Dans un scénario improbable de consommation débridée, le CERA ne voit aucun risque de pénurie de pétrole jusqu’en 2030

 Le CERA (Cambridge Energy Research Associates) célèbre bureau d’études sur l’énergie du Massachussetts, vient de publier une actualisation de ses projections de consommations et de ressources de pétrole mondiales pour les décennies à venir. A partir d’une base de données qui recense 24000 champs pétroliers ou gaziers actifs et d’un éventail de 450 champs actuellement en développement (FUD), cet institut de recherches conclut que les capacités de productions estimées à ce jour à 92 millions de barils/jour pour une demande de 84 millions de barils/jour, pourront suivre une éventuelle croissance de la demande jusqu’à 115 millions de barils/jour en 2030 (FIG.I).

FIG.I : les capacités de production de pétroles pourront suivre une demande de 115 millions de barils/jour en 2030

CERA-2009-b

Ce travail estime que 40% des champs exploités sont sur leur phase de déclin avec une vitesse de décroissance médiane de 7.5% et de 6,1% après pondération par les volumes. Cela veut dire que 60% des champs en production actuellement sont sur leur première phase en plateau. Ramenée à l’ensemble des productions, la vitesse de décroissance moyenne est de 4,5%. Cette valeur va aller en augmentant lentement avec le temps, mais l’estimation des ressources ultimes va elle aussi s’accroître au cours du temps, avec les nouvelles découvertes et la progression des techniques d’exploration et de production.
Le CERA estime les ressources ultimes à 4800 milliards de barils dont 1100 milliards ont déjà été extraites du sous-sol. Il est à remarquer que cette valeur de 4800 milliards de barils est dans la fourchette haute des estimations de Richard Nehring (LIRE).

Pour le CERA  la part des ressources non conventionnelles (huiles lourdes, sables bitumineux, biocarburants, coal-to liquid, gas-to liquid, gaz liquéfiés) passera de 14% aujourd’hui à 23% en 2030. Par la suite les capacités de production mondiales aborderont un long plateau d’une vingtaine d’années jusqu’en 2050 (FIG.II).

FIG.II : les capacités de production de combustibles liquides croîtront jusqu’en 2030 puis aborderont un plateau jusqu’en 2050

CERA-2009

 Cette date de 2050 est très importante puisque c’est la date pour laquelle, si l’on en croit nos climatologues, les émissions de gaz carbonique devront avoir été divisées par trois par rapport à aujourd’hui (ou par deux par rapport à la référence 1990). Il faut donc pour être exhaustif dans ces prévisions, intégrer cette contrainte, ce que le CERA n’a pas fait encore. Peut-on imaginer une consommation de pétrole croissante compte tenu de cette contrainte?

Le scénario le plus probable est donc une consommation stagnante de pétrole d’ici à 2025 ou 2030 autour des 85 millions de barils/jour, la croissance des consommations de pétrole des pays en développement étant compensée par la décroissance de celles des pays OCDE. Puis jusqu’en 2050 les consommations de pétrole sous la contrainte climatique aborderont une phase de décroissance rapide. Un tel scénario où finalement, après 2050, les ressources non conventionnelles représenteraient au moins la moitié des consommations totales qui se situeraient autour de 40 à 50 millions de barils/an, conduirait à une satisfaction des besoins en ressources énergétiques liquides conventionnelles largement au-delà de la fin de ce siècle.

Il va falloir un jour que les prévisionnistes de tous poils intègrent la contrainte climatique. Ne perdons pas espoir, cela va arriver.

LIRE un résumé des nouvelles prévisions du CERA.

Le 24 Novembre 2009
 

Commentaires

10 réponses à “Dans un scénario improbable de consommation débridée, le CERA ne voit aucun risque de pénurie de pétrole jusqu’en 2030”

  1. Avatar de rené Grau

    Bjr à tous,
    je vous livre mon scénario pour les années à venir:
    pays OCDE, conso 2009: 46 M barils/j, conso 2012: 48 M barils/j puis plateau et / ou lent déclin
    pays Non OCDE: conso 2009: 38,5 M barils/j puis augmentation annuelle de 1 à 1,2 M barils/j.
    Total MONDE 2009: 84,5 M barils /j , MONDE 2012: 90 M barils/j environ
    L’avenir cher M. Bonnaterre nous départagera !!
    Cordialement,
    RG.

