Réflexions sur le prix à payer pour un MWh d’électricité

 Les prix de l’électricité, forme d’énergie très difficilement stockable et difficilement exportable sur de longues distances dépendent d’une multitude de facteurs de lieu, de temps, de climat, d’origine etc. L’exemple de quelques tarifs pratiqués dans notre pays en voie d’appauvrissement accéléré est des plus instructifs.

On apprend du patron de GDF-Suez en colère que le bon prix de gros venant d’EDF d’une électricité de base serait de 35 euros le MWh, ce dernier avançant une offre à 42 euros. Dans le même temps les industriels du photovoltaïque sont en révolte à la suite du décret gouvernemental qui institue un moratoire sur les projets photovoltaïques de plus de 3 kW, dont l’énergie solaire devait être achetée par EDF entre 510 et 276 euros par MWh en 2010 selon le type d’installation et sa localisation. Pour les projets de faibles tailles (<3 kW) le processus n’est pas arrêté et le prix de vente à EDF est encore de 580 euros/MWh. Pendant ce temps l’énergie éolienne terrestre est achetée plus de 82 euros/MWh (indexés) pendant 15 ans et l’énergie éolienne offshore plus de 130 euros/MWh (indexés) pendant 10 ans. Toutes ces fantaisies tarifaires se retrouvent finalement dans la facture du client final qui paie la CSPE (Contribution au Service Public de l’Electricité), qui n’est finalement qu’une taxe de compensation qui va être portée à 7,5 euros +TVA le MWh au début de 2011.

Prix_elec_France-2010

 Ces mécanismes de tarifs préférentiels pas gratuits et obligatoires sont entachés de profondes tares:

1- ils ne sont pas limités en volumes et donc en milliards d’euros, l’Espagne en 2008 a connu ce type de bulle qu’elle paie depuis tous les ans au prix fort,

2- ils ne laissent pas jouer la concurrence entre les diverses ressources, ce n’est pas la moins chère qui l’emporte, c’est celle qui rapporte le plus. On a vu en 2010 flamber le photovoltaïque en France et plus encore en Allemagne, sponsorisé par les baisses de prix des modules au silicium chinois. Le marché mondial a doublé en un an.

3- les subventions importantes et durables faussent les prix et rendent facialement rentables des business qui ne le sont pas. Les opérateurs préfèrent investir à grands frais en Allemagne avec 1000 heures d’ensoleillement par an plutôt que dans des pays ensoleillés à faibles coûts de main d’œuvre, où les mêmes équipements seraient bien plus efficaces et moins onéreux à poser. Mais ils seraient moins ou pas du tout subventionnés.

 Le mécanisme de Feed-in-Tariff est un outil à créer des bulles et à plumer le consommateur final ébahi par ses convictions écologiques. Tel le pâté d’alouette (une alouette, un cheval) des jours de Fête, il est fier de consommer une électricité « greenwashée »: une éolienne, un module solaire, une centrale au lignite. Un tiers de chaque.

 En conséquence, il faut sur ces sujets partager une certitude: la majorité des pays européens de plus en plus fauchés ne pourront pas très longtemps encore jouer à ces jeux hors de portée de leurs finances. L’Espagne a déjà jeté l’éponge, en France le processus de restriction est en cours, l’Italie suivra, l’Allemagne lève le pied en baissant les tarifs. Il est du devoir des dirigeants de gérer au mieux les deniers de leurs administrés, quelles que soient les bêtises réalisées auparavant.

Le 21 Décembre 2010

 

Commentaires

6 réponses à “Réflexions sur le prix à payer pour un MWh d’électricité”

  1. Avatar de an391

    Les subventions sont vraiment la plupart du temps un très mauvais système, et ça ne met pas vraiment en concurrence les investissement en négawatts (isolation et autres améliorations d’efficacité), avec les investissements subventionés. Le vrai moyen efficace pour gérer le virage (si tant est que l’on en ait vraiment le temps) ça reste les taxes sur les carburants fossiles, qui mettent toutes les solutions en concurrence pour moins en consommer. Il faut vraiment appuyer sur l’accélérateur des taxes sur les fossiles !!

