Renault a annoncé la semaine dernière que l’Etat Français représenté par le FSI et le CEA (?), allait l’aider à industrialiser sur le site de Flins la production et le recyclage de batteries pour ses futurs véhicules électriques. Les montants financiers annoncés pour ce projet sont assez importants puisque 600 millions d’euros ont été évoqués pour une première phase et qu’il a été question d’un coût global de 1,5 milliards d’euros. Cela ressemble donc à un projet ambitieux qui ne peut qu’aider les industries françaises à entrer dans les technologies du XXIème siècle et qui verront l’électricité prendre le pas, comme vecteur énergétique, dans les transports routiers et les habitations, avec le développement d’un mix énergétique européen à base de photovoltaïque, d’éolien, de nucléaire et de centrales électriques au gaz naturel. Seule voie raisonnable pour atteindre une réduction par trois les émissions de dioxyde de carbone.
FIG.I : une batterie Renault-Nissan est constituée par assemblage de modules rigides, chacun contenant 4 éléments de 35 Ah (2S2P) de technologie polymère
C’est donc un beau et grand projet. Mais pour comprendre ce qu’il peut représenter de difficultés, il faut entrer dans le détail des grandes étapes d’un processus complexe de fabrication qui va être rappelé. La production de batteries de type Lithium-Ion polymère pour la traction électrique qui est le choix de Renault-Nissan, nécessite un parcours qui va de la chimie des matériaux, à la mécanique d’assemblage, au traitement électrique des accumulateurs et à l’électronique de contrôle associée. On peut distinguer les grandes étapes suivantes:
- l’élaboration des matériaux: supports d’électrodes, matières électrochimiquement actives, liants, additifs conducteurs, matériaux pour séparateur, enveloppe multicouche d’accumulateur, agents de scellement et d’étanchéité, etc. Ces produits, parfois d’une grande complexité, sont réalisés chez des sous-traitants dont les connaissances sont à la base de la réussite de tout projet. Ils sont bien souvent japonais ou plus largement asiatiques, membres importants et souvent ignorés du cluster de la Batterie Asiatique.
- la production d’électrodes par rouleau transfert, évaporation et calandrage en continu sur une feuille d’aluminium ou de cuivre d’un mélange liquide qui a été auparavant élaboré (slurry process).
- le traitement de surface d’électrode avec apport du matériau qui formera avec l’électrolyte, le polymère gélifié séparateur des deux électrodes.
- l’assemblage, en salle sèche, du faisceau d’électrodes, la mise en sachet aluminium souple, l’ajout d’électrolyte organique, le scellement de l’accumulateur.
- la formation électrique individuelle et la mesure exacte de la capacité de chaque accumulateur. Cette étape nécessite de lourds investissements en génération-régulation de puissance électrique et acquisition de données
- la constitution en boîtier rigide de modules de 500 Wh constitués de 4 accumulateurs (2S2P, LIRE).
- l’assemblage de la batterie définitive dans un boîtier rigide avec son connectage, son électronique de surveillance et d’équilibrage (Battery Management System ou BMS), ainsi que divers organes de sécurité. La partie électronique complexe provient de chez un fournisseur, élaborée à partir du cahier des charges du concepteur de la batterie.
La production de batteries sur un site peut donc se décliner de multiples façons selon nombre d’étapes concernées en partant de l’amont.
Dans le cas de Nissan aujourd’hui les étapes 4 à 7 de production d’accumulateurs, de modules et de batteries sont réalisées chez AESC une JV 51/49 entre Nissan et NEC. Par contre l’étape 2 et probablement l’étape 3 qui concernent la production et le traitement de surfaces des électrodes sont réalisées chez NEC-Tokin qui a mis au point la technologie. Cette entreprise du Groupe NEC est maintenant spécialisée dans la production d’électrodes. Elle vient de revoir ses objectifs à la hausse, indique le Nikkei, avec la mise en place d’une capacité de production d’électrodes pour 100 mille batteries d’ici à la fin Mars 2011.
Le Groupe Renault, en signant un accord avec sa filiale indirecte AESC, n’a pu obtenir le know-how et les droits que sur ces étapes de 4 à 7 qui ne constituent donc qu’une partie du procédé. Par la suite pour maîtriser la totalité du procédé en France il faudra soit que NEC-Tokin vienne installer un atelier de production d’électrodes en France, soit envisager le développement d’une filière nationale de production et de traitement d’électrodes sous les conseils avisés du CEA qui, on ne sait pourquoi, a toujours bidouillé dans les générateurs électrochimiques. Ce dernier assure travailler activement sur la filière phosphate de fer (LIRE la plaquette « batteries électriques » de Septembre 2009).
Les grandes étapes du projet d’intégration par Renault peuvent donc s’imaginer de la façon suivante:
1- assemblage de batteries à partir de modules provenant du Japon
2- intégration de l’assemblage des éléments, leur formation électrique et la réalisation de modules, à partir d’électrodes provenant du Japon
3- construction d’un atelier de production et de traitement d’électrodes
4- construction d’un atelier de recyclage des batteries usagées
Ces précisions illustrent la difficulté d’un processus de rattrapage technologique qui va demander beaucoup d’argent et beaucoup d’efforts pour un résultat qui ne risque que d’être partiel. Mais c’est la seule voie sérieuse, à partir d’une technologie japonaise, qu’à notre pays pour relever à terme le défi des batteries Li-Ion polymères.
Le 9 Novembre 2009


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