  2. Avatar de Harold
    Harold

    J’aimerais bien savoir ce que l’Aspo (Association pour l’étude des pics de production de pétrole et de gaz naturel http://aspofrance.org/) pense de cette étude. On en sait plus quoi penser, après la polémique sur les chiffres de l’AIE

  3. Avatar de ray
    ray

    Toutes ces rumeurs Harold sont largement manipulées par les adeptes du peak-oil les plus extrémistes qui sont de plus en plus déconsidérés par leurs annonces apocalyptiques successives qui ne se concrétisent pas dans les faits. Certains dans The Oil Drum de façon très régulière camouflent même la baisse de la demande actuelle en une pénurie d’offre, ce qui n’a objectivement aucun sens. Le CERA est leur pire ennemi, puisque de façon très rationnelle et analytique il maintient et signe que la pénurie n’est pas pour demain.
    Mais toutes ces officines annoncent encore des consommations croissantes de pétrole, quoique le CERA ait émis dernièrement des doutes sur cette croissance annoncée. Dans le cadre des contraintes climatiques elle devient grotesque.
    Si l’on veut diviser par trois les émissions de CO2 d’ici à 2050 il faudra bien que la consommation de pétrole soit divisée par deux au moins et que les biocarburants représentent une part significative des consommations.
    Un monde se satisfaisant de 40 millions de baril/jour avec 5 à 8 millions de barils/jour de biocarburants est possible à imaginer, avec des transports terrestres largement électrifiés et une chimie organique qui partira du gaz ou du charbon. Il traversera la deuxième partie de ce siècle et une large moitié du siècle suivant.
    Mais dire cela ne fait pas peur au bon peuple et n’est donc pas intéressant pour les gazettes.
    La substituabilité des sources d’énergies n’est pas un concept facile à faire comprendre et pourtant, l’arrivée de voitures électriques va constituer un exemple superbe pour l’illustrer.
    Harold lisez donc les papiers de l’Aspo avec beaucoup d’esprit critique et revenez toujours aux fondamentaux!

  4. Avatar de JP
    JP

    Je regarde la figure 1, et me demande comment le CERA justifie:
    -que les « encore à découvrir’ fourniront déjà dans dix ans presque un sixième de la production globale,
    -que les « en cours d’évaluation » produiront au max dans seulement cinq ans,
    -que les « en cours de mise en exploitation » décroitront aussi lentement dans 20 ou 30 ans
    -et d’une manière générale, pourquoi la courbe du global, qui a suivi une ligne droite de 2000 à 2008, devrait dévier vers le haut après 2009. Certes, cela ne saute pas aux yeux de celui qui n’a pas un regard affuté, mais entre 2015 et 2020, cette déviation représente un global magiquement (en attente d’explication…) augmenté de 10%.

  5. Avatar de Pascal
    Pascal

    Bonjour Raymond,
    Vous parlez de la contrainte climatique. Encore faut-il que cette contrainte apparaisse. Il est vrai qu’il y a eu ces dernières années une grosse prise de conscience au point que certains états des Etats-Unis (tel la Californie) ont pris des mesures qui auraient été inimaginables il y a quelques années encore.
    Je vois néanmoins deux possibilités qui pourraient limiter l’impact de la contrainte climatique.
    – D’une part l’être humain a tendance à facilement relâcher ses efforts (la paresse est humaine). Souvenons-nous des gros efforts effectués en matière énergétique suite au premier choc pétrolier qui n’ont pas été maintenus par la suite. La question du climat n’est urgente que dans l’esprit des scientifiques et d’une partie de la population. Ni les politiques, ni la majorité de la population ne sentent l’urgence de la chose.
    – D’autre part l’être humain a envie, avant tout, de s’éclater, de consommer. Aujourd’hui il rechigne à acheter des 4×4 mais est-ce un effet durable ou juste un effet de mode ?
    J’espère de tout mon cœur que vous avez raison à propos de cette contrainte climatique qui selon vous va s’imposer.