  2. Avatar de I.Lucas
    I.Lucas

    un commentaire sur le seul point n°2
    Il faut distinguer
    – les solutions déjà industrialisées (centrales à charbon, à cycle combiné gaz, nucléaire, hydraulique) dont les technologies continuent à progresser, mais lentement
    – des techniques où les innovations sont importantes (photovoltaïque, éolien)
    Une mise en concurrence favorisera toujours les premières!
    La question à poser est
    quelle est la bonne politique entre
    – action directe de financement de la recherche et de démonstrateurs
    – ou action indirecte via les tarifs de rachat

  3. Avatar de an391

    @Lucas
    Je pense que taxer les matières premières nécessaire au fonctionnement des premières (charbon, gaz), est toujours préférable à subventionner les deuxièmes (surtout en terme de couts d’exploitation, subventionner la recherche c’est autre chose)

  4. Avatar de Ray
    Ray

    On peut estimer aujourd’hui arriver à produire dans les proches années qui viennent, sur la base d’un amortissement sur 8 ans:
    1) de l’électricité photovoltaïque sur un toit type centre commercial à 390 dollar/MWh (base: 5M$/MW et 1600 heures d’irradiance par an)
    2) avec une ferme solaire proche d’un réseau à 190 $/MWh (base 2,5 M$/MW et toujours 1600h).
    Ces prix de revient réalistes ne tiennent pas le coup face à une centrale au gaz à cycle combiné qui va nécessiter un investissement d’un million de dollars par MW pour 7000 heures de fonctionnement par an(18$/MWh), une consommation de gaz à 6$/MMBTU (entre 4 et 8 $) de 35 $/MWh et des frais de fonctionnement de 3$/MWh, soit un total de 56 $/MWh + ou – 10$ selon les cours du gaz.
    Il en résulte que le business photovoltaïque mondial ne devrait pas s’envoler dans les années qui viennent, le temps de voir les prix des équipements franchement se tasser pour des modules de forte puissance. En Europe les volumes devraient même décroître.
    Quand à l’éolien, c’est la course au gigantisme qui devrait permettre de réduire les coûts, surtout en offshore. Il faudrait passer à moins de 2 M$/MW (ligne électrique HVDC comprise) pour obtenir une électricité compétitive offshore sur la base de 3500 heures par an de fonctionnement.
    Multibrid (AREVA) livre une turbine de 5MW, Repower en propose une de 6,15 MW,Enercon a en catalogue une éolienne de 7,5 MW, la Norvège avec Enova développe un produit de 10 MW et enfin l’Espagne, avec Gamesa comme chef de file, a lancé l’étude de faisabilité d’un monstre de 15 MW. Mais il faudra des décennies pour assister à cette montée en puissance et voir un jour les prix de l’électricité éolienne arriver à parité avec ceux des centrales thermiques.
    En attendant, c’est généralement le consommateur qui paye la différence de prix.

  5. Avatar de Solothum
    Solothum

    Deux ans plus tard …

    Le tarif d’achat, nécessairement un peu supérieur au coût de production, est déjà descendu à 170 €/MWh en France pour une petite installation en toiture de moins de 100 kW.

    En Allemagne, on en est déjà à 110 €/MWh pour une installation en toiture de 1000 kW ou plus et à 130 €/MWh pour du 40 à 1000 kW.

  6. Avatar de Raymond Bonnaterre
    Raymond Bonnaterre

    Ne pas confondre le prix de vente subventionné du MWh photovoltaïque au réseau et le prix de revient calculé sur la durée de vie totale des équipements. Entre les deux il y a les amortissements sur 5 ou 7 ans des investissements et la marge de l’opérateur qui sont largement payés par les majorations de tarifs. Une paille.
    C’est vrai, tant que les prix des modules chinois feront la loi en Europe les prix de revient du MWh photovoltaïque auront tendance à baisser. Mais, en ce moment, cela fâche beaucoup l’administration européenne incompétente qui veut taxer à contre-temps les importations chinoises d’équipements.
    En attendant voila annoncées en France les ruineuses éoliennes offshore qu’il faudra à coups de milliards d’euros raccorder au réseau par des lignes HVDC.
    Une activité qui ne crée pas de richesses et vit de subventions appauvrit le pays où elle se développe. Cela s’appelle une rente.
    Je suis favorable aux les énergies renouvelables non subventionnées…mais elles sont encore beaucoup trop rares…là est tout le problème. Problème majeur de timing.
    En attendant l’Allemagne brûle du charbon américain. Un contre-exemple d’une évidente bêtise.

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