Sale temps d’hiver pour la génération éolienne d’électricité allemande

Mais à quoi servent les chamailleries idéologiques entre pro et anti écolos sur les approches énergétiques? Même les philosophes y-vont de leur couplet. Le romantisme écologique imagine régulièrement de nombreux scénarios du possible. Citons par exemple la possible fourniture d’énergie électrique au réseau ouest-européen par les seules énergies intermittentes et aléatoires de l’éolien ou du solaire, n’oublions pas l’extension au Maghreb du feu projet Desertec qui devait largement alimenter l’Europe en énergie issue de centrales solaires thermiques, réparties au sein de cette vaste région ensoleillée. Maintenant, après celles des vagues abandonnées, ce sont les énergies des courants marins et des marées qui sont remises à la mode. Rien ne peut limiter l’imagination créatrice écologique.

Mais voila, après des milliards d’investissements et de copieuses augmentations des tarifs de l’électricité,  les ressources éoliennes et photovoltaïques ne fournissent que quelques pour-cent de l’électricité européenne et l’Espagne exporte toujours de l’électricité vers le Maroc et importe de la France. Tels sont les faits et seulement eux.

Je voudrais ici montrer que le réseau ouest-européen ne peut pas asseoir sa base de ressource électrique sur le très vaste éolien allemand, réputé d’une puissance nominale de 32,5 GW, en progression annuelle de 2,5 GW grâce à ses nouvelles installations offshore et à la rénovation avec montée en puissance des éoliennes terrestres. Pour cette démonstration j’ai  sélectionné sur le site de l’EEX qui fournit les puissances électriques éoliennes allemandes générées tous les quarts d’heure,  ces données 8 fois par jour, toutes les trois heures, durant le mois de Janvier 2014 (FIG.)

Le résultat est sans appel, durant la seconde partie du mois, les hautes pressions de l’Europe du Nord ont sévi. Avec une médiane à 7,16GW sur le mois, ou 22% de la puissance éolienne nominale,  14  points (près de deux jours) se retrouvent au-dessous de 1,43GW ou le premier décile, et 37 points (plus de 4 jours) se trouvent au-dessous des 3 GW.

Avec une variabilité (écart type/moyenne) de 63% l’ensemble de ces données nous indique que le procédé éolien allemand n’est pas capable. Tout procédé non capable qu’il produise de l’électricité ou des saucisses de Francfort  nécessite soit de disposer, en secours, de stocks préalablement produits , ou de moyens complémentaires de production mobilisables pour suppléer aux défaillances aléatoires. En Allemagne ce sont essentiellement les centrales nucléaires encore actives, les centrales à flamme alimentées au lignite local, au charbon américain et au gaz russe qui assurent la jointure,  c’est à dire la base solide de la ressource (FIG.II).

FIG.II  mobilisation des diverses ressources de puissance électrique en Allemagne le 21 Janvier 2014 (EEX) un jour de faible vent.

Le réseau électrique ouest-européen ne peut pas en l’état être alimenté par les seules ressources renouvelables intermittentes dont nous disposons aujourd’hui et dont nous pourrions en investissant décupler la puissance installée. Par contre il va falloir subventionner pour éviter leur fermeture, au travers des contrats de capacités, ces centrales traditionnelles à flamme défavorisées par les règles de priorité sur le réseau et devenues déficitaires.

Centrales à flammes bannies, déficitaires et devenues indispensables…l’absurde énergétique européen prévaut.

LIRE l’excellent papier de Jean Pisani-Ferry qui dénonce l’absurdité des règles européennes de gestion du réseau et de certains choix énergétiques.

Accéder aux graphes de productions des centrales nucléaires et à flamme allemandes sur EEX.

Accéder aux productions éoliennes ou photovoltaïques.

Le 4 Février 2014.

Commentaires

12 réponses à “Sale temps d’hiver pour la génération éolienne d’électricité allemande”

  1. Avatar de Tonton
    Tonton

    Pour une fois vous allez être d’accord avec Jancovici.

    http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/energie-environnement/actu/0203288731131-sus-aux-anglais-647635.php#Xtor=AD-6001

    Hervé Nifenecker avait fait un très bon papier sur les limites de l’éolien à l’aide de raisonnements simples confirmés par un travail statistique.

    http://www.sauvonsleclimat.org/documentsslchtml/etudeshtml/limites-de-lintegration-des-productions-delectricite-intermittente-etude/35-fparticles/1427-limites-de-lintegration-des-productions-delectricite-intermittente-etude.html

    Des conclusions très proches des planificateurs allemands qui, dans leurs documents de prospective, indique que quelque soit la part des renouvelables, il faut assurer le pic maximum de production électrique avec des moyens conventionnels.

    http://www.pfbach.dk/firma_pfb/pfb_a_new_dena_study_2012_09_06.pdf

    Dans les faits le charbon en Allemagne ne voit pas sa consommation baisser depuis 1990.

    http://www.ft.com/intl/cms/s/0/e6470600-77bf-11e3-807e-00144feabdc0.html

  2. Avatar de BMD
    BMD

    Très bon papier du Centre d’Analyse Stratégique en effet. Mais cette analyse a déjà été faite, certes de manière moins raffinée. Voilà dix ans que ce qu’on observe actuellement a été prédit par les ingénieurs électriciens: ils n’ont été écoutés ni par les économistes, ni par les politiques. Conclusion, l’économie et la politique sont-elles des affaires trop sérieuses pour être confiées à des économistes et des politiciens?

  3. Avatar de Raymond Bonnaterre
    Raymond Bonnaterre

    BMD, démontrer que certains rêves écologiques ne tiennent pas la route est un combat de longue haleine, dans lequel même les évidences ont du mal à prévaloir.