  6. Avatar de ray
    ray

    Pascal, oui bien sûr il y a cette menace de relâchement généralisé. Mais la menace des émanations chinoises qui vont continuer à croître, va donner la pétoche à tout le monde. Il faudra bien, tout d’abord, que les pays les plus riches donnent l’exemple s’ils veulent ensuite pouvoir parler haut et fort aux dirigeants chinois. On peut ainsi imaginer un démarrage d’un mouvement général de prise de conscience et surtout d’actions ad’hoc pour réduire significativement les émissions de CO2.

  7. Avatar de René Grau

    Bjr à tous,
    je vis à cheval entre la France et un des pays les pauvres de la planète ( revenu par hab de 30 € / mois), je constate:
    1/ que le rêve de la majorité de la population est de posséder une voiture
    2/ que le parc automobile ne cesse de croître malgré la pauvreté et même la disette dans le sud du pays
    3/ l’arrivée massive des concessionnaires chinois depuis 2 ans: c’est sidérant!!
    4/la population se moque totalement du réchauffement climatique et déforeste chaque jour davantage ce qui reste de forêts ( fabrication de charbon de bois).

    c’est pourquoi je suis très sceptique quand à une modération des consos de pétrole des pays non OCDE.
    Mon analyse est une lègère reprise des consos des pays OCDE avec un max en 2012 puis un lent déclin mais du fait le l’augmentation des consos venant des pays non OCDE, un total conso monde tjrs en expansion.
    Les ou des pays non OCDE pourront tjrs signer des conventions de limitations des consos, ils resteront lettre morte dans les faits.
    RG.

  8. Avatar de ray
    ray

    René, il est évident que les pays en développement vont poursuivre leur montée en consommation et qu’il serait stupide de vouloir les arrêter maintenant ou même les freiner comme le recommande l’AIE. C’est pour cela que la baisse du gaspillage énergétique doit commencer par les pays les plus riches, ceux qui consomment plus de la moitié du pétrole mondial (Etats-Unis, EuroZone, Japon, Grande Bretagne, Canada, Australie, Corée du Sud, Moyen Orient pétrolier). Dans 15 ou 20 ans sera venu le temps de s’occuper des autres. C’est pour cela que la consommation de pétrole des pays OCDE doit dès maintenant DECROITRE, sinon c’est fichu. Ce qui va entraîner cette décroissance: les politiques d’incitations vers les modèles de voitures économiques en carburants et autres primes à la casse, le viellissement et l’urbanisation des populations, l’amélioration des rendements des raffineries en carburants , les biocarburants, l’offre des constructeurs en modèles hybrides et électriques, l’allègement des véhicules pour répondre aux normes de consommations de plus en plus sévères, etc. Si toutes ces actions n’arrivent pas à calmer le jeu du gaspillage, il faudra alors « tirer l’échelle » et aller cultiver son jardin.

  9. Avatar de steph
    steph

    Bonjour,
    d’après le premier graphique , ce qui permettrait d’éviter un pic en 2015 est nommé YTF = yet to find (?) … n’est ce pas un peu court pour affirmer que nous sommes tranquilles jusqu’en 2040/2050 .

  10. Avatar de Ray
    Ray

    …et au-delà steph, les prix des carburants vont faire jouer à plein les mécanismes de substitution compétitives des sources d’énergie avec stabilisation puis une baisse des consommations de pétrole brut, un accroissement de celles de biocarburants et de gaz naturel conventionnel ou non.
    Quand aux émissions de CO2 contrairement à ce que j’écrivais naïvement il y a maintenant plus de deux ans, je pense que les décideurs des grands pays consommateurs n’en ont rien à cirer. Le déclin économique de l’Europe illustrera plus tard les méfaits de la régression prônée par l’idéologie écolo-extrémiste… au nom de la protection des générations futures contre d’hypothétiques menaces climatiques qui restent à quantifier.

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