La dépendance énergétique de l’Europe est-elle une fatalité ou bien peut-elle être maîtrisée?

                           L‘Europe des 27 nous dit Eurostat présentait en 2006, avec une consommation d’énergie primaire de 1825 millions de TEP et des importations nettes représentant 1010 millions de TEP,  un taux de dépendance énergétique de 54%. Plus de la moitié des importations était des produits pétroliers (525 MT). Cette dépendance énergétique a coûté 88 milliards d’euros à l’Europe des 27 au premier trimestre 2008, elle dépassera les 100 milliards d’euros au deuxième trimestre. Un examen de chacun des grands pays montre de profondes différences de situations (FIG., la partie parme représente le solde net des importations, les autres segments sont des productions autochtones).Dependance2006

                      En situation de forte dépendance se trouvent l’Italie (87%) et l’Espagne (81%), en situation intermédiaire on rencontre l’Allemagne (61%) et la France (51%) et avec un faible niveau de dépendance se situe la Grande-Bretagne (21%) grâce, pour cette dernière, aux ressources en pétrole et en gaz de la Mer du Nord.

                     Un premier examen de la situation européenne tenant compte de la déplétion des gisements britanniques de la mer du Nord (150MTEP), des gisements voisins exploités par les autres pays européens: Danemark (26 MTEP), Pays-Bas (57 MTEP) et de la décision allemande d’abandonner le nucléaire (43 MTEP) ne peut être que fortement pessimiste sur l’avenir de la dépendance énergétique de l’Europe.

                   Cependant il est d’autres paramètres qui peuvent tempérer la situation de dépendance. Il y a tout d’abord la baisse des consommations de produits pétroliers. Entre 2006 et 2007 la consommation européenne en pétrole et dérivés a baissé de 2,5% à 694 MTEP ( -18MTEP). La poursuite d’un tel rythme de réduction des consommations par la rénovation du parc de voitures, de camions et d’avions, par l’arrivée des voitures hybrides puis électriques, par la disparition du chauffage au fuel, permettrait au bout de 20 ans de réduire la consommation européenne de pétrole de 40% soit de 280 MTEP. En d’autres termes 2,5% de réduction annuelle des consommations de pétrole en Europe compenseront la déplétion des ressources en pétrole et en gaz de la Mer du Nord.

                   L’autre paramètre est l’extension des productions du nucléaire. L’Italie, on le sait, vient de prendre la décision de relancer un programme, la Grande-Bretagne avec la cession de ses parts dans British Energy va accroître ses capacités de production, la France avec ses deux nouvelles tranches viendra sûrement donner un coup de main à l’Espagne. Quand à l’Allemagne c’est à elle de se prendre en main et de résoudre ses contradictions (LIRE). La décision de l’Allemagne de relancer un programme électronucléaire sera le grand tournant de la politique énergétique européenne. Pour cela il faudra attendre le basculement de l’opinion publique allemande en faveur d’un choix nucléaire, ce que les derniers soubresauts des prix de l’énergie devraient accélérer. Rappelons au passage que le Ministre de l’Economie (LIRE) et le Ministre de la Recherche ont pris position officiellement pour le Nucléaire. Au global l’installation de 20 tranches de 1500 MW en Europe dans la vingtaine d’années qui vient, permettrait de générer annuellement l’équivalent de 55 M TEP supplémentaires auxquels il faut déduire l’arrêt de centrales obsolètes.

                    Enfin l’arrivée d’une énergie solaire compétitive et non subventionnée viendra apporter sa contribution tout d’abord au niveau de la demande de puissance de pointe en prenant le relais du réseau pour faire marcher les unités d’air conditionné, mais le vrai progrès sera de coupler cette ressource photovoltaïque à un dispositif de stockage d’énergie qui, à part le pompage d’eau dans les Alpes ou dans les Pyrénées, reste à inventer. L’Italie qui accueillera la prochaine immense usine SHARP de production de cellules photovoltaïques en couches minces (information méprisée en France, mais de première importance pour l’Europe) devrait être à la pointe de ces nouvelles ressources.