  4. Avatar de wawa

    merci pour ce papier

  5. Avatar de Tonton
    Tonton

    Mon précédent commentaire demande à être validé. Trop de liens (intéressants) sûrement.

  6. Avatar de Raymond Bonnaterre
    Raymond Bonnaterre

    Tonton, savoir chiffrer expérimentalement et au cours du temps la variabilité du procédé éolien allemand ou plus généralement européen, me semble être une donnée fondamentale nécessaire pour comprendre et chiffrer la problématique des énergies renouvelables et qui devrait être suivie et publiée par les autorités compétentes européennes. L’absence d’une telle publication montre qu’il n’existe aucun service compétent, responsable, et indépendant au sein de l’administration européenne de l’énergie. Là est le principal problème et l’origine des âneries proférées par nos élus mal informés.
    Il manque à l’Europe l’équivalent de l’EIA américaine, compétente et respectée.

  7. Avatar de Tonton
    Tonton

    Tout à fait d’accord. Même chose pour l’euro : Eurostat voulait lancer une enquête sur les économies européennes et en a été empêchés, par Chirac et Schröder notamment, qui auraient permis de découvrir le scandale grec mais aussi les tromperies allemandes et françaises.

    Mais le propre des idéologies c’est le mépris des vérités simples. Euro, EnR, même combat.

    Pendant ce temps, L’Allemagne continue sa grande aventure, s’obstinant comme elle l’a fait dans son passé jusqu’à la catastrophe.

    http://www.connaissancedesenergies.org/afp/allemagne-une-nouvelle-autoroute-de-l-electricite-prevue-pour-2022-140205

  8. Avatar de Raymond Bonnaterre
    Raymond Bonnaterre

    Effectivement, la nouvelle ligne électrique allemande qui devra relier sur 800 km le nord du pays où tournent les éoliennes au sud industrieux semble provoquer pas mal de commentaires.
    http://www.spiegel.de/wirtschaft/unternehmen/suedlink-betreiber-praesentieren-plaene-fuer-laengste-stromtrasse-a-951609.html
    Une chose est certaine, sans nucléaire qui devrait arrêter en 2022, elle va avoir un fort et irrépressible hoquet. Alors, bientôt viendront un ou plusieurs colossaux moyens de stockage électrique et quelques centrales à flamme pour agrémenter le projet.
    L’Allemagne est riche, elle peut se payer ces balivernes.

  9. Avatar de I.lucas
    I.lucas

    je signale un site danois qui donne les statistiques de l’ensemble des pays européens, sur plusieurs années.
    Ces statistiques permettent de faire un traitement statistiques des régimes de vent et du solaire.
    http://www.pfbach.dk/
    de plus y figurent plusieurs études interessantes

  10. Avatar de Ray
    Ray

    Merci Lucas, mais ce qui me passionne, ce sont les performances de notre gros voisin qui se veut ou plutôt s’autoproclame exemplaire. Je dois avouer me faire beaucoup de soucis au sujet des prochaines bourdes du « virage transitionnel énergétique » annoncé par ceux qui nous dirigent et qui vont s’inspirer des fadaises germaniques.
    Le paradoxe teuton: moins de nucléaire, moins de CO2 , me semble être une immense bêtise hors de prix et à la faisabilité douteuse. Les données actuelles semblent confirmer mes appréhensions.
    Je maintiens donc le slogan, toujours d’actualité: « transition piège à fonds » et je suis, à coup sûr, trop poli.

  11. Avatar de Tonton
    Tonton

    Justement, l’auteur est favorable à l’éolien mais garde la tête froide et a des analyses très intéressantes.

    C’est sur son site que j’ai pu y lire que quelque soit la puissance installée en renouvelables en Allemagne, la capacité maximale appelée (en pointe) devra être couverte par des centrales fossiles.

    Une analyse (parmi d’autre) sur la dépendance aux exportations (là aussi…) de l’Allemagne pour maintenir un équilibre bien précaire dans on système électrique.

    http://www.pfbach.dk/firma_pfb/pfb_germany_exporting_wind_variations_2013.pdf

  12. Avatar de I.lucas
    I.lucas

    quelques réponses à ces questions :
    par exemple ce papier qui supposent que les problèmes de réseau sont résolus (= se comportent comme une plaque de cuivre)
    http://fondationecologiedavenir.org/Colloque_energie_intermittence/Alain_BURTIN.pdf

    Les services systèmes (= maintien de la fréquence, réserves disponibles à différentes échelles de temps) ne sont pas assurés par l’éolien et le solaire, il faudra donc les ajouter.

    On augmente la variabilité de la demande résiduelle.
    voir aussi l’étude de la DENA allemande qui confirme ce point :
    http://www.pfbach.dk/firma_pfb/dena_endbericht_integration_ee_2012.pdf
    voir la page 114 avec l’évolution de la durée des productions excédentaires :
    – 1000 h en 2030
    – 2500 heures en 2040 (soit de l’ordre de 40% de la production ENR)

    L’Allemagne envisage d’utiliser les excédents en hiver dans les réseaux de chaleur (par effet joule, comme chez nous!) ou/et d’exporter ces excédents de production (donc merci à tous ses voisins qui doivent anticiper en construisant plus de moyens souples)
    La Pologne et la Tchéquie se prémunissent de ces perturbations en construisant à leur frontière avec l’Allemagne des transformateurs déphaseurs qui permettent de contrôler les perturbations sur leur réseau.
    Si les perturbations ne peuvent aller à l’Est, elles iront un peu plus à l’Ouest….

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *