrichir les pays producteurs de pétrole.

  6. Avatar de Raymond Bonnaterre

    TIHY vos certitudes magiques sont infiniment sympathiques, mais vous devriez tout de même revoir vos calculs, il y a une virgule qui a du sauter.
    Pour la pyrolyse, vous me rappelez aimablement que ce n’est pas une combustion, ce que l’on apprenait en classe de seconde dans les Lycées de la République, je suis d’accord avec vous, les gaz sont recyclés,j’ai déjà écrit tout ça sur le Blog, c’est gratos. Donc n’en parlons plus. On obtient un liquide noirâtre visqueux appelé Slurry, why not!
    Mais votre saut à l’hydrogène sans effort me semble pour le moins rigolo. Faire du gaz à l’eau ou syngas demande beaucoup d’énergie, le séparer du CO ou du CO2 en demande encore, le stocker sous pression en rajoute.
    Je vous rappelle que la Forêt des Landes avec 554 mille hectares produit annuellement 750 000 tonnes de bois sec qui représentent, sur la base de 20 MJoules par kg, une énergie thermique annuelle de 4,2 TWh qui avec un rendement de 40% conduiraient à une énergie électrique de 1,7 TWh. Il m’étonnerait qu’en passant par l’hydrogène et une pile à combustible poussive vous fassiez mieux, je suis même sûr que vous feriez moitié moins. Prenez alors largement 1 kWh pour faire 10 km dans une voiture électrique au dernier cri et vous verrez qu’avec la production de la forêt des landes vous ferez rouler un million de voitures qui parcouront 17000 km/an (soit 17 milliards de km) ce qui n’est déjà pas mal. Avec votre solution vous devriez arriver à la moitié.
    Non TIHY les rendements de la biomasse sont très loin de vos calculs et ceux d’un cycle hydrogène – pile à combustible encore plus. N’oubliez pas que l’énergie fossile consommée chaque année dans le monde représente plusieurs milliers d’années de biomasse lentement digérée par la terre. Une année de récolte, même de myscanthus, ne peut pas les remplacer. C’est tout simple et ça évite de se tromper d’ordre de grandeur. Pour vous vérifier calculez l’énergie initiale et l’énergie finale de chacune des étapes.
    Que l’Air Liquide veuille produire un peu d’hydrogène avec de la biomasse pour donner le change, c’est du Marketing du style greenwashing à la mode. Son obsession qui pousse cette Société à vendre la Pile à Combustible à ses actionnaires comme arme future d’un avenir flamboyant de l’Air Liquide, compte tenu de son expérience acquise, pourrait lui être un jour reprochée en cas de nouveau revirement boursier.

  7. Avatar de TIHY
    TIHY

    puisque vous êtes si fort, lisez la note du ministère de l’industrie concernant les coûts de référence de la production électrique décentralisée datant du 7 novembre sur le site DGEMP qui est totalement en accord avec ce que j’avance. De plus, reprenez vos études et travaillez le cycle JOULE BRAYTON ( début du 20 éme siècle ) en couplant une plie à combustible et une turbine à gaz(SOFC-GT,tous les groupes de type GENERAL ELECTRIC,SIEMENS,ROLLS ROYCE, UTC POWER etc travaillent la dessus). Vous pouvez aussi aller consulter le site de l’association AFH2 est prendre en référence la note concernant la production d’hydrogène vous verrez que la production d’hydrogène avec de la biomasse ne prend pas beaucoup plus d’energie que le reformage à la vapeur du gaz naturel pour faire de l’hydrogène.
    Malheureusement ce que vous n’avez pas compris dans le procédé de gasification en trois étapes c’est que vous recupérez à chaque étape l’hydrogène de l’eau en plus de celui comtenu dans la biomasse lui-même.
    Pour finir tous les groupes petroliers travaillent aussi sur la production d’hydrogene, mais avec du charbon, il suffit de regarder, PAR EXEMPLE, les recrutements de TOTAL SUR LA GAZEIFICATION du CHARBON.
    Je ne vous parle même pas de la recherche américaine concernant la gazeification ( VOIR AUSSI le site gasification.org )
    c’est fini, mon gars, on n’est plus au cycle de rankine, avec une chaudière HP de grand-père et sa turbine à vapeur.
    ON EST au 21éme siècle.
    Même les fabricants de chaudière pour particulier comm VIESSMANN ET VAILLANT maison mère de SAUNIER DUVAL travaillent SUR UNE PILE A COMBUSTIBLE pour produire à haut rendement sa propre électricité et sa chaleur.
    Je ne parle même pas du canadien BALLARD qui commercialise sa pile à combustible pour les particuliers, en plus de fournir tous les fabricants de véhicules de la planète.
    ah oui, j’allais oublié pour vos calculs, n’oubliez pas que la consommation d’énergie sera divisée par deux avec des voitures à l’hydrogène par rapport au diesel.

  8. Avatar de TIHY
    TIHY

    De plus, en ce qui concerne la pyrolyse l’universté de IOWA a au moins 10 ans d’avance sur karlsruhe, les sociétés américaines, PAR EXEMPLE, comme UOP et ENSYN ou DYNAMOTIVE AU CANADA n’en sont plus au stade de la recherche.
    et même en FRANCE, on est au même stade, avec un pilote industriel de 2 MWth, que LE FZK et LURGI.