                     En conclusion, la dépendance énergétique de l’Europe  ne devrait pas s’accroître grâce à la réduction  des consommations de produits pétroliers en Europe, sur un rythme soutenu de 2,5% par an pendant 20 ans qui permettra de compenser les déplétions des gisements européens de la Mer du Nord. L’extension des ressources électronucléaires en Grande-Bretagne, en Italie, en France puis, par la suite, en Allemagne est la seule issue existante pour réduire cette dépendance qui se concrétise par de formidables sorties de devises du bilan des comptes européens (au moins 400 miliards d’euros en 2008) . Par la suite l’arrivée d’énergie photovoltaïque compétitive, couplée  au pompage d’eau dans les Alpes et les Pyrénées ou à l’invention de nouveaux moyens de stockage d’énergie, viendra prendre le relais.

Le 13 Juillet 2008

Commentaires

7 réponses à “La dépendance énergétique de l’Europe est-elle une fatalité ou bien peut-elle être maîtrisée?”

  1. Avatar de franck-nat

    Il est faux de compter le nucléaire comme étant de l’autonomie, sauf si l’uranium vient de France. Une partie vient du Canada, une du Niger.

  2. Avatar de Sylba
    Sylba

    Et en avant pour une dépendance aux fournisseurs d’uranium encore plus pernicieuse et à courte vue (surtout quand on va voir de près ce qu’est la situation minière, avec des tensions croissantes sur le marché).
    Réduire notre dépendance énergétique passe d’abord par l’arrêt des mésusages de l’énergie, c’est à dire la suppression des gaspillages mais aussi des utilisations aberrantes (comme le chauffage électrique) et la déperdition pharamineuse d’énergie primaire dans nos centrales sans cogénération et dans nombre de nos processus industriels et domestiques.

  3. Avatar de DJdri
    DJdri

    Malheureusement les dernières « affaires » ne vont pas dans le sens de convertir les allemands au nucléaire. De plus l’uranium même s’il n’est pas cher est une importation soumise aux manœuvres politiques.

  4. Avatar de Raymond
    Raymond

    Mon cher Sylba, tout à fait d’accord avec vous pour faire des économies, et c’est bien l’objet de mon papier de montrer qu’il est possible par ces économies de pétrole de compenser la déplétion des gisements de la Mer du Nord dont tant de peak oilers nous bercent. Les gisements de la Mer du Nord sont dans les économies d’énergie des européens.
    Par contre, dès que vous parlez cogénération, sachez que vous parlez procédé à rendement déplorable. Avant de parler d’une hypothétique cogénération utilisons des procédés ayant le meilleur rendement possible: ils consommeront moins d’énergie primaire et rejetteront moins de CO2. La même faute va être commise avec le CCS (capture séquestration du CO2). Il vaudrait mieux faire des centrales neuves plutôt que d’équiper de vieux tromblons de CCS qui va faire consommer 20 à 30% d’énergie en plus.On n’équipe pas une vielle 403 Diesel d’un filtre à particule ou d’un pot catalytique.

  5. Avatar de Raymond
    Raymond

    Les dernières « affaires » Djdri on en parle surtout sur France Culture et je ne pense pas que beaucoup d’Allemands écoutent cette chaîne de Radio. Je pense fondamentalement comme Angela et plusieurs membres éminents de son parti que l’Allemagne s’est fourrée toute seule dans un impasse et qu’elle devra en sortir. Il y a belle lurette que les écologistes américains ont compris que le nucléaire était infiniment moins dangereux que le charbon, il n’y a pas de raison que les verts allemands, en dehors de manoeuvres de basse politique, n’arrivent pas à la même conclusion.

  6. Avatar de DJdri
    DJdri

    Je ne parle pas des incidents Français mais des d’autres (dont je ne me rappelle plus) qui ont provoqué des manifestations (des verts évidemment) en Allemagne.

  7. Avatar de Olivier
    Olivier

    l’europe effectue un transfert de richesse de 100 milliards d’euros vers les pays de l’OPEP rien qu’au 2ie trimestre!
    Il faut au plus vite arreter ces importations de produits pétroliers. Sinon nous nous appauvrirons

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