La notion de peak oil : une illusion mathématique stérile

                        Certains géologues, après avoir révisé leur cours de math, ont inventé un jour un concept marketing bien fumeux mais combien menaçant, sorte de punition divine à retardement : le peak oil. On assiste depuis à l’édition d’une floraison de courbes de productions quotidiennes de pétrole, souvent retouchées ou corrigées, passant toutes par un maximum souvent proche ou dépassé (FIG. à la fin du mémo). Mais pour certains plus réalistes, plus raisonnables, intégrant les progrès technologiques d’exploration et de production, ainsi que les hausses de prix du pétrole faisant sauter bien des contraintes financières, imaginent des réserves ultimes bien plus importantes que celles estimées par les « pickistes » purs et durs.Peakoildelayedrichardnehring2007c La notion de pic n’apporte rien au débat, il suffit de faire une hypothèse sur les réserves ultimes et d’imaginer les consommations futures.

                        Les courbes de consommation de pétroles dans les années à venir imaginées et publiées par Richard Nehring par exemple ou d’autres, partent d’abord d’un postulat jusque là non remis en cause: les consommations mondiales de pétrole vont poursuivre leur ascension (FIG., courbe verte). Par la suite elles se stabilisent à 95 millions de barils par jour, dans l’hypothèse médiane de Nehring. La consommation cumulée arrivée à 80% des réserves ultimes supposées à 4100 milliards de barils, la production de ces volumes stables devient alors impossible et la consommation baisse inéluctablement.

                      Il existe un autre scénario tout aussi utopique qui consisterait à imaginer un régime mondial tout puissant qui déciderait demain, afin de ménager un traitement progressif à l’addiction au pétrole, d’imposer une décroissance régulière des consommations annuelles mondiales de pétrole: c’est le scénario dit « communiste » international (courbe violette). Un tel scénario sans à coups, réduirait les possibilités de crises et permettrait aux économies de s’adapter progressivement à la disparition certaine de la ressource.

                       Entre ces deux cas extrêmes se situera sûrement la réalité, dirigée par les marchés et les contraintes politiques multiples et non pas par les seules ressources. Elle ressemblera à quelque chose comme la courbe rouge. Dans cette hypothèse tout d’abord une croissance des consommations jusqu’en 2030 n’a plus cours. Au contraire un processus de désensibilisation des pays de l’OCDE au pétrole étant déjà lancé, c’est plutôt une stabilisation ou une décroissance des consommations qui va être observée mais qui n’est pas due à une réduction de l’offre, mais à celle de la demande. Par la suite au grè des crises et des poussées de fièvres des cours, nous en vivons une en ce moment, les économies par paliers s’adapteront à la nouvelle donne économique, différente de la précédente et plus économe en pétrole. Bien sûr ce sont les autres formes d’énergie, moins chères qui se substitueront au pétrole.

                  Ce qui est intéressant c’est d’établir la liste des grandes ou des petites innovations qui viendront soutenir un scénario de ce type sur une période de 80 ans correspondant à la vie d’un être humain naissant aujourd’hui (liste de loin non exhaustive):

  • le développement des biocarburants,
  • la généralisation de la conversion profonde dans toutes les raffineries,
  • la croissance de l’efficacité énergétique des véhicules (diesélisation, réduction des masses, fin des 4X4, aérodynamisme, pneumatiques, etc.)
  • les véhicules hybrides (voitures puis poids lourds),
  • les véhicules au gaz naturel comprimé ou au DME, éventuellement hybrides,
  • les véhicules électriques,
  • la réduction des consommations de carburants dans les transports maritimes et aériens,
  • le développement du transport ferroviaire par TGV dans de multiples régions du monde,
  • la disparition du chauffage des foyers au fuel et au kérosène,
  • la substitution de la pétrochimie par Fischer-Tropsch à partir de gaz naturel puis de charbon,
  • la relocalisation des productions dans les zones à forte densité démographique,
  • etc.