  9. Avatar de TIHY
    TIHY

    concernant vos 750000 tonnes de bois sec, je vous trouve très optimiste:
    si on obtient 3,6 TWh thermique, ce ne sera pas si mal, de plus, comme dirait la drire avec une MTD (Meilleure Technique Disponible) vous obtiendrez 1,08 TWh electrique. SOIT 30% de rendement.
    Mais de quoi parle t on avec 3 millions d’hectares de terres agricoles disponibles avec 10 à 12 tonnes matières sèches de switchgrass à l’hectare:
    on parle de 144 à 172 TWh thermique.
    qui représente 104 à 124 TWh d’hydrogène.
    Mettez-vous en doute les chiffres du centre de recherche de Karlsruhe, de freiberg, du CEA et de l’université de l’IOWA en même temps?
    Effectivement, vous êtes vraiment très fort.
    Mais bon c’est humain: lire la mythe de la caverne dans « la République » de PLATON pour comprendre.

  10. Avatar de TIHY
    TIHY

    Pour finir, une autre voie est intéressante à suivre avec l’huile de pyrolyse et le résidu charbonneux comme diraient mes amis de chez DYNAMOTIVE:
    c’est le bilan carbone négatif avec le résidu charbonneux (30%) à utiliser comme fertilisant type TERRA PRETA dans les terres pauvres et utiliser seul l’huile de pyrolyse en cycle combiné avec une turbine type OIL & GAS de chez ORENDA par exmple.
    Du coup, on évite l’utilisation des fertilisants d’origine fossile de type NPK, on séquestre du carbone, on augmente les rendements agricoles dans les secteurs arides comme les pré-colombiens et on produit de l’électricité avec un bilan carbone négatif. on renforce notre indépendance énergétique vis à vis du gaz naturel ou du fioul lourd ou du charbon.
    On redonne de l’emploi non délocalisable vers l’agriculture à des personnes peu qualifiées.
    3000000 HA recultivés: c’est 60 000 EMPLOIS directs minimum

  11. Avatar de Raymond Bonnaterre

    Vos références font un peu date. Je vous signale que Ballard, le prince canadien de la PAC, a depuis belle lurette arrêté ses activités dans le domaine, que Sanyo s’est retiré du job et que Plug Power vient de refaire une nouvelle fournée de licenciements de 90 personnes (1/4 des effectifs). A par ça tout baigne dans la Pile à Combustible promise à un avenir radieux.
    Quand au switchgrass et autres plantes vertes on attend toujours une usine industrielle produisant quelques gouttes de biocarburants avec ces récoltes mirifiques. Les industriels ont peut-être peur des écolos qui vont leur tomber dessus quand ils vont connaître les volumes d’engrais utilisés pour forcer les rendements.
    En bref, beaucoup de bla-bla, quelques pilotes en projet, une rentabilité à démontrer malgré des subventions spéciales. Rien ne justifie votre optimisme, sauf si vous même émargez à un quelconque budget de R&D financé par la collectivité sur le sujet. Ce qui alors aurait au moins le mérite de la cohérence.
    Je vous souhaite bonne chance et que vous puissiez me prouver un jour que je n’avais rien compris.

  12. Avatar de TIHY
    TIHY

    Vous n’êtes pas mauvais dans la désinformation, bref, je suis pas là pour vous prouver quoi que ce soit. Je suis contre la fausse R&D qui va faire des recherches (des études) à bon compte sur le dos de la collectivité pendant que des chercheurs et des entreprises bien souvent allemandes et américaines travaillent sur le sujet depuis 40 ANS.
    La chimie organique: c’est leur chasse gardée.
    Non, je ne suis pas dans l’étude ou la R&D, moi mon truc c’est l’ingénierie, la réalisation et l’exploitation, je ne suis pas dans le rêve.
    Déjà d’autres sont sur le coût comme, par exemple, TECHNIP CLAREMONT avec (BIG) BIOMASS INVESTMENT GROUP pour un projet de pyrolyse de 130 MWelec avec de la canne de PROVENCE en FLORIDE.
    Mais pour conclure, il est, toujours, difficile de donner des conseils.(En général, l’expérience et la connaissance des uns ne servent jamais aux autres)
    Mais, au vu de vos certitudes, il est encore plus difficile de recevoir des conseils.

  13. Avatar de christian
    christian

    Pour ray, commentaire du 27/12/08 :
    Quel est le sens des remarques et de votre commentaire ? Répondiez-vous au mien ? Si oui, sommes nous d’accord ou pas ?
    Pour ce qui est de la génération de l’hydrogène, il y a un soucis dans ce que vous dites : il faut AJOUTER de l’hydrogène au syngas pour en faire quelque chose d’utile, et pas l’en tirer comme vous sembler le dire (<> ) ???

  14. Avatar de Raymond Bonnaterre

    La réponse est simple: l’hydrogène produit à partir de méthane est un syngas riche en hydrogène dont on a retiré le CO par conversion en CO2 et extraction de ce CO2.

  15. Avatar de TIHY
    TIHY

    l’hydrogène proviendra de la biomasse pour un bon tiers, le reste proviendra de la vapeur d’eau injectée.
    (reformage à la vapeur puis un gas schift aussi à la vapeur)
    le résidu charbonneux restant servira de fertilisant en remplacement des fertilisants NPK d’origine fossile comme de la terra preta. Nous réalisons dans ce cas une séquestration ce carbone dans le sol favorable à l’agriculture.
    CHOISIR de préférence des terres pauvres et sèches.

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