Les biocarburants de deuxième génération issus des lignocelluloses pour lesquels tant de louanges ont été dispensées, solutions évidentes à tous nos maux et autres problèmes énergétiques, n’existent industriellement toujours pas. Seules quelques unités pilotes et autres maquettes, largement subventionnées par la puissance publique, sont à la recherche d’une optimisation énergétique et financière qui ne semble pas pour l’instant convaincre totalement les investisseurs. Pourtant des procédés très divers sont à l’étude ils vont de la destruction chimique totale du matériau en gaz de synthèse, voie radicale mais énergétiquement coûteuse, à la lente digestion après hydrolyse ou extraction de la cellulose et hemicellulose par des enzymes hors de prix qui conduisent à des bières très peu concentrées en alcool, difficile à isoler ensuite à l’état pur. D’autres peuvent faire appel à divers procédés catalytiques qui conduisent à des soupes de substances organiques qu’il faut ensuite valoriser ou encore à une simple pyrolyse qui conduit à des bio-oil, mélanges instables de charbon de bois et de résidus organiques oxygénés susceptibles à leur tour d’être brûlés ou valorisés chimiquement.
Le bilan énergétique de toutes ces opérations est le plus souvent faible. La transformation enzymatique en sucre puis en éthanol qui est chimiquement la moins traumatisante et donc énergétiquement une des plus favorables, présente avec un bilan de 3,2 kg de résidus ligneux de maïs pour un litre d’alcool pur un bilan énergétique théorique de 37% hors apports énergétiques externes. Dans la pratique ce rendement sera donc grosso-modo d’un tiers.
L’autre contrainte majeure est la faible énergie volumique des matières premières: le bois avec 9MJ/litre est 2,3 fois mois énergétique que l’éthanol, les résidus ligneux selon leur compacité et leur structure vont être 2 à 3 fois plus volumineux que le bois compact.
Cette faible énergie volumique conduit à une contrainte industrielle très importante: pour des questions de logistique la taille de l’unité industrielle devra être limitée. Une unité qui traitera 1000 tonnes de bois ou déchets par jour produira dans les 315 m3 d’éthanol par jour (1980 barils/jour) et devra donc absorber dans les 4 à 5000 m3 de déchets par jour…une paille.
L’industriel le plus avancé dans ce domaine des biocarburants de deuxième génération est paradoxalement le leader mondial du bioethanol de maïs. C’est l’américain Poet (27 usines proches des paysans, 110 mille barils/jour d’éthanol, 11 mille tonnes/jour d’aliments protéinés pour animaux). Il va démarrer une boucle cellulosique de production dans son usine d’Emmetsburg (Iowa) qui va consommer dans les 822 tonnes de déchets de maïs par jour (LIRE). Pour démarrer les premiers tests les paysans ont déjà ramassé 56 mille tonnes de rafles, feuilles et tiges de maïs. Ils toucheront de l’État américain 45$ par tonne livrée pendant maximum deux ans pour les dédommager des investissements nécessaires à la collecte, au stockage et à la logistique.
Pour un producteur d’alcool de maïs, cette nouvelle filière vient astucieusement compléter ses opérations par une plus grande utilisation d’une large partie des équipements existants, par un approvisionnement de matière première indépendante des cours du maïs en grain, par des volumes complémentaires de livraisons de la part de ses fournisseurs habituels ainsi fidélisés, par une production d’alcool majorée de 40% à partir de surfaces cultivées identiques et qui rendront plus insignifiantes encore les complaintes des tenants de l’immobilisme agricole.
Le succès attendu de Poet dans sa stratégie industrielle est un point clé pour le succès des biocarburants de deuxième génération. D’autres pourront éventuellement l’imiter, en particuliers ses concurrents producteurs d’alcool de maïs. D’autres filières, plus farfelues, reposant par exemple sur la conversion en gaz de synthèse de déchets par une torche à plasma, couplée à un procédé Fischer-Tropsch (accord Solena-Rentech) pourront permettre d’arriver à des produits à forte valeur ajoutée comme du kérosène « bio » que toutes les compagnies aériennes demanderont pour réduire leurs émissions de CO2..mais à quel prix?
LIRE l’avancement du projet Liberty de Poet.
Le 5 Février 2011

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