L’Homme a toujours su utiliser son imagination et son savoir-faire technologique pour accroître sa puissance et son bien-être. Abattre de grands arbres, exploiter en sous-sol les veines de charbon, produire et distribuer du gaz de houille toxique puis du gaz naturel, utiliser la fission nucléaire et en capter l’énergie, construire d’immenses plateformes offshores de forage pour atteindre des gisements de gaz ou de pétrole sont toutes des activités hautement périlleuses. Mais elles contribuent à apporter puissance, mobilité et confort à l’humanité. L’enjeu en vaut la chandelle, le rapport avantages/risques est jugé largement positif. Il ne me semble pas, malgré la réaction écolo-précautionneuse affichée, que ce mouvement de progression technologique de l’humanité soit tombé subitement en panne.
Durant la dernière décennie, ce sont d’aventureuses Sociétés opératrices dans les gaz non conventionnels comme Mitchell Energy & Development rachetée en 2002 par Devon qui ont mis au point en 2005 la technologie de forage horizontal associée à la fracturation hydraulique des schistes de Barnett. Cette technologie reprise et perfectionnée par d’autres petits acteurs américains sur d’autres sites a permis de mettre au point en 2007 le « multi-stage fraccing » qui consiste à effectuer plusieurs fracturations hydrauliques tout au long d’un forage horizontal. Elles peuvent atteindre à ce jour entre 10 et 20 opérations de fracturations pour un seul forage (FIG.).
Cette technologie a déjà bouleversé l’équation de l’approvisionnement en gaz naturel des États-Unis qui il y a quelques années imposait d’importer de plus en plus de gaz liquéfié et qui maintenant affirme être très proche de l’auto-suffisance grâce aux productions locales non conventionnelles de gaz. Elles ont compté pour 50% des productions américaines en 2009 (EIA) et sûrement plus en 2010.
Ces techniques vont se développer encore sur de plus longs forages horizontaux et être adaptées à divers types de roches contenant du gaz et divers pétroles. Cela veut dire que de nombreux gisements jugés jusque là économiquement non rentables ou épuisés vont pouvoir peu à peu être mis ou remis en exploitation; d’autres gisements aux productions actuelles médiocres vont pouvoir débiter plus. Des milliards de dollars sont investis dans ce domaine aux États-Unis par les Majors mondiaux du pétrole et du gaz. L’EIA avance que ces nouvelles technologies, plus économiques que les forages offshore, vont apporter une croissance des productions américaines de pétrole de 0,5 million de barils/jour, d’autres prévoient des croissance bien plus élevées, entre un et deux millions de barils/jour. A terme, avec la démocratisation de ces technologies, c’est l’aptitude à extraire plus à fond le pétrole des réserves exploitées dans le monde qui est en jeu. Gagner dix points sur le taux d’extraction (recovery factor) c’est à terme 700 à 800 milliards de barils de pétrole en jeu, c’est 100 ans d’extraction supplémentaire à 20 millions de barils/jour en moyenne. On peut imaginer une fin de l’extraction rentable du pétrole qui s’étalerait sur plus d’un siècle sous réserve que d’ici là, de futures ressources énergétiques plus jeunes et moins polluantes ne l’aient pas définitivement supplanté.
Le forage horizontal à fracturation multiple semble donc être une technologie très efficace, elle présente cependant plusieurs inconvénients majeurs:
– elle utilise de l’eau, de l’ordre de 8 à 12 mille m3 par puits,
– la solution aqueuse de fracturation est composée de produits chimiques divers (TAB.) qui ne sont pas de violents poisons après dilution mais qu’il vaut mieux contenir et si possible récupérer. Citons par exemple des sables qui maintiennent les fissures ouvertes, de l’acide chlorhydrique qui va dissoudre certaines roches basiques, des huiles, des surfactants, des gélifiants, des inhibiteurs de corrosion, des agents de détartrage, des bactéricides, etc. Les boues qui sont remontées après fracturation peuvent également être polluées par entraînement de matériaux toxiques provenant du sos-sol fracturé.
– l’utilisation d’un tel procédé pour les forages peu profonds peut polluer les nappes phréatiques voisines destinées à la consommation. C’est donc un procédé à utiliser avec d’autant plus de prudence que le forage est peu profond.
-la fracturation peut entraîner des mini séismes, déjà signalés en particulier au Texas
Il est certain que parmi les opérateurs américains certains ne se sont pas trop posé de questions sur les risques qu’ils faisaient prendre à l’environnement et sur les conséquences irréversibles de leurs violentes interventions. Ceci a entraîné tout naturellement des réactions légitimes des populations du voisinage, relayées par les lobbies écologiques américains. C’est la raison pour laquelle la puissante Agence pour la Protection de l’Environnement américaine (EPA) vient de publier un document énumérant toutes les questions qui se posent et pour engager les enquêtes et les études qui permettront de répondre à ces questions concernant l’impact sur les eaux de consommation. Nul doute que ce travail débouchera sur une règlementation spécifiant les conditions de mise en œuvre de ces nouvelles technologies.
Les États-Unis ayant 10 ans d’avance sur l’Europe et le reste du monde sur ces problèmes il apparaît comme évident qu’il va falloir suivre minutieusement les conclusions de ces travaux.
Mais il ne faudrait pas que notre pays se caractérise par une position par trop intransigeante et réactionnaire sur l’avenir du forage horizontal à multi fracturations. Il faut toujours se souvenir des doutes exprimés par le polytechnicien et néammoins savant François Arago en 1836 quand à l’aptitude de l’organisme humain à résister lors du passage des trains sous les tunnels. Nul doute qu’il aurait été ce jour là très écouté des adeptes actuels du Principe de Précaution dont certain(e)s ont fait la même école. Respect des traditions.
CONSULTER le draft de l’EPA: de l’impact sur l’eau de la fracturation hydraulique.
Le 10 Février 2011



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