                 Une approche analytique concernant chacun de ces postes permettrait moyennant de multiples hypothèses, de quantifier les réductions de consommations attendues.

Le 30 Septembre 2008.

Pour mémoire un faisceau instructif de courbes pickistesPeakoilfamily les plus récentes.

Commentaires

23 réponses à “La notion de peak oil : une illusion mathématique stérile”

  1. Avatar de Imago

    Je n’ai pas lu la thèse de Nehring, mais pourquoi est-ce que la consommation se stabiliserait à 95mb/j et ce pendant un demi-siècle ?

  2. Avatar de Raymond
    Raymond

    Il limite la consommation par l’offre et donc par l’aptitude de la production à renouveler ses ressources qui est un processus lent, ce qui limite donc la disponibilité et donc le flux.

  3. Avatar de toto
    toto

    Bravo Raymond
    il manque aussi dans votre raisonnement la courbe de production qui montera indéfiniment grâce à l’ingénieur Nunuche qui, grâce à ses innovations et découvertes technologiques nous permettra d’aller chercher des hydrocarbures sur Titan, de l’hydrogène sur Uranus et du plutonium sur Pluton (sic)
    Pour nous protéger du réchauffement climatique sur terre causé par l’abus de consommation fossile nous pourrons revêtir nos combinaisons « freeze-combi » grâce à la reconversion d’Arena dans les combinaisons réfrigérées….
    On arrête pas le progrès

  4. Avatar de Raymond
    Raymond

    Merci Toto, je vois que vous avez tout compris. Perspicace le petit Toto.

  5. Avatar de Imago
    Imago

    « Il limite la consommation par l’offre et donc par l’aptitude de la production à renouveler ses ressources qui est un processus lent, ce qui limite donc la disponibilité et donc le flux. »
    Pour moi c’est le PO ! Peut-être pas au sens géologique du terme, mais on s’en fiche, c’est le résultat qui compte. Le fait qu’il le situe en 2025 le place simplement dans le groupe des optimistes.
    Aujourd’hui, Rolf Hartl, le directeur de l’union pétrolière suisse a répondu à un journaliste:
    Q: Certains disent que le PO est déjà atteint.
    R: Faux. Le pic de production n’a pas encore été atteint. Et personne ne peut prédire quand il le sera (Note: c’est quand-même un comble pour une ressource si vitale). Cela dépendra en effet énormément des investissement consentis dans l’extraction et de la redistribution géographique des réserves pétrolières et les investissements qui avaient manqué dans les années 90 redémarrent en effet maintenant (Note: ces temps c’est pas garanti que ça dure) ou sont en projet, que ce soit au MO, Irak, Russie, sans oublier de nouvelles régions prospectées au Brésil ou dans l’Arctique par exemple ».
    Voilà, personne ne sait, mais en tout cas c’est pas pour demain si on a assez de sous et si les sous-developpés et les ours polaires nous laissent prospecter tranquilles, si forer à des milliers de mètre sous le fond des océans est faisable. Comme dit toto on peut aussi inclure les hydrocarbures qui sont sur Titan, du point de vue de l’économiste il suffit que le prix monte assez pour qu’ils deviennent intéressants. De ce point de vue il n’y aura effectivement jamais de PO.
    Des fois M. Bonnaterre je me demande si vous avez un problème de déni ou de lobbyisme.
    Quant à votre liste d’innovations pour durer plus longtemps en attendant (quoi ?) elle est intéressante mais dénuée de sens si le PO est un mythe ou qu’on ne sait pas quand il va se produire. Il me semble que c’est Robert Hirsch qui l’a dit, il y a bien des mesures d’atténuation, mais il faudrait s’y mettre 20 ans avant le PO.
    Très certainement trop tard, si notre économie s’effondre il se peut bien que notre consommation chute inexorablement.

  6. Avatar de Raymond
    Raymond

    Vous êtes toujours dans l’obsession américaine de consommer tout ce qui est disponible (courbe verte) alors que je m’échine à vous expliquer que pour des raisons diverses (politiques, écologiques, économiques) la vraie consommation sera au dessous des limites disponibles (courbe rouge) pendant plusieurs décennies. C’est le cas aujourd’hui, l’OPEP va baisser ses quotas, l’Amérique a compris qu’elle ne pouvait plus dépendre pour son approvisionnement de pays dirigés par des farfelus, le monde a la pétoche du CO2. Alors oubliez votre pic qui n’amène RIEN. Par contre le vrai débat est sur la durée et le déroulement de la phase de transition qui amènera nos descendants vers une économie sans pétrole inéluctable.
    Quelles sont les ACTIONS à mener pour manager cette transition qui a déjà commencé. C’est tout ce qui m’intéresse et je suis certain qu’il n’est pas trop tard. Vous allez assister dans la décennie qui vient à la naissance d’une révolution des modes de transport terrestre. C’est beaucoup plus important que les quelques élucubrations de géologues dépassés traçant des courbes dérivées de sigmoïdes hypothétiques..

  7. Avatar de Imago
    Imago

    Cette obsession de consommer tout ce qui est disponible n’est pas « américaine », elle est propre à notre Culture. Que cette tendance disparaisse serait absolument souhaitable mais rien n’est sûr.
    Le pic n’amène pas RIEN, il amène dans le débat public un certain nombre de notions dont la finitude de nos ressources, des réflexions sur notre mode de vie. Je ne trouve pas que ce soit RIEN.
    Nous pouvons, en théorie, aller dégrader l’autre moitié de la planète pour échapper aux farfelus, quant au CO2, il y a encore trop de monde qui prétend ou croit que ça n’a aucune importance.
    Alors personnellement je préfère prendre le risque de me tromper en propageant l’idée d’un pic imminent. Ce qui est stérile, ce sont des débats sur des chiffres invérifiables alors qu’au fond c’est un problème de société.

  8. Avatar de Imago
    Imago

    J’en rajoute: il y a aujourd’hui un mouvement, une idée, qui est en train de faire son chemin à travers la planète. Ca s’appelle les « initiatives de transition ». Ce mouvement est issu de la permaculture.
    Pour vous faire une idée de ce que ça représente concrètement, visionnez ce petit film de 4min (http://transitionculture.org/2008/09/26/transition-initiatives-continue-to-set-new-zealand-ablaze/)
    Ces deux mouvements s’appuient sur deux notions extrêmement importantes: le pic pétrolier et le changement climatique. Elle n’en dépendent pas, mais ces deux notions sont utilisées comme déclencheurs pour faire réfléchir les gens sur notre situation. Et ça marche. Ca c’est important.

  9. Avatar de toto
    toto

    Imago moi maintenant je suis sûr que 20 ans après le passage du peak oil, nous trouverons encore des types qui nous expliqueront que la baisse de la production mondiale de pétrole à été causée par la montée du prix du pétrole et pas pour des raisons géologiques comme l’on toujours dit les géologues. On entendra des propos du genre  » ben oui c’est normal que la production mondiale de pétrole à baissée puisque le prix du pétrole n’a cesse de devenir de plus en plus cher. Comme on le sait tous, du pétrole y en a plein partout D’ailleurs l’Aspo s’est gourée elle avait promis un peak oil en 2008 à midi – quart, tu vois ….. »

  10. Avatar de Raymond
    Raymond

    Lequel? Voir la figure ci-dessus.

  11. Avatar de toto
    toto

    Lequel ? On s’en fiche un peu. L’essentiel comme le dit très justement Imago, est la prise de conscience d’un peak Oil proche. Cela amène dans le débat public un certain nombre de notions dont la finitude de nos ressources, des réflexions sur notre mode de vie. C’est dur pour tout le monde de l’accepter . On voudrait tous se boucher les oreilles pour ne pas entendre le coup de sifflet qui indiquera le début de la fin de la récrée. En attendant tout le monde joue en se rassurant comme il peut……

  12. Avatar de Raymond
    Raymond

    C’est vrai Toto, je manque parfois de bravitude pour affronter la réalité. Avec vos blagues vous êtes même arrivés à mettre le feu aux cours du pétrole alors que les consommations baissaient! Vous avez vraiment du culot! Et ces ânes de spéculateurs vous ont cru. Bien fait pour eux! Le bluff du peak oil aura fait prendre conscience aux américains qu’il fallait réagir, et ça c’est vrai, vous pouvez le mettre à votre crédit. Dont acte.

  13. Avatar de toto
    toto

    le Big complot, la main invisible qui manipule les marchés, les ânes de spéculateurs, la propagande du peak oil… Désolé, mais là vous invoquez des arguments trop surnaturels pour moi…
    Bonne nuit Raymond.

  14. Avatar de toto
    toto

    On parle de peak de production d’oil mondial,de consommation mondiale et vous répondez consommation états-unis……

  15. Avatar de SC
    SC

    Consommation mondiale (Total World Consumption) :
    Q1 2007 : 85.84
    Q1 2008 : 85.97
    Q2 2007 : 84.90
    Q2 2008 : 85.51
    Q3 2007 : 85.56
    Q3 2008 : 86.40 (previsions)
    Ou est la baisse ?

  16. Avatar de Emile
    Emile

    Au milieu d’une trentaine de présentations lors de la conférence ASPO 2007, la plus subjective, fondée sur des estimations arbitraires et peu plausibles a été mise en vedette par cet article.
    Le mieux, pour se faire une opinion, est de consulter d’autres présentations. Par exemple celles-ci, dans le début de la liste :
    Les mégaprojets,
    L’Arabie saoudite,
    Pénurie mondiale de pétrole
    Pour ceux qui ne lisent pas l’anglais, des graphiques avec des volumes de production et des dates existent dans la plupart des présentations, ce qui permet d’avoir une idée du contenu.

  17. Avatar de Raymond
    Raymond

    La table que vous consultez comprend beaucoup d’approximations. Si vous désirez consulter les chiffres actualisés chaque mois il faut aller sur:
    http://www.eia.doe.gov/emeu/ipsr/t24.xls
    Et là vous verrez que les chiffres du T2 ne sont pas encore connus.
    Les consommations OCDE ont baissé de 1,08 millions de barils/jour au T1-2008. Elles devraient faire encore mieux au T2 (1,2 millions?) et neutraliser la croissance des pays NON OCDE. Ce n’est peut-être pas une décroissance mondiale mais c’est au moins une stabilisation.
    La valeur de la très forte baisse des volumes US est prépondérante, c’est aux Etats-Unis que se font les cours du pétrole et souvent sur la base d’informations locales. C’est elle qui explique le repli des cours du WTI au dessous de 100$/bl.

  18. Avatar de Raymond
    Raymond

    Merci Emile.

  19. Avatar de Henri
    Henri

    J’ai du mal à comprendre cet article, vu que sur ce site, on défend la théorie du peak-oil depuis le début. Et tout d’un coup, pouf, finalement, la théorie du peak-oil, ce n’est plus vrai.
    Etonnant ce revirement.

  20. Avatar de Raymond
    Raymond

    Sur ce site il y a des chroniqueurs libres, affiliés à aucune chapelle. Pour ma part j’ai toujours considéré « la théorie de peak oil » comme une formidable machine de Marketing, mais ne représentant pas la réalité économique d’un marché complexe. Il y a cependant un point sur lequel j’adhère en totalité avec cette approche c’est qu’un jour il n’y aura plus beaucoup de réserves liquides dans le sous-sol. Ce qui m’intéresse donc ce sont les ACTIONS à conduire pour insensibiliser nos économies au pétrole et donc tout ce qui touche aux autres sources d’énergies, sans exclusive, et aux progrès réalisés dans l’efficacité énergétique. Au lieu de prédire la catastrophe, je préfère souligner les avancées accomplies. Question d’état d’esprit, les attitudes sectaires ne m’ont jamais séduit.

  21. Avatar de Imago
    Imago

    En fait, vous êtes un crypto-peakiste 😀